A Monsieur le Professeur J.C. PONS, Chef du service de Gynécologie et Obstétrique,

Vous avez accepté de présider notre jury de thèse, soyez assuré de notre profond respect.

 

A Monsieur le Professeur L. DAVID, Chef du Service de Pédiatrie de l'Hopital Edouard Herriot de Lyon,

Nous vous sommes reconnaissantes pour l'attention que vous avez portée à ce travail.

 

A Monsieur le Professeur C. MASSOT, Chef du Service de Médecine Interne de Grenoble,

Vous nous avez fait l'honneur, sans nous connaître, de bien vouloir juger ce travail.

Nous vous exprimons toute notre reconnaissance et notre respect.

 

A Madame le Docteur M. BRIN, Médecin Généraliste à Grenoble,

La rigueur de vos conseils nous ont éclairé.

Nous vous remercions pour votre disponibilité et votre compréhension.

 

A Madame le Docteur C. SCHELSTRAETE, Médecin généraliste à Chambéry,

Nous vous remercions vivement pour votre accueil chaleureux, votre soutien, votre enthousiasme et votre disponibilité.

Soyez assuré de toute notre gratitude.

Merci

A Madame le Docteur Marie THIRION,

A Madame Isabelle LAGRUT,

A Madame le Docteur FAGES,

A Madame le Docteur BREAN,

pour leur contribution active.

 

A Véra,

 

A Cathy et Fabrice,

pour leur aide précieuse, leurs conseils avisés et leur disponibilité.

Agnès

 

A ma famille

A Emmanuel, Gabrielle, Maud, et Emma

A tous mes amis

Qu'ils soient ainsi remerciés de leur soutien pendant toutes ces années d'études.

Isabelle:

 

A Margaux et à Romain pour m'avoir permis de vivre les joies de l'allaitement.

A Patrick, avec tout mon amour.

A mes parents, pour leur amour et leur soutien pendant toutes ces années d'études.

A ma grand mère, à mes beaux parents et à toute ma famille.

A tous mes amis ... avec une pensée particulière pour Cathy et Fabrice.

A Paulo que j'aurais aimé avoir à mes côtés aujourd'hui.

SOMMAIRE

1                INTRODUCTION  20

2                METHODOLOGIE  25

3                PREPARATION ET DECLENCHEMENT DE LA LACTATION  28

3.1           Developpement et croissance des glandes mammaires  28

3.1.1        Developpement embryologique 28

3.1.2        Developpement mammaire pendant la puberté 30

3.1.3        Après la puberté 31

3.1.3.1         Organisation de la glande mammaire  31

3.1.3.1.A     Arbre sécrétoire et excrétoire  32

3.1.3.1.B      Tissu interstitiel adipo-conjonctif et tissu de soutien  33

3.1.3.2        Les différentes structures de l’aréole  33

3.1.4        Modifications des glandes mammaires induites par la grossesse 35

3.1.4.1         Le développement de la glande et la sécrétion du colostrum constituent la mammogénèse  35

3.1.4.1.A     La mammogénèse est soumise à un contrôle endocrine  36

3.1.4.1.B      La mammogénèse est également soumise à un contrôle autocrine  38

3.1.4.2        Modifications anatomiques du sein  38

3.2           Les glandes mammaires pendant la lactation  38

3.2.1        Pour fonctionner, les seins doivent être stimulés : la lactogénèse s’effectue dans les jours qui suivent l’accouchement  38

3.2.1.1         Transformation des cellules pré-sécrétrices en cellules sécrétrices  38

3.2.1.2        Le contrôle hormonal de la “montée laiteuse”  38

3.2.1.2.A     Chute de la progestérone et activation de la prolactine  38

3.2.1.2.B     Les glucocorticoïdes  38

3.2.1.2.C     L'insuline  38

3.2.1.2.D     L'ocytocine  38

3.2.1.3        Mécanismes de sécrétion du lait  38

3.2.1.4        En pratique  38

3.2.2        Le maintien de la sécrétion lactée : la galactopoIèse est liée à un reflexe neuro-hormonal 38

3.2.2.1        Les différents temps de la tétée  38

3.2.2.2        Physiologie dynamique d'une tétée "efficace"  38

3.2.2.2.A    Téter n'est pas sucer  38

3.2.2.2.B     La bonne position du bébé est primordiale  38

3.2.2.3        Les émotions de la mère conditionnent fortement la réponse hypothalamo-hypophysaire  38

3.2.2.4        La réponse hormonale  38

3.2.2.4.A    L'Ocytocine  38

3.2.2.4.B     La prolactine  38

3.2.3        Modification du métabolisme maternel 38

3.3           Involution mammaire  38

3.4           CE QU’IL FAUT RETENIR POUR LA PRATIQUE  38

4                BENEFICES de l’ALLAITEMENT MATERNEL 38

4.1           BENEFICES POUR L’ENFANT  38

4.1.1        LES AVANTAGES DE LA COMPOSITION DU LAIT MATERNEL 38

4.1.1.1         Le colostrum   38

4.1.1.2         Le lait mature  38

4.1.1.2.A     Propriétés immunologiques  38

4.1.1.2.B      Elaboration des tissus  38

4.1.1.2.C      Facilitation de nombreux processus métaboliques  38

4.1.1.2.D     Variabilité de la composition du lait maternel 38

4.1.1.3         Influences du régime maternel sur la composition du lait et supplémentation  38

4.1.1.4         Conclusion  38

4.1.2        ALLAITEMENT ET DEVELOPPEMENT SENSORIEL ET COGNITIF 38

4.1.3        ALLAITEMENT MATERNEL ET ALLERGIES  38

4.1.4        ALLAITEMENT MATERNEL ET INFECTIONS  38

4.1.4.1         Gastro-entétites  38

4.1.4.2        Otites  38

4.1.4.3        Infections respiratoires  38

4.1.5        ALLAITEMENT MATERNEL ET DIABETE ISULINODEPENDANT (DID) 38

4.1.6        ALLAITEMENT MATERNEL ET MORT SUBITE DU NOURRISSON  38

4.1.7        ALLAITEMENT MATERNEL ET CANCER 38

4.1.8        ALLAITEMENT ET MALADIES DIGESTIVES  38

4.1.8.1         Allaitement maternel et enterocolite ulcéronécrosante (ECUN)  38

4.1.8.2        Allaitement maternel et maladies inflammatoires de l'intestin  38

4.1.8.3        Allaitement maternel et maladie coeliaque  38

4.1.9        AUTRES BENEFICES DE L'ALLAITEMENT MATERNEL 38

4.1.10      CONCLUSION  38

4.2           BENEFICES POUR LA MERE  38

4.2.1        LES BENEFICES A COURT TERME 38

4.2.1.1         Allaitement et carence martiale  38

4.2.1.2        Allaitement et régulation des naissances (37)(38)  38

4.2.1.3        Allaitement et métabolismes  38

4.2.1.3.A     Variations pondérales  38

4.2.1.3.B     Allaitement et diabète  38

4.2.1.3.C     Allaitement et métabolisme lipidique  38

4.2.1.4        Allaitement et sclérose en plaque  38

4.2.1.5        Les effets psychologiques de l'allaitement  38

4.2.2        LES EFFETS A MOYEN ET LONG TERME 38

4.2.2.1        Allaitement et ostéoporose  38

4.2.2.2        Allaitement et cancers gynécologiques  38

4.2.2.2.A    Cancer du sein  38

4.2.2.2.B     Cancer de l'endomètre  38

4.2.2.2.C     Cancer de l'ovaire  38

4.2.2.3        Allaitement et polyarthrite rhumatoïde  38

4.2.3        CONCLUSION  38

4.3           BENEFICES FINANCIERS  38

5                PRISE EN CHARGE DE L’ALLAITEMENT MATERNEL CHEZ LA MERE ET SON ENFANT PAR LE MEDECIN GENERALISTE  38

5.1           AIDER LA FEMME A CHOISIR ET A SE PREPARER A L’ALLAITEMENT MATERNEL 38

5.1.1        AIDER LA FEMME A CHOISIR 38

5.1.1.1         Permettre à la femme de bénéficier d’informations  38

5.1.1.2         Prendre en compte la place du père  38

5.1.1.3         Que répondre à…   38

5.1.1.3.A     L’allaitement abîme les seins: FAUX   38

5.1.1.3.B      “Ma mère n’a pas eu de lait, je n’en aurai pas”: FAUX   38

5.1.1.3.C      “Mes seins sont trop petits”: FAUX   38

5.1.1.3.D     «Une femme très jeune ne peut pas avoir beaucoup de lait » : FAUX   38

5.1.1.3.E      «Je n’ai pas de bouts de seins»: FAUX   38

5.1.1.3.F      «L’allaitement, c’est fatiguant»: FAUX   38

5.1.1.3.G     «Mon lait n’est pas assez nourrissant, ou pas bon»? FAUX   38

5.1.2        AIDER LA FEMME A SE PREPARER 38

5.1.2.1         Aider la femme à préparer la venue du bébé au sein de la famille  38

5.1.2.2        Aider la femme à préparer son corps, préparer ses seins  38

5.1.2.2.A     Préparer son corps  38

5.1.2.2.B     Préparer ses seins  38

5.1.2.2.C     Forme et longueur des mamelons  38

5.2           QUE DIRE A UNE FUTURE MERE AVANT SON DEPART A LA MATERNITE ? 38

5.2.1        LA PREMIERE TETEE 38

5.2.1.1         La tétée précoce : un apprentissage actif  38

5.2.1.2        Avantages médicaux de la tétée précoce  38

5.2.1.2.A     Pour l’enfant  38

5.2.1.2.B     Pour la mère  38

5.2.2        LES TROIS « REGLES D’OR » 38

5.2.2.1        Première règle : l’allaitement à la demande  38

5.2.2.2        Deuxième règle : ne pas imposer de durée stricte pour les tétées mais être bien positionnée  38

5.2.2.3        Troisième règle : éviter les biberons de complément  38

5.2.2.3.A    Confusion sein/tétine  38

5.2.2.3.B     Baisse de la lactation  38

5.3           LA CONSULTATION DE L’ENFANT AU SEIN PAR LE MeDECIN GeNeRALISTE  38

5.3.1        COMMENT S’ASSURER QUE L’ENFANT AU SEIN EST SUFFISAMMENT NOURRI 38

5.3.1.1         Perception du réflexe d’éjection dans les seins  38

5.3.1.2        Déglutition audible durant l’allaitement et rythme de la tétée  38

5.3.1.3        Sein plus souple après la tétée  38

5.3.1.4        Comportement du nouveau-né  38

5.3.1.5        Fréquence des urines  38

5.3.1.6        Fréquence des selles  38

5.3.1.7        Surveillance du poids par le médecin et non par la mère  38

5.3.2        ALIMENTATION ET SUPPLEMENTATION DE LA MERE ET DE L’ENFANT AU SEIN  38

5.3.2.1        Régime alimentaire de la mère et supplémentation  38

5.3.2.1.A     La femme qui allaite doit-elle manger «pour deux» ?  38

5.3.2.1.B     La femme qui allaite doit-elle boire davantage ?  38

5.3.2.1.C     La femme qui allaite a-t-elle besoin d’une supplémentation ?  38

5.3.2.2        Supplémentation de l’enfant au sein  38

5.3.2.2.A    Supplémentation en vitamine K  38

5.3.2.2.B     Supplémentation en vitamine D   38

5.3.3        DIFFICULTES VENANT DE L’ENFANT  38

5.3.3.1        L’enfant qui refuse le sein  38

5.3.3.2        L’enfant qui tête mal 38

5.3.3.3        L’enfant qui ne prend pas assez de poids: stagnation staturo-pondérale et prise de poids lente  38

5.3.3.3.A    Définition  38

5.3.3.3.B     Les causes  38

5.3.3.4        L’enfant qui pleure beaucoup  38

5.3.3.4.A    Périodes de croissance  38

5.3.3.4.B     La soif  38

5.3.3.4.C     Rythme d’éveil 38

5.3.3.5        L’enfant qui régurgite  38

5.4           COMPLICATIONS LOCALES  38

5.4.1        LES INCIDENTS DE LA MISE EN ROUTE DE L’ALLAITEMENT  38

5.4.1.1         Les mamelons douloureux sans lésions apparentes  38

5.4.1.1.A     Causes hormonales  38

5.4.1.1.B      Causes locales  38

5.4.1.1.C      Causes personnelles  38

5.4.1.2        Les crevasses  38

5.4.1.2.A     Physiopathologie  38

5.4.1.2.B     Clinique  38

5.4.1.2.C     Traitement préventif  38

5.4.1.2.D     Traitement curatif  38

5.4.1.3        Les crevasses tardives : la candidose mammaire  38

5.4.1.3.A     Physiopathologie  38

5.4.1.3.B     Clinique  38

5.4.1.3.C     Traitement curatif  38

5.4.1.4        L’engorgement  38

5.4.1.4.A     Physiopathologie  38

5.4.1.4.B     Clinique  38

5.4.1.4.C     Traitement préventif  38

5.4.1.4.D     Traitement curatif  38

5.4.2        LES ACCIDENTS INFECTIEUX  38

5.4.2.1        La mastite  38

5.4.2.1.A     Physiopathologie  38

5.4.2.1.B     Clinique  38

5.4.2.1.C     Traitement  38

5.4.2.1.D     Evolution  38

5.4.2.2        Les complications infectieuses  38

5.4.2.2.A    La galactophorite  38

5.4.2.2.B     L’abcès du sein  38

5.4.3        PARTICULARITES LOCOREGIONALES RARES  38

5.4.3.1        Réflexe d’éjection trop fort  38

5.4.3.2        Spasme du mamelon  38

5.4.3.3        La galactocèle (8)(32)  38

5.4.3.4        Les écoulements atypiques  38

5.5           ANOMALIES DE LA SECRETION LACTEE  38

5.5.1        DEFAUT DE LA SECRETION LACTEE 38

5.5.1.1         L’agalactie  38

5.5.1.2        L’hypogalactie  38

5.5.1.2.A     L’hypogalactie primaire  38

5.5.1.2.B     Les hypogalacties secondaires  38

5.5.2        LES ECOULEMENTS SPONTANES DE LAIT  38

5.5.3        L’HYPERGALACTIE VRAIE 38

6                PATHOLOGIES DE L’ENFANT ET ALLAITEMENT  38

6.1           ICTERE DU NOUVEAU-NE  38

6.1.1        ICTERE physiologique PRECOcE du nourrisson allaité au sein  38

6.1.2        ICTERE TARDIF du nourrisson allaité au sein  38

6.1.3        TRAITEMENT  38

6.2           FENTES LABIALES ET/OU PALATINES  38

6.3           LES MALADIES METABOLIQUES  38

6.3.1        LA PHENYLCETONURIE (PCU) 38

6.3.2        LA MALADIE DES URINES A ODEUR DE SIROP D’ERABLE (LEUCINOSE) 38

6.3.3        LA GALACTOSEMIE 38

6.3.4        INTOLERANCE AU LACTOSE 38

6.3.5        L’ACRODERMITE ENTEROPATHIQUE (DANBOLT-CLOSS SYNDROME) 38

6.4           MALFORMATIONS CARDIAQUES ET AUTRES PATHOLOGIES DYSPNEISANTES  38

6.5           MALADIES INFECTIEUSES DE L’ENFANT  38

6.5.1        DIARRHEE 38

6.5.2        MALADIES INFECTIEUSES COURANTES DE L’ENFANT  38

6.6           REFLUX GASTROOESOPHAGIEN (RGO) 38

6.7           QUE FAIRE EN CAS D’INTERVENTION CHIRURGICALE ? 38

6.8           PATHOLOGIES DE L’ENFANT CONTRE INDIQUANT L’ALLAITEMENT MATERNEL 38

7                Pathologies intercurrentes de la mère et possibilités thérapeutiques compatibles avec l'allaitement  38

7.1           RAPPELS DES BASES DE PRESCRIPTION DES MEDICAMENTS PENDANT L'ALLAITEMENT  38

7.1.1        PENETRATION D'UN MÉDICAMENT DANS LE LAIT MATERNEL ET TOXICITE 38

7.1.1.1         Facteurs maternels  38

7.1.1.2         Facteurs liés à la molécule  38

7.1.1.3         Facteurs liés au nouveau-né  38

7.1.2        ELEMENTS D'AIDE A LA DECISION  38

7.1.2.1         Traiter uniquement lorsque cela est nécessaire  38

7.1.2.2        Tenir compte de l'innocuité du médicament pour la mère et son enfant  38

7.1.2.3        Utiliser au maximum les données pharmacocinétiques du médicament  38

7.1.2.4        Aménager les heures de prise de médicament  38

7.1.2.5        Modifier éventuellement la posologie infantile d'un médicament  38

7.1.3        LA PRESCRIPTION D'EXAMENS COMPLEMENTAIRES  38

7.1.4        POUR SE RENSEIGNER DAVANTAGE 38

7.2           ALLAITEMENT ET PATHOLOGIES MATERNELLES  38

7.2.1        PATHOLOGIES AIGUES  38

7.2.1.1         Traitement de la douleur, de la fièvre et de l'inflammation  38

7.2.1.2        Infection maternelle et allaitement  38

7.2.1.2.A     Infections ORL courantes  38

7.2.1.2.B     Gastro-entérite  38

7.2.1.2.C     Tuberculose  38

7.2.1.2.D     Varicelle et zona  38

7.2.1.2.E     Herpès  38

7.2.1.2.F     Rougeole  38

7.2.1.2.G     Oreillons  38

7.2.1.2.H    Cytomégalovirus (C.M.V.)  38

7.2.1.2.I     Les hépatites infectieuses  38

7.2.1.2.J     VIH   38

7.2.1.2.K     H.T.L.V. 1  38

7.2.1.2.L     Fièvre inexpliquée  38

7.2.1.2.M    Conclusion  38

7.2.1.3        Voyages, vaccins et allaitement  38

7.2.1.4        Thrombose et traitement anti-coagulant  38

7.2.1.5        Contraception et nouvelle grossesse  38

7.2.1.6        Médicaments agissant sur le système gastro-intestinal 38

7.2.1.7        Allaitement et manifestations allergiques  38

7.2.2        PATHOLOGIES CHRONIQUES OU ANTERIEURES A L’ALLAITEMENT  38

7.2.2.1        Cardiopathie et hypertension artérielle  38

7.2.2.2        Pathologies endocriniennes  38

7.2.2.2.A    Hyperprolactinémie  38

7.2.2.2.B     Diabète  38

7.2.2.2.C     Pathologies thyroïdiennes  38

7.2.2.3        Affections neurologiques et psychologiques  38

7.2.2.3.A    Epilepsie  38

7.2.2.3.B     Affections neurologiques  38

7.2.2.3.C     Anxiété et dépression  38

7.2.2.4        Toxiques et allaitements  38

7.2.2.4.A    Le tabac  38

7.2.2.4.B     L’alcool 38

7.2.2.4.C     Toxicomanie  38

7.2.2.5        Cancer du sein  38

7.2.2.6        Chirurgie et implant mammaires  38

8                LE RECUEIL ET LA CONSERVATION DU LAIT MATERNEL 38

8.1           LE PRELEVEMENT ET LE RECUEIL DU LAIT  38

8.2           LA CONSERVATION DU LAIT MATERNEL 38

8.3           DECONGELATION DU LAIT  38

8.4           CONSEQUENCES DES DIFFERENTES MANIPULATIONS SUR LE LAIT HUMAIN  38

9                Savoir conseiller l’utilisation d’accessoires adaptés A l’allaitement maternel 38

9.1           Les méthodes qui remplacent le biberon  38

9.2           les tire-lait  38

9.3           Les coquilles ou les coupelles d’allaitement  38

9.4           Les compresses d’allaitement  38

9.5           Les sacs pour conserver le lait  38

9.6           Les protEge-mamelons  38

10             POURSUITE DE L'ALLAITEMENT MATERNEL ET REPRISE DU TRAVAIL 38

11             ARRET DE LA LACTATION ET SEVRAGE  38

11.1        ARRET DE LA LACTATION  38

11.2        SEVRAGE  38

12             Quelques adresses d’associations de soutien à l’allaitement maternel 38

CONCLUSION                                                        278

BIBLIOGRAPHIE                                                     282

INTRODUCTION

1                       INTRODUCTION

En tant que futurs médecins généralistes, nous avons choisi un sujet de thèse qui puisse nous servir dans notre pratique quotidienne.

D’ après une étude récente (mémoire de sage-femme soutenu en 2000, enquête réalisée à Chambéry et Aix les Bains), le médecin généraliste serait consulté en cas de difficultés d’allaitement, en troisième position après les associations de soutien et les sages femmes ; mais avant le pédiatre et le gynécologue (1).

L’allaitement maternel n’était pas jusqu’à présent un des sujets les plus développés du cursus universitaire médical et même après avoir allaité à nous deux 5 enfants ( ! ), il a bien fallu admettre que nos connaissances en la matière étaient insuffisantes et que nous n’arriverions pas davantage à aider nos futures patientes….

D’où l’idée de cette thèse qui devait être initialement un guide destiné aux médecins généralistes pour les aider dans l’accompagnement du couple mère-enfant pendant l’allaitement maternel.

Nous nous sommes alors interrogées sur le rôle que le médecin généraliste pouvait avoir auprès des mères qui allaitent. Il est démontré que les professionnels de santé ont essentiellement une influence sur la durée de l’allaitement maternel mais pas de rôle propre quant au choix de la mère d’allaiter ou non son enfant (1)(2).

Or il semblerait, que les professionnels de santé ne répondent pas aux attentes des mères : quand ils sont cités, ils sont plutôt perçus comme source d’informations contradictoires (3).

De plus, le rôle de certains médecins paraît même néfaste en particulier par des conseils de sevrage inappropriés (2).

Peut être est il possible d’expliquer le manque de formation des médecins par le déclin de la pratique de l’allaitement maternel depuis le début du siècle dans les pays industrialisés : non sollicités par leurs patientes, les médecins ont désappris, oublié l’allaitement.

« Dans les sociétés nord-américaines et les pays scandinaves, la recrudescence de l’allaitement maternel s’est intégrée à l’important mouvement social des années 1960-1970 pour un retour à la nature. On a pu observer dans ces pays une prise de conscience et une pression des mères, des groupes de femmes, des associations, y compris des mouvements féministes. Ce mouvement a précédé de beaucoup la reconnaissance médicale des bienfaits de l’allaitement maternel qui s’est amorcée au cours des années 1970 et a entraîné dans les pays scandinaves une politique ambitieuse des pouvoirs publics en faveur de l’allaitement, la mobilisation de certaines organisations internationales, dont l’OMS, et des professionnels de santé, relayant ainsi l’action initiée par les femmes elles –mêmes »(4).

La France n’a pas connu la même évolution et n’a pas encore vraiment entrepris de politique nationale en faveur de l’allaitement.

A titre d’exemple, 98% des femmes norvégiennes allaitent leur enfant à la naissance, alors qu’en France elles n’étaient que 40,5% en allaitement exclusif et 11,.1% en allaitement mixte selon les données de l’enquête nationale périnatale de 1995 (étude du certificat du huitième jour) (5).

En Isère, le taux d’allaitement maternel à la naissance semble légèrement supérieur à la moyenne nationale : 65,34% (allaitement mixte compris) d’après les données du certificat de santé du huitième jour exploitées par les services de Protection Maternelle et Infantile (PMI). Dans le même département, l’étude du certificat de santé du neuvième mois montre une nette corrélation entre le sevrage et la fin du congé de maternité.

Plus localement, une enquête réalisée à Saint Martin  d’Hères (Isère) en 1997 a révélé que si 75% des femmes interrogées au septième mois de grossesse souhaitaient allaiter leur enfant, seulement 32% des bébés de 1 à 2 mois concernés par l’enquête restaient effectivement nourris au sein de façon exclusive. Sur les 74 mères qui alimentaient leurs bébés exclusivement au biberon au cours du deuxième mois, 55% avaient démarré un allaitement au sein qui s’est arrêté dans le premier mois mais surtout dans les deux premières semaines après la naissance (40% des arrêts) (6). La différence entre le souhait des mères et la réalité de l’allaitement est ici évidente et semble bien être le point sur lequel les efforts des professionnels de santé doivent se concentrer, d’autant que d’après cette même enquête, la plupart des sevrages auraient pu être évités.

Nous pensons qu’il n’y a pas de durée « idéale » d’allaitement, mais que chaque femme, chaque couple, a un projet de durée d’allaitement en fonction de son éducation familiale, son milieu social et de son désir. Le vrai rôle du médecin généraliste nous semble être l’accompagnement pour l’accomplissement de ce projet quel qu’il soit, par la qualité et l’opportunité de l’information communiquée, et par une meilleure gestion des difficultés trop souvent responsables de sevrages inutiles et non désirés par les mères.

Nous avions initialement projeté d’élaborer une synthèse pratique sur un support informatique. L’informatique nous avait alors semblé être un outil intéressant répondant aux exigences de rapidité d’accès à l’information sous forme de synthèses pratiques, indispensables dans un cabinet de médecine libérale.

Mais nous nous sommes aperçues qu’un travail d’analyse préalable était indispensable devant une littérature très abondante mais de valeur inégale et d’origine très variée : il existe d’une part une littérature scientifique, rigoureuse mais qui n’aborde pas tous les aspects pratiques de l’allaitement maternel, et d’autre part de nombreuses publications basées sur le savoir-faire des professionnels de santé auprès des mères et de leurs enfants.

Une étude exhaustive aurait été impossible, nous avons donc décidé de limiter nos recherches au suivi des mères et de leurs enfants sains, nés à terme, dans un pays industrialisé : ce qui représente le cas le plus fréquent dans notre pays dans une consultation de médecine générale.

Le médecin généraliste peut intervenir pendant deux périodes : pendant la grossesse, puis après le retour de la maternité.

Nous avons d’abord retranscrit pour le médecin généraliste les informations théoriques qui nous ont semblé nécessaires pour expliquer aux futures mères le fonctionnement de la lactation , la composition du lait et les bénéfices éventuels qui en découlent pour l’enfant comme pour la mère. Ainsi, bien informées, elles pourront préciser leur projet d’allaitement en toute liberté.

Ensuite nous avons voulu montrer aux médecins généralistes que bon nombre des difficultés rencontrées au cours de l’allaitement pouvaient être surmontées par un traitement approprié, et que les indications médicales de sevrage étaient finalement rares. Nous avons ainsi abordé la prise en charge pratique par le médecin généraliste de la femme qui allaite et de son enfant (surveillance de la mère, traitement des éventuelles complications locales, surveillance de l’enfant au sein et conduite à tenir devant différentes pathologies de l’enfant généralement considérées comme des contre-indications). Il s’agissait aussi d’apporter aux médecins généralistes une information sur les pathologies intercurrentes de la mère, qu’elles soient aiguës ou chroniques, leurs éventuels risques de transmission à l’enfant, et les possibilités thérapeutiques compatibles avec la poursuite de l’allaitement maternel.

Enfin nous avons fini par des conseils pratiques qui peuvent être utiles dans certains cas : le recueil et la conservation du lait maternel, des précisions sur l’utilisation d’accessoires adaptés, des informations sur la possibilité de poursuivre l’allaitement après la reprise de l’activité professionnelle de la mère et sur les différentes modalités d’arrêt de la lactation et du sevrage.

 

Afin de faciliter l’accès aux références, la bibliographie est classée par chapître.

METHODOLOGIE

2                       METHODOLOGIE

Les études issues de la littérature médicale habituellement reconnues se sont penchées pour la plupart sur la physiologie ( essentiellement des études expérimentales sur des animaux destinés à la production laitière), les risques de transmission de certaines maladies par le lait mais surtout sur les bénéfices de l’allaitement maternel pour l’enfant et pour sa mère. En ce qui concerne ces articles, nous avons utilisé les critères de sélection habituels. En accord avec Monsieur le Professeur Louis DAVID, membre de notre jury, nous avons repris les thèses de Madame Cécile GALINOU (4) et de Monsieur Frédéric GREIL (8), soutenues respectivement en 1998 et 1999 à Lyon. Nos recherches bibliographiques sur les bénéfices de l’allaitement maternel ne se sont portées que sur les deux dernières années afin de remettre à jour leurs conclusions.

En ce qui concerne la partie sur la prise en charge de l’allaitement chez la mère et son enfant par le médecin généraliste, nous avons utilisé en plus des articles scientifiques, des articles basés sur le savoir-faire et savoir-être des professionnels de santé qui reflétaient soit un consensus professionnel fort, soit une opinion isolée mais qui ouvraient le débat sur une question intéressante. En effet, le manque d’intérêt et l’abandon de l’allaitement maternel dans les pays industrialisés n’ont pas encouragé la production scientifique sur ce sujet.

Pour pouvoir juger de la qualité de ces publications, nous avons utilisé la grille de lecture ci-dessous  et exigé qu’elles répondent à au moins dix de ces critères.

OUI             NON       

1)              TITRE :

Intéressant ou utile dans votre exercice?

2)             AUTEURS :

Les connaissez vous ?

Pouvez vous juger de leur qualité ?

3)             REVUE

Fiable ?

Comité de lecture de qualité ?

4)             RESUME

Conclusions utiles à votre pratique ?

5)             OBJECTIFS

Clairs ?

Pas trop nombreux ?

6)             METHODOLOGIE

Détaillée ?

Valable ?

7)             REFERENCES (BIBLIOGRAPHIE)

Suffisantes ?

Pertinentes ?

Récentes ?

Citées dans le texte ?

8)             REDACTION

L’auteur présente-t-il des données objectives ou exprime-t-il seulement une opinion ?

Le texte renvoie-t-il à des références ?

La quantification est-elle chiffrée ou bien exprimée en «  fréquent, rare, exceptionnel » ?

9)             CONCLUSIONS

Cohérentes avec le sujet ?

Ouvrent-elles sur d'autres perspectives?

PREPARATION ET DECLENCHEMENT DE LA LACTATION

3                       PREPARATION ET DECLENCHEMENT DE LA LACTATION

La physiologie de la lactation n’est pas complètement établie chez la femme. La plupart des études que nous avons trouvées ont été réalisées dans un cadre agro-alimentaire dans des élevages stimulés pour la production laitière et nous nous sommes demandées jusqu’où il était possible d’en extrapoler les résultats.

Les mécanismes hormonaux de la mammogénèse semblent bien établis et peu sujet à controverse. Il n’en va pas de même pour ce qui concerne le déclenchement de la lactation et la régulation de la synthèse du lait : il est donc peu aisé d’en tirer des recommandations standards. Faute de certitudes, certains offrent des explications : nous avons choisi de les citer car elles  ont l’intérêt de reposer sur une expérience professionnelle auprès de femmes.

"La sécrétion du lait est le résultat d’un long processus qui comprend la croissance de la glande mammaire (depuis la vie intra-utérine, à la puberté, et surtout pendant la grossesse), l’induction de la synthèse du lait à l’accouchement, la modification du métabolisme maternel qui se met au service de la glande mammaire et finalement l’involution de la glande mammaire après le sevrage." (1)

3.1             Developpement et croissance des glandes mammaires

3.1.1                          Developpement embryologique

Les glandes mammaires sont des glandes exocrines, apparentées aux glandes sudoripares par leur origine embryologique et leur structure histologique.

Chez l’embryon, les crêtes mammaires apparaissent pour la première fois dans les deux sexes, au cours de la quatrième semaine de gestation et correspondent à deux épaississements épiblastiques qui s’étendent sur la paroi ventrale , entre le creux axillaire et la zone inguinale (2). Peu après, ces lignes disparaissent sauf en deux points de la région thoracique où la prolifération se poursuit en formant des bourgeonnements dans le mésenchyme sous jacent.

Ces bourgeonnements constitueront les canaux galactophores :

t           au cours de la 5ème semaine, la crête ectoblastique commence à proliférer pour former les bourgeons mammaires primaires;

t           dès la 10ème semaine, les bourgeons primaires commencent à se ramifier;

t           durant le 3ème mois, des bourgeons secondaires apparaissent;

t           au 7ème mois de vie intra-utérine, ces bourgeons épithéliaux pleins se creusent, se canalisent pour constituer les canaux lactifères pendant les trois derniers mois de la vie foetale (3) (cf figure 1).

Figure 1 - Développement des glandes mammaires d'après LARSEN (3)

 

A la naissance, la glande mammaire se compose de  15 à 25 canaux lactifères qui s’ouvrent à la peau au niveau d’une petite dépression superficielle. La prolifération du mésoblaste sous-jacent transforme habituellement  la dépression en un mamelon (éversion du mamelon (4)) quelques semaines après la naissance. Il arrive parfois que le mamelon reste déprimé (mamelon rétracté)(3). La peau environnante prolifère également pour constituer l’aréole.

Parfois, chez l’homme comme chez la femme, un autre mamelon (polythélie) ou sein (polymastie) surnuméraire peut se développer sur la ligne des crêtes mammaires. Plus rarement un mamelon ectopique peut se voir en dehors de la ligne des crêtes mammaires par suite d’une migration du tissu mammaire. Les seins surnuméraires ne sont parfois découverts qu’à la puberté ou pendant une grossesse lorsqu’ils augmentent de volume ou donnent du lait en réponse à une stimulation hormonale (5) .

3.1.2                          Developpement mammaire pendant la puberté

Avant la puberté, les glandes mammaires sont constituées de canaux galactophores ramifiés pourvus de petits agrégats cellulaires à leur extrémité (2).

Lors des premiers cycles menstruels, sous l’influence de la sécrétion des oestrogènes ovariens, mais aussi des corticoïdes, de l’hormone de croissance et de la prolactine (6), il apparaît une prolifération canalaire et un important développement du tissu conjonctif. Les cellules adipeuses se multiplient ce qui entraine l’augmentation du volume des seins.

A l’extrémité des canaux, des cellules épithéliales s’organisent en formant des sortes de bourgeons (cf figure 2). Durant la phase pré-menstruelle la vasodilatation des vaisseaux et l’oedème du tissu conjonctif entrainent des modifications de volume des seins. L’épithélium des structures lobulaires est le siège de mitoses et présente de discrets signes d’activité sécrétoire (2).

A chaque cycle, les fluctuations hormonales induisent donc un début de développement du tissu mammaire comme pour la muqueuse utérine. En l’absence de grossesse, le processus s’enraye et la glande mammaire perd les quelques cellules épithéliales qu’elle avait accumulées ( les stimuli hormonaux durables de la gestation sont nécessaires pour assurer le développement du tissu mammaire sécréteur ) (1).

Figure 2 - Présentation schématique du développement des canaux lactifères et des alvéoles

a - Avant la puberté

b - Début de la puberté, avec l'existence d'une sécrétion d'oestrogènes

c - Fin de la puberté - Pendant les cycles ovulatoires, les alvéoles se forment aussi grâce à la combinaison des oestrogènes et de la progestérone

d - Développement des canaux lactifères et des alvéoles pendant la maturité sexuelles de la femme

e - Développement des canaux lactifères et des alvéoles pendant la grossesse et la lactation

3.1.3                          Après la puberté

3.1.3.1                 Organisation de la glande mammaire

Au terme de ces transformations, la glande mammaire présente l’aspect histologique de la glande dite “au repos”. Le sein est composé surtout de tissus conjonctifs et adipeux; la majeure partie du tissu sécréteur n’apparaît qu’au cours de la grossesse.

3.1.3.1.A        Arbre sécrétoire et excrétoire

Figure 3 - schéma d'une coupe de sein d'après POIRIER (7)

 

La glande mammaire est une glande exocrine, tubulo-alvéolaire composée. Elle est formée de 10 à 20 lobes eux-mêmes subdivisés en 20 à 40 lobules chacun, chaque lobule étant constitué de 10 à 100 tubulo-alvéoles (7).

Les canaux excréteurs sont d’abord intra-lobulaires puis interlobulaires (canaux galactophores de 2ème ordre). L’épithélium de ces petits canaux excréteurs est constitué par une assise de cellules cubiques reposant sur une membrane basale, entre lesquelles s’interposent de place en place des cellules myo-épithéliales.

Puis les canaux sont interlobaires (canaux galactophores de 1er ordre) avec un épithélium pavimenteux stratifié.

Enfin chacun des lobes est drainé par un canal excréteur propre (canal galactophore interlobaire) s’abouchant au niveau du mamelon par le pore galactophore.

Chacun des canaux galactophores interlobaires se dilate à la base du mamelon en une ampoule allongée: le sinus galactophore (cf figure 3).

3.1.3.1.B         Tissu interstitiel adipo-conjonctif et tissu de soutien

t           Les lobes – et à l’intérieur des lobes, les lobules – sont séparés par un tissu conjonctif dense à grosses fibres de collagène : les lobes sont disposés au sein d’un tissu adipeux traversé de septa fibreux. Des septa particulièrement développés séparent chaque lobe et sont reliés à la peau sous-jacente par des bandes fibreuses. A leur partie profonde, les septa sont attachés en fascia recouvrant le muscle pectoral (8);

t           A l’ inverse, le tissu conjonctif intralobulaire est lâche : dans chaque lobule sont groupés les canaux intralobulaires et leurs ramifications entourées par un tissu conjonctif fin, riche en capillaires et contenant quelques lymphocytes, des macrophages et des mastocytes.

3.1.3.2                        Les différentes structures de l’aréole

Trois zones concentriques caractérisent le sein : le mamelon, l’aréole et la peau péri-aréolaire.

L’aréole, riche en cellules pigmentaires, possède un derme fibro-élastique qui contient des follicules pileux, des glandes sudoripares et des glandes aréolaires (glandes de Montgomery). Ce derme, pauvre en kératine,  offre un riche réseau de fibres élastiques qui permettent l’allongement du mamelon au moment de la tétée.

Figure 4 - Schéma du muscle aréolaire d'après LAWRENCE (12)

 

Sous la peau fine et mobile de l’aréole et du mamelon, on retrouve des fibres musculaires lisses dont l’ensemble constitue le muscle aréolaire. Ce muscle est formé de fibres circulaires et de fibres radiées (cf figure 4) :

-      Les fibres circulaires adhèrent à la peau au niveau de l’aréole; elle s’étendent jusque dans la base du mamelon, où elles s’entrelacent autour des sinus galactophores,

-      Les fibres radiées ont une direction perpendiculaire aux précédentes. Elles naissent du derme de l’aréole et montent dans le mamelon (9).

Ces fibres musculaires, par leur orientation, entrainent l’érection du mamelon en contractant l’aréole et dilatent les conduits lactifères (10).

A la surface du mamelon, douze à vingt orifices, correspondant à l’abouchement des canaux galactophores interlobaires, sont disposés de façon circonférentielle ; chacun est bordé d’un épithélium pavimenteux stratifié kératinisant. Dans la glande mammaire au repos (c’est à dire en dehors de la grossesse et de l’allaitement), ils sont habituellement comblés de kératine.

 

L’innervation du sein (principalement innervation des vaisseaux, des muscles lisses de l’aréole et du complexe aréole-mamelon) provient des fibres sensitives et sympathiques des nerfs des 4ème, 5ème et 6ème espaces intercostaux.

L’aréole et le mamelon présentent un plexus nerveux intradermique dense et riche en terminaisons libres et encapsulées (corpuscules de Meissner et de Merckel). Les récepteurs sensibles  qui sont à l’origine des réactions sensorielles et glandulaires provoquées par la succion,sont plus nombreux à la périphérie du mamelon. Il existe d’autres récepteurs situés à la jonction mamelon-aréole qui sont eux, plutôt sensibles à la douleur.

La sensibilité somatique emprunte la voie afférente de la sensibilité générale du tronc pour atteindre le thalamus qui projette ces messages vers le cortex cérébral et l’hypothalamus (5).

3.1.4                          Modifications des glandes mammaires induites par la grossesse

3.1.4.1                 Le développement de la glande et la sécrétion du colostrum constituent la mammogénèse

Dès le début de la grossesse, il existe une prolifération intense des vaisseaux sanguins et lymphatiques qui viennent s’organiser autour des alvéoles. Le développement de cet arbre vasculaire vient ainsi répondre à celui de l’arbre sécrétoire : des cellules épithéliales ou lactocytes ( portion sécrétrice de la glande ) apparaissent progressivement en prenant la place du tissu adipeux et s’organisent en alvéoles. Elles deviennent hautes, s’enrichissent en organites (mitochondries,appareil de Golgi, réticulum endoplasmique), en grains de sécrétion et en enclaves lipidiques (7).

Tout au long de la gestation, l’épithélium mammaire n’est pas complètement étanche, et une partie des protéines sanguines, notament les immunoglobulines, filtrent entre les cellules (après l’accouchement, des jonctions serrées s’établissent entre les cellules rendant l’épithélium étanche) (1).

Il s’agit d’une structure fragile: la structure monocellulaire des parois des acini ne leur permet aucune résistance à la pression.Une hyper-pression occasionnée par un engorgement peut entrainer une nécrose alvéolaire.

Autour de l’arbre sécrétoire, un réseau de fibres musculaires se développe également : des cellules myo-épithéliales se disposent autour des acini, des capillaires et des canaux galactophores.

Et dès le 4ème mois de grossesse, la glande mammaire est capable de fabriquer un premier lait, riche en protéines (immuno-globulines) et pauvre en lipides : le colostrum (11).

3.1.4.1.A        La mammogénèse est soumise à un contrôle endocrine

Figure 5 - Rôle de la prolactine, des stéroïdes ovariens et des glucocorticoïdes sur le développement et l'activité de la glande mammaire d'après HOUDEBINE (1)

 

t           La mammogénèse résulte de l’action synergique de plusieurs hormones (cf figure 5) : celles qui sont spécifiques de la grossesse (oestrogène, progestérone et hormone lactogène placentaire ou HPL) et d’autres moins spécifiques, mais qui jouent un rôle important dans la différentiation des cellules épithéliales : les hormones surrénaliennes, l’hormone de croissance (GH) et l’insuline (11);

t           Les oestrogènes interviennent pour sensibiliser la glande mammaire aux divers facteurs de croissance, le véritable développement du tissu sécréteur ne peut avoir lieu qu’après une imprégnation durable par les oestrogènes et la progestérone. Mais en l’absence des hormones hypophysaires (prolactine, hormone de croissance) ou de leurs homologues placentaires (HPL), les stéroides ovariens sont totalement incapables d’induire un quelconque développement du tissu mammaire sécréteur (6);

t           Les oestrogènes :

-      stimulent la sécrétion d’un facteur de croissance, le TGF-α , par les cellules épithéliales,

-      provoquent une augmentation d’un autre facteur mammaire, le MDGF-1 (mammary derived growth factor),

-      induisent une destabilisation modérée de la matrice extra-cellulaire (MEC) : les conditions se trouvent alors réunies pour permettre la division des cellules épithéliales,

-      le TGF-α stimule la synthèse de certains composants de la MEC comme le collagène IV. Le système tend à s’autolimiter de cette manière, puisque l’action des oestrogènes induit d’abord une destabilisation de la MEC puis dans un deuxième temps, sa consolidation;

t           La progestérone :

exerce également une activité mammogène, mais ses effets restent encore mal compris. Il semble que l’action combinée des oestrogènes et de la progestérone stimule l’arborisation de la glande (12);

t           L ‘hormone placentaire lactogène (HPL) :

synthétisée par le placenta, elle possède des activités mimétiques de la prolactine et de la GH. Pendant la  grossesse, l’HPL sature une forte proportion des récepteurs à prolactine à la surface des lactocytes (effet prolactine-like) et inhibe la production lactée. Les fonctions de cette hormone ne sont pas bien définies (12);

t           La prolactine:

induit la  différenciation des cellules sécrétrices. Mais le taux élevé des oestrogènes limite l’incorporation de la prolactine dans les lactocytes, de même que la forte progestéronémie inhibe l’action sécrétrice de la prolactine sur son effecteur mammaire (12).

3.1.4.1.B         La mammogénèse est également soumise à un contrôle autocrine

t           les cellules épithéliales : produisent le TGF-α et le MDGF-1;

t           les cellules myo-épithéliales : sécrètent de l’IGF-1 qui est un puissant stimulateur de la division des cellules épithéliales;

t           les adipocytes : sécrètent de la prostaglandine PGE-2 sous l’influence de l’hormone de croissance et libèrent des lipides tels que le linoléate qui favorise la croissance des cellules épithéliales;

t           les fibroblastes synthétisent et sécrètent un facteur qui stimule la croissance des cellules épithéliales : le HGF (Hépatocyte Growth Factor); il semble que les cellules stimulées par le HGF sécrètent des enzymes protéolytiques qui déstabilisent la MEC et favorisent ainsi la croissance de la glande mammaire (1). D’autres facteurs, comme ceux de la famille des FGF (Fibroblast Growth Factor) dont le taux est très élevé pendant la grossesse, pourraient jouer un rôle dans l’angiogénèse (1).

Une modulation de la réceptivité des cellules épithéliales permet une croissance mammaire tout en freinant l’induction de la sécrétion lactée. Ainsi l’EGF et son homologue le TGF-α réduisent le nombre de récepteurs à la prolactine (7).

3.1.4.2                 Modifications anatomiques du sein

Le volume du sein croît (son poids double, voire triple pendant la grossesse) ainsi que le diamètre hautement variable de l’aréole : celle-ci est plus fonçée pendant la grossesse et les premiers mois de la lactation (13).

Les tubercules de Montgomery (4 à 28 sur chaque sein), grossissent. Ils contiennent des glandes sébacées dont les sécrétions sont augmentées pendant la lactation (sécrétion odorantes qui pourraient constituer un signal objectif pour inciter les bébés à téter et qui auraient également un effet lubrifiant et protecteur de l’aréole) (12).

La vascularisation mammaire augmente en fin de grossesse et encore au début de la lactation. Les veines sous-cutanées, plus apparentes pendant la grossesse, forment un cercle péri-mamelonnaire quasi-constant (5).

3.2             Les glandes mammaires pendant la lactation

Hartmann (14) distingue en fait deux stades de lactogénèse : le stade I correspond à l’apparition de la capacité à synthétiser les composants spécifiques du lait (c’est à dire à partir du milieu de la grossesse) et se poursuit jusqu’à la chute de la progestéronémie, environ 2 jours après l’accouchement; le stade II débute alors avec l’apparition d’une sécrétion lactée abondante et l’apparition de flux d’éjection (qui correspondent à notre “montée laiteuse” française).

Parallèlement, la composition du lait évolue : le stade I est marqué par la production de colostrum qui devient progressivement lait de transition (enrichi en lactose) puis lait mature pendant le stade II.

Il existe chez la femme un intervalle de temps libre en post-partum précoce, en raison de la relation temporelle entre la chute de progestérone et l’augmentation du taux de lactose dans le lait; le stade II de la lactogénèse est ainsi retardé jusqu’à 30-40h post-partum. Ce retard est cohérent avec les besoins du nouveau-né puisque sa muqueuse intestinale encore immature à la naissance a davantage besoin d’une protection immunitaire que lui assure le colostrum. Avec le temps, les besoins nutritionnels de l’enfant augmentent et la sécrétion lactée change en quantité et en qualité afin de répondre à ses nouveaux besoins.

3.2.1                          Pour fonctionner, les seins doivent être stimulés : la lactogénèse s’effectue dans les jours qui suivent l’accouchement

3.2.1.1                 Transformation des cellules pré-sécrétrices en cellules sécrétrices

Pendant les premières semaines de la lactation, les cellules épithéliales s’hypertrophient. Elles ne forment qu’une seule couche de cellules ce qui facilite le prélèvement dans les capillaires entourant l’acinus des éléments précurseurs du lait . Les cellules sécrétrices (lactocytes) s’enrichissent en ribosomes, mitochondries, ainsi qu’en membranes du réticulum endoplasmique et de l’appareil de Golgi. Elles requièrent alors les caractéristiques typiques des cellules en haute activité de biosynthèse et de sécrétion. Seule cette organisation cellulaire et tissulaire permet une traduction intense des ARN messagers des gènes des protéines du lait et une sécrétion abondante.

3.2.1.2                 Le contrôle hormonal de la “montée laiteuse”

3.2.1.2.A               Chute de la progestérone et activation de la prolactine

Le déclenchement de l’activité des cellules alvéolaires résulte des modifications hormonales qui accompagnent la délivrance.

C’est essentiellement la chute de la progestérone qui déclenche la sécrétion lactée. En effet, cette hormone exerce un double verrou :

-      elle réprime la sécrétion de prolactine par l’hypophyse,

-      elle inhibe directement l’action de la prolactine sur son effecteur mammaire.

L’abaissement de la progestérone se traduit par une hypersécrétion de prolactine pendant 36 à 48 heures. Toutefois, le taux de prolactine augmente peu, entre la fin de la grossesse et le post-partum immédiat: ce n’est donc pas tant l’hypersécrétion, mais plutôt la désinhibition de l’action de la prolactine qui serait à l’origine de la lactogénèse.

La “montée laiteuse” après la délivrance, peut être retardée par des rétentions placentaires qui peuvent contribuer à maintenir de faibles quantités de progestérone et d’HPL.

D’autre part, il existe une relation directe entre l’amplitude de la vague de prolactine qui accompagne la “montée laiteuse” et l’intensité de la lactation qui la suit (15). Pour des raisons inconnues, une suppression de ce pic de prolactine (obtenue par des injections de bromocriptine) atténue considérablement l’intensité de la “montée laiteuse” même si des taux élevés de prolactine sont ensuite obtenus lors des tétées lorsque la bromocriptine n’agit plus (6) . Il semble donc que le déclenchement même de la sécrétion lactée constitue une phase critique dans le succès de la lactation ultérieure, le tissu sécréteur ayant probablement une sensibilité particulière vis-à-vis de la prolactine dans les heures et les jours qui suivent l’accouchement.

Le déclenchement de la lactation s’explique peut-être aussi par le fait que la prolactine induit elle-même la multiplication de ses propres récepteurs à la surface des lactocytes et qu’on a constaté que cette augmentation importante du nombre des récepteurs à la prolactine conditionnait l’augmentation de la synthèse des constituants du lait (16).

Faut-il en déduire qu’une mise au sein précoce et répétée dans les heures et jours qui suivent l’accouchement conditionne la qualité de la lactation ultérieure ?

Pour R. Lawrence (12), cette “afflux” ou “montée laiteuse” ne dépend pas de la succion de l’enfant avant le 3ème ou 4ème jour. Pour Hartmann également : “La mise en route du stade II de la lactogénèse ne demande ni que les seins soient stimulés par la succion, ni que le lait soit “extrait”, mais demande la présence d’un taux adéquat d’hormone lactogène” (14).

Alors que pour James Akré (11) et pour De Carvalho (16), une stimulation par des tétées fréquentes pendant la phase précédant la "montée laiteuse", conduirait, notamment par le biais de l’induction d’un  plus grand nombre de récepteurs cellulaires à la prolactine, à une production de lait quantitativement plus importante et à une “montée laiteuse” plus rapide.

Quoiqu’il en soit, bien que certaines ethnies ne commencent à allaiter leur bébé que un à deux jours après la naissance et réussissent parfaitement à nourrir leurs enfants par la suite, certains, comme Marie Thirion, conseillent aux mères de ne pas limiter ni le nombre, ni la durée des tétées dans les premiers jours. Ceci afin de prévenir la survenue d’un engorgement, d’offrir au nouveau-né la possibilité de se familiariser avec le sein de sa mère et le maximum d’occasion de parfaire sa technique de succion . Nous en reparlerons plus loin.

3.2.1.2.B         Les glucocorticoïdes

L’accouchement s’accompagne d’une montée intense de glucocorticoïdes. Chez certaines espèces, ces stéroïdes constituent un des signaux d’origine foetale pour le déclenchement de l’accouchement.

Il a été démontré qu’une suppression des glucocorticoïdes circulants  réduisait très nettement l'intensité de la montée laiteuse (1).

3.2.1.2.C         L'insuline

L'étude détaillée de l'initiation de la lactation chez la femme souffrant de diabète insulino-dépendant (DID) a permis de constater que la transition entre le colostrum et le lait mature est retardée d'environ 24h chez ces femmes. Il semble possible qu'un certain taux d'insuline soit nécessaire pour la mise en route de ce stade. Il faut donc en avertir les mères diabétiques afin qu'elles sachent que si le délai est plus long, elles n'en auront pas moins une sécrétion lactée adéquate par la suite (14).

3.2.1.2.D        L'ocytocine

Elle joue un rôle essentiel dans la stimulation de la contraction du muscle utérin ainsi que la contraction des cellules myo-épithéliales mammaires qui entourent les alvéoles. A la fin de la grossesse, les récepteurs de l'ocytocine apparaissent dans les 2 tissus qui deviennent dès lors sensibles à l'hormone dont le taux est élevé au moment de l'accouchement. Le déclenchement de la sécrétion lactée ne pourra être effectif que si le réflexe d'éjection du lait, incluant la sécrétion d'ocytocine s'établit normalement (6).

A l'inverse de la prolactine, les taux d'ocytocine sont directement le reflet de la qualité de la stimulation aréolaire et de l’état émotionnel de la mère. Le stress, et plus spécialement l'adrénaline, bloquent très facilement le réflexe d'éjection (14).

La courbe de la figure 6 montre qu’à l’inverse de l’ocytocine, c’est bien la stimulation du mamelon qui entraine ce pic de prolactine et non un effet psychologique dû à la présence de l’enfant.

Figure 6 - Prolactine plasmatique mesurée avant, pendant et après la tétée chez trois mères (de 22 à 26 jours post-partum) d'après LAWRENCE (12)


3.2.1.3                 Mécanismes de sécrétion du lait

Figure 7 - Représentation schématique d'une cellule épithéliale mammaire complètement différenciée d'après HOUDEBINE (1)

Les éléments précurseurs du lait (sérum et précurseurs des nutriments) sont puisés dans les capillaires entourant l'acinus;

Les échanges entre le sang et les lactocytes sont intensifiés par l’augmentation du débit sanguin mammaire qui triple dans les 24-48h qui suivent la délivrance. Le volume sanguin, augmenté pendant la grossesse, est redistribué vers la glande mammaire du fait de l’involution utérine.


Le lait sécrété sous l'influence de la prolactine est ensuite déversé dans la lumière de l'acinus (cf figure 7) :

-      Les protéines du lait sont synthétisées dans le réticulum endoplasmique granulaire particulièrement abondant, passent dans l'appareil de Golgi très volumineux et sont libérées par exocytose (sécrétion mérocrine); le lactose, synthétisé grâce à la lactosynthétase à  partir du glucose et de l'UDP-galactose, s'accumule dans les vésicules golgiennes et est sécrété en même temps que les protéines,

-      Les lipides du lait, regroupés sous forme de petites goutelettes dans le cytoplasme, fusionnent ensuite et se déplacent sous forme d'une gouttelette plus volumineuse dans la région apicale de la cellule. Elles se détachent du pôle apical enveloppées d'une partie de la membrane cellulaire et d'une mince couronne cytoplasmique (sécrétion apocrine) (7). Ce mode de sécrétion permet une meilleure digestion des graisses, ce que nous verrons plus loin;

Des cellules myo-epithéliales entourant l'acinus exercent, en se contractant sous l'influence de l'ocytocine, une pression aboutissant à l'éjection du lait contenu dans la lumière de l'acinus.

3.2.1.4                 En pratique

Sylvaine Suire-Bellec (17), sage-femme, explique l’engorgement du post-partum par des mécanismes vasculaires et hormonaux:

t           Les premières heures et jours qui suivent l'accouchement sont marquées par des variations hormonales brutales (chute des oestrogènes et taux très bas de progestérone ) qui entrainent :

-      une labilité émotionnelle chez la mère,

-      une augmentation brutale et importante du débit sanguin mammaire;

t           D'autre part, les mécanismes du réflexe neuro-hormonal et de la sécrétion d'ocytocine seraient encore fragiles : soit par défaut de stimulation (le bébé ne maîtrise pas sa technique de succion, ou immaturité ), soit par inhibition émotionnelle chez la mère (mère stressée, inquiète par exemple);

t           Si le taux d'ocytocine vient à baisser, les flux d'éjection tardent à apparaître ce qui freine d'autant la production du lait (mécanismes d'auto-régulation). En revanche, le débit massif des apports (qui dépend entre autre de la prolactine, donc un peu de la stimulation) reste constant : l'eau, matière première essentielle en volume, passe au travers des capillaires et s'infiltre dans tout le tissu intersticiel du sein, créant ainsi un oedème en amont de la structure glandulaire. Le 2ème-3ème jour post-partum est donc marqué par un risque accru d'engorgement, un sein engorgé n'étant pas un sein plein de lait mais un sein dont la structure glandulaire est écrasée par un tissu intersticiel gorgé de liquide. Le drainage lymphatique, en revanche, peut soulager la glande mammaire en évacuant l’oedème vers les vaisseaux lymphatiques.

3.2.2                          Le maintien de la sécrétion lactée : la galactopoIèse est liée à un reflexe neuro-hormonal

La galactopoïèse est la période qui fait suite à la "montée laiteuse" c'est-à-dire après les 2-3 jours de période colostrale. C'est une période d'entretien de la sécrétion lactée par la pratique de tétées régulières.

3.2.2.1                 Les différents temps de la tétée

Figure 8 - Prolactine et cytocine plasmatique avant, pendant et après la tétée d'après le Dr Alan S. MC NEILLY (Medical Research Council Reproductive Biology Unit, Edinburgh), traduit par F. RAILHET dans les Cahiers de l'Allaitement n°1 (la Leche League France).

 

Une sécrétion d’ocytocine peut se produire avant la mise au sein de l’enfant, lorsque celui-ci pleure ou que la mère le voit (le lait peut jaillir avant le début de la tétée). Après le début de la tétée, une sécrétion d’ocytocine apparaît dans l’intervalle de 2-3 minutes. La prolactine atteint sa concentration maximale dans l’intervalle de 15-20 minutes après la mise au sein de l’enfant, soit après la fin de la tétée (cf figure 8).

Pour Marie Thirion (18), un temps de latence peut se produire entre le début de la tétée et l’apparition de flux d’éjection; ce temps de latence (le bébé tète mais le lait ne coule pas) pourrait durer de quelques secondes à 5 minutes, voire plus . Ce retard serait dû à un défaut de stimulation par le bébé (mauvaise technique de succion) ou bien à un retard de la réponse hypothalamo-hypophysaire qui pourrait être inhibé par une stimulation parasite (le stress par exemple).

3.2.2.2                 Physiologie dynamique d'une tétée "efficace"

3.2.2.2.A        Téter n'est pas sucer

Téter est une activité innée, génétiquement programmée, tout à fait caractéristique. Le bébé s'y entraîne déjà pendant la vie intra-utérine. Quelques études de radiocinéma et d'échographie de la langue et du pharynx (12) (19) ont permis de comprendre la spécificité de ce mouvement.

Pour téter, le bébé ouvre grand sa bouche et place sa langue loin en avant, au dessus des arcades dentaires qu'elle dépasse. La langue s'enroule en gouttière sous le bout du sein. Le mamelon, orienté vers le haut, s'allonge dans le tube ainsi formé par le palais membrabeux au-dessus et la langue en dessous. Pour déclencher le réflexe de succion, le mamelon doit atteindre le «point de succion », situé à la jonction du palais osseux (dur) et du palais membraneux (mou). La langue effectue alors un mouvement péristaltique ondulatoire, réalisant des vagues sur l’aréole et permettant la progression du lait vers le pharynx. Le mamelon s’allonge mais ne bouge pas dans la bouche de l’enfant s’il est positionné correctement.

La figure 9 montre la décomposition du mouvement péristaltique de la langue du bébé pour faire progresser le lait.

Figure 9 - Cycle complet de succion d'après le Royal College of Midwives (19)

 

En tétant, le bébé prend ainsi tout le bout de sein (aréole et mamelon) en bouche mais le soumet à une stimulation forte et prolongée, ce qui peut, au début, déclencher une hypersensibilité locale désagréable. Marie Thirion attribue l’extrême sensibilité - transitoire - de l'aréole à l'imprégnation hormonale des récepteurs sensitifs du sein qui a lieu dans le post-partum immédiat. Ces modifications s'apaisent au bout d'une dizaine de jours (20).

Quoiqu'il en soit, plus le bébé prend en bouche une large portion de l'aréole, plus les efforts mécaniques se répartissent sur une large surface, et plus la tétée est confortable. Et moins le bout de sein risque d'être étiré, déchiré puis "crevassé". Mais si le bébé ne prend en bouche que le mamelon et le tire et le pince pour l'attraper davantage, la douleur devient franche car les récepteurs à la douleur sont surtout regroupés dans cette zone.

Téter, c'est également une technique spéciale de déglutition. Cette "déglutition infantile" est strictement coordonnée au rythme de la langue et permet au bébé à la fois de téter, avaler et respirer sans avoir à lâcher le sein (12). Cette déglutition, physiologique pendant les premiers mois de vie, évolue vers une déglutition de type adulte avec l'introduction des premiers aliments solides.

A titre comparatif, le mouvement que doit faire le bébé pour "sucer" son biberon est très différent de celui qu'il fait pour téter (12). Au biberon, l'enfant doit pincer la tétine entre ses deux gencives, et pour ne pas mordre sa langue, il la laisse en arrière, en dedans de l'arcade dentaire inférieure. Le biberon n'ayant pas de flux d'éjection actif, le bébé doit aspirer le lait. Au moment de la déglutition, il ne peut sortir sa langue, coincée sous la tétine et ne peut qu'ébaucher un mouvement vers le haut, vers le palais, spécifique de la déglutition "adulte".

Il est admis que les tétines ( dans les allaitements mixtes) font perdre au bébé sa technique et son réflexe de téter si spécifique. Lorsque la mère remettra son bébé au sein, il pincera l'aréole et ne réussira pas à prendre que les quelques ml de lait contenus dans les sinus galactophore . Il risque de ne plus savoir provoquer un vrai flux d'éjection (20) . Certaines équipes donnent à l’enfant des compléments de lait à la tasse, ou à la pipette (éventuellement à l’aide d’une seringue ) pour lui permettre de conserver sa technique de déglutition infantile.

3.2.2.2.B         La bonne position du bébé est primordiale

Pour bien téter, l'enfant doit se sentir installé confortablement : visage face au sein, "dans l'axe", sans avoir à tourner le cou. La bonne position du bébé au sein est celle qui lui permet d'avoir :

t           le corps face à celui de sa mère, nombril posé contre elle, bien soutenu pour qu’il ne glisse pas;

t           le visage face au sein et la bouche dans l'axe des canaux, donc du mamelon;

t           le menton et le nez collés au sein, bouche grande ouverte, lèvres retroussées afin de créer la  dépression nécessaire à la progression du lait (12).

3.2.2.3                 Les émotions de la mère conditionnent fortement la réponse hypothalamo-hypophysaire

L 'hypothalamus est en connexion étroite avec le système limbique. A ce titre, le réflexe d'éjection est facilement bloqué par le stress et plus précisement par l'adrénaline. A partir d'expériences réalisées chez les animaux, L.M. Houdebine écrit (1) : "toute femelle stressée voit sa sécrétion lactée diminuer en partie pour cette raison. A l'inverse, la perception de la présence du nourrison induit un début de sécrétion lactée en stimulant le relargage d'ocytocine. L'ocytocine peut contribuer à augmenter très significativement la sécrétion lactée quotidienne."

Il n'est pas douteux que l'état psychologique de la mère peut interférer avec l'établissement du réflexe d'éjection.

Les médecins ont peut-être tendance à sous-estimer l’impact émotionnel de ce qu’il peuvent dire aux mères, surtout en post-partum où il existe chez elles une labilité émotionnelle bien connue. S’il semble difficile au médecin d'avoir une quelconque influence sur l’ entourage familial et social plus ou moins favorable, un soutien et un accompagnement attentif pendant les premières difficultés, ainsi qu’ une attitude rassurante peuvent aider la mère à retrouver confiance en elle.

3.2.2.4                 La réponse hormonale

3.2.2.4.A        L'Ocytocine

t           Rythme de sécrétion :

L'ocytocine possède une demi-vie courte et sa sécrétion s'effectue par de brèves décharges au moment des tétées (12);

t           Rôles :

L'ocytocine est connue pour ses effets sur les cellules myo-épithéliales des seins et de l'utérus.

-      Au niveau des mamelons et des canaux lactifères : (21) .

Pendant le réflexe d'éjection, les cellules myo-épithéliales situées autour des acini se contractent, suite à la captation de l'ocytocine par leurs récepteurs spécifiques. Les muscles lisses des canaux lactifères sont dépourvus de récepteurs à l’ocytocine mais se relachent sous l’influence de petits peptides (PIV: Polypeptide Intestinal Vaso-actif, CGRP: Calcitonine Gene-Related Peptide et substance P) dont la sécrétion est stimulée par l’ocytocine.

La succion peut aussi provoquer l'arrivée du lait en l'absence de sécrétion d'ocytocine comme cela a été observé chez la femme pendant les premiers jours post-partum. Par la suite, le réflexe d'éjection est indispensable chez la femme pour nourrir son enfant, car la simple "succion"  n'est pas suffisante pour extraire le lait alvéolaire : des phénomènes de pressions retiennent le lait dans des canalicules dont le diamètre est très réduit (22).

Le réflexe d'éjection ne répond pas seulement à des stimuli tactiles mais aussi à des stimuli visuels, olfactifs et auditifs. Ainsi chez certaines femmes, l'éjection de lait peut être déclenchée par le fait de se trouver très proche du nourrisson, de penser à lui, ou de l'entendre pleurer (11),

-      Modifications vasculaires : (21)

L'ocytocine augmente la circulation sanguine dans la glande mammaire et le tissu cutané et sous-cutané mammaire ( les femmes allaitantes ont une température cutanée plus élevée au niveau des seins, surtout pendant les tétées ). Ceci entraine une filtration plus intense dans les acini et favorise la synthèse du lait,

-      Au niveau de l'utérus :

c'est l'ocytocine qui provoque les contractions utérines au moment de l'accouchement. Elle provoque des contractions au moment des tétées qui favorisent l'involution utérine. Si ces contractions sont ressenties douloureusement, il semble important de les soulager par un antalgique plutôt que par un antispasmodique antagoniste de l'ocytocine;

-      L'ocytocine participe à l'équilibre métabolique spécifique de la femme allaitante (21) :

§         Elle entrainerait une hyperphagie ( expérience réalisée  chez des rates non lactantes qui augmentent leurs rations caloriques si on leurs injecte de l'ocytocine dans les ventricules cérébraux ... ),

§         Chez la femme, l'ocytocine augmente la sécrétion d'hormones intestinales telles que la gastrine et la cholecystokinine ce qui concorde avec une optimisation des fonctions et du métabolisme digestif;

-      Effets psychologiques de l'ocytocine :

§         L'ocytocine induirait un comportement de maternage facilitant la création du lien mère-enfant ( ? ). Plusieurs expériences réalisées chez la rate et la brebis suggèrent que l'ocytocine libérée intra-cérébralement facilite l'apparition du comportement maternel à la parturition ( ramassage des petits, élaboration d'un "nid" ... ) (23). Le rôle éventuel de l'ocytocine sur le comportement de la femme n'est pas clairement établi,

§         L'ocytocine a un impact physiologique de type sédatif. Le seuil de tolérance de la douleur est plus élevé, cet effet étant bloqué par un antagoniste de l'ocytocine (21). Ceci peut jouer également sur le comportement ou le tempérament des femmes allaitantes : beaucoup d'entre elles disent se sentir plus calmes, et on a observé une relation inverse entre le taux sérique d'ocytocine et le niveau d'anxiété et d'agressivité de la mère (24).

3.2.2.4.B         La prolactine

t           Rythme de sécrétion :

-      Chez la femme en général, le taux de prolactine fluctue dans de nombreuses situations, qu’elles soient physiologiques (stress, sommeil, phase du cycle menstruel) ou non (anesthésie, chirurgie, exercice...). Il est diminué par de nombreux médicaments ( dérivés de l'ergot de seigle, IMAO, clomiphène...) (13),

-      Chez la femme enceinte, le taux de base de prolactine augmente dès le début de la grossesse de façon régulière, même si son action sur les glandes mammaires reste bloquée,

-      Après l'accouchement :

§         Ce taux de base restera élevé les 3 premières semaines qu'il y ait ou non allaitement. Le rythme circadien de la prolactine persiste pendant la lactation,

§         En plus de son taux de base, la prolactine présente des pics  : l'hypophyse libère dans la circulation maternelle une décharge très importante de prolactine ( 10 fois le taux de base ) environ 15 à 20 minutes après le début de chaque tétée  ( on peut penser qu'elle prépare la synthèse du lait pour la  tétée suivante),

La Figure 10 montre que la fréquence des tétées, donc des pics de prolactine, influence le taux basal de cette  hormone: plus les tétées sont rapprochées, plus le niveau sanguin basal de prolactine s’élève .

Figure 10 - Relation entre le nombre d'épisodes de tétées au sein par jour (ligne pointillée) et le réseau sanguin de prolactine (ligne pleine) pendant 30 mois post-partum d'après le Dr Alan S. MC NEILLY (Medical Research Council Reproductive Biology Unit, Edinburgh), traduit par F. RAILHET dans les Cahiers de l'allaitement n°1 (la Leche League France).

 

Le mécanisme de la régulation de la production de lait fait actuellement l’objet de beaucoup d’intérêt.

Il a été démontré que la succion  entrainait une sécrétion importante de prolactine pendant les 40 premiers jours post-partum mais que l'importance de cette réponse à la succion diminuait après 80 jours post-partum (14). Et la quantité de lait produite qui est d’abord influencée par la prolactinémie, en devient de plus en plus indépendante au fur et à mesure que la lactation s’est installée (25).  

L’hypothèse la plus probable actuellement est celle d’un contrôle autocrine (local, produit dans le sein) de la production du lait afin d'adapter précisement la synthèse lactée à la demande ( à l'appétit ) à priori imprévisible de l'enfant. L'accumulation à l'intérieur de chaque alvéole d'un ou des facteurs présents dans le lait pourrait avoir un effet inhibiteur croissant sur les cellules sécrétrices et stopper la synthèse du lait. La sortie du lait hors des alvéoles supprimerait cet effet inhibiteur et permettrait le recommencement de la synthèse du lait. Il s'agirait d'un mécanisme local de feed-back négatif impliquant une petite protéine, le feed-back inhibitor of lactation ( FIL ) contrôlant le taux lacté des glucides et des protéines  (1) (14). Ce mécanisme semble être indépendant d’un sein à l’autre (il est possible de n’allaiter que d’un seul côté) et n'apparaît que lorsque la lactation est bien établie.

t           Rôles de la prolactine :

La prolactine qui est en fait présente chez de nombreuses espèces (poissons, oiseaux également) est impliquée dans une centaine de processus physiologiques. Chez les femmes, ses rôles sont : (12)

-      au niveau des cellules sécrétrices des glandes mammaires, de permettre la transcription des ARN messagers codant pour la caséine, de stimuler la synthèse de la lactalbumine, d'augmenter l'activité de la lipoprotéine lipase. La prolactine a donc un rôle important dans la synthèse des protéines spécifiques du lait,

-      par ses effets anti-diurétiques, la prolactine provoque une rétention hydrique, essentiellement au niveau de l'arbre vasculaire mammaire, entrainant une augmentation de volume des seins,

-      des travaux récents laissent penser que la prolactine aurait des effets propres dans les comportements de maternage (23). Hartmann (14) déconseille l’utilisation de la bromocriptineâ: "Les effets de cette molécule, ainsi que le rôle facilitateur potentiel de la prolactine dans l'apparition d'un comportement maternel ont amené à déconseiller son utilisation comme inhibiteur de la lactation chez les femmes qui décident de ne pas allaiter." Le Parlodeâ (bromocriptine) n’est d’ailleurs plus utilisé dans de très nombreux pays comme inhibiteur de la lactation en raison d’ effets secondaires potentiellement graves ( accidents cardio-vasculaires, troubles psychiatriques...),

-      il n’est pas certain que la prolactine ait un effet constant sur la fertilité. Les bases physiologiques de l'effet contraceptif de l'allaitement ne sont pas encore totalement connues. Deux théories co-existent (26) :

§         la théorie hormonale, la plus classique attribue l'infertilité à l'hyperprolactinémie qui inhibe la sécrétion des gonadotrophines et leur action stimulante sur l'ovaire,

§         la thèse neuro-sensorielle plus récente, s'oriente vers un effet inhibiteur direct de la succion. La stimulation nerveuse induite par la tétée entraine la sécrétion d'endorphine au niveau hypothalamique qui elle-même stimule la sécrétion de prolactine mais diminue la pulsatilité de la sécrétion de LH-RH et de LH. Et c'est donc la fréquence des tétées elle-même, via la sécrétion d'endorphine et non la prolactine qui contrôle l'activité ovarienne (1).

En pratique, ces observations ont donné lieu à de nombreuses études quant à son utilisation comme méthode de planification familiale. En 1988, la conférence de consensus de Bellagio a proposé les lignes directrices de la Méthode de l'Allaitement Maternel et de l'Aménorrhée ( MAMA ) dont l'un des critères ( indispensable mais non suffisant ) est un minimum de 6 à 8 tétées par jour( productives) jusqu'à 6 mois post-partum. Ces conditions étant rarement réunies, au delà du premier mois, dans nos allaitements " à l'occidentale", cet effet contraceptif reste donc peu utilisé dans les pays dits développés. Nous reparlerons des critères de la MAMA plus loin.

3.2.3                          Modification du métabolisme maternel

Pendant la lactation, le métabolisme maternel est ré-orienté pour favoriser l'activité biosynthétique de la glande mammaire. La prolactine et la GH assurent une partie essentielle de cette ré-orientation.

Au cours de la lactation, la femme doit réserver 25% de son énergie pour assurer la synthèse du lait. Une augmentation de la prise de nourriture contribue à cette activation du métabolisme maternel. L'optimisation de l'activité du tractus digestif déjà observé pendant la grossesse joue également un rôle essentiel. L’hyper-prolactinémie induit une augmentation du nombre  des villosités de la muqueuse intestinale de la mère et un accroissement de l’absorption.

La stimulation induite par la succion du nourrisson stimule le système parasympathique et inhibe le système sympathique de la mère. Le muscle strié génère alors moins de chaleur. La femme serait plus facilement sujette à des somnolences qui favorisent une diminution de ses dépenses énergétiques, lui procurent un sentiment de bien-être et l'incitent à rester plus longtemps au contact de son enfant.

D'après Hartmann (14), la production lactée est similaire chez les mères des pays en voie de développement et chez les mères des pays industrialisés et il ne semble donc pas que les apports nutritionnels soient un facteur déterminant de la quantité produite. En moyenne, la production de lait est de 750 g de lait par 24 h et ce chiffre reste relativement constant entre le 1er et le 6ème mois post-partum. Il existe cependant des variations interpersonnelles très importantes ( de l'ordre de 25% ) dont les raisons sont encore inconnues.

3.3             Involution mammaire

L'étude de la lactation chez les femmes vivant dans des lieux isolés ou appartenant aux quelques tribus de chasseurs-cueilleurs qui existent encore suggère que la durée normale de la lactation chez les femmes est de 3 à 4 ans (14) .

Lorsque l'on arrête les tétées, il se produit une stase lactée du fait de la non évacuation de la totalité du lait sécrété.

Ces stases lactées entrainent l'apparition de lysosomes abondants dont le rôle autophagique est de résorber les sécrétions .

A la fin de la lactation les cellules régressent avec l'interruption du processus sécrétoire : les cellules des canalicules prennent l'allure de cellules au repos, celles des alvéoles se nécrosent. Ces débris de cellules alvéolaires sont éliminés soit vers les lumières alvéolaires et canaliculaires soit dans les espaces inter-alvéolaires et conjonctifs. Ce processus est favorisé par les cellules myoépithéliales qui se contractent et dégénèrent.

Cette grande perte cellulaire se traduit par une forte décroissance du volume du parenchyme mammaire.

Le cycle sécrétoire est alors terminé jusqu'à la lactation suivante, et les adipocytes  et  les fibroblastes se  développent à nouveau pour prendre la place du tissu épithélial disparu dans la glande au repos (15) .

La période d'involution dure en moyenne 40 jours chez la femme (11) . Il semble que l'involution de la glande mammaire survient beaucoup plus graduellement que chez d'autres mammifères ce qui pourrait expliquer la relative capacité de relactation chez la femme (14).

A mesure que le volume de lait diminue, sa composition se modifie et tend à ressembler à celle du colostrum avec un taux élevé d’ immunoglobulines mais appauvri en graisses et en lactose.

3.4             CE QU’IL FAUT RETENIR POUR LA PRATIQUE

t           Les glandes mammaires se préparent pendant la grossesse et sont prêtes dès le quatrième mois de gestation, mais la fonction reste latente.

L’arborisation de la glande et la différentiation des celules sécrétrices dépend de l’action combinée de nombreuses hormones.

t           A la naissance, pour certains, la lactation demande à être stimulée par la succion de l’enfant. Tandis que pour d’autres, la succion de l’enfant n’intervient physiologiquement qu’à partir du troisième ou quatrième jour.

Les cellules pré-sécrétrices se transforment en cellules sécrétrices:

Marie Thirion (18) a une approche très intéressante de ces phénomènes en expliquant que les cellules s’organisent pour préparer la “poudre” du lait. Dès que le signal en est donné ( succion ), le sérum, enrichi en cellules de défense et en immunoglobulines qui a  diffusé de l’intense réseau capillaire ( véritable éponge vasculaire qui entoure les acini) se mélangera alors aux éléments produits par les lactocytes ( “la poudre” : protéines, caséines, lipides ...) et sera expulsée dans les canaux lactifères pour jaillir dans la bouche du bébé.

t           Le colostrum est l’aliment idéal pour franchir ce temps de “démarrage”:

Il représente peu de volume mais contient les nutriments adéquats, et sauf exception, les nouveau-nés n’ont besoin de rien d’autre.

Ce démarrage survient en plusieurs temps: après la phase colostrale des 2-3 premiers jours, la sécrétion du lait devient active avec l’apparition des flux d’éjection. Cette période est plus fragile en raison de l’apparition possible de désagréments (voire le chapitre sur les complications locales). Elle se poursuit par une phase d’équilibre avec la mise en place d’une coordination harmonieuse des rythmes  mère-enfant.

t           La technique de succion du bébé sur le mamelon de sa mère est spécifique.

Elle est génétiquement programmée. Elle est différente du mouvement qu’il doit faire sur la tétine d’un biberon.

Il est important de veiller à éviter les succions de mauvaise qualité qui peuvent entrainer des complications locales et diminuer la production de lait.

Des contacts étroits entre la mère et son l’enfant peuvent améliorer la lactation par le biais d’une meilleure sécrétion d’ocytocine.

t           Les mécanismes d’adaptation de la synthèse du lait en fonction des besoins de l’enfant sont encore mal élucidés.

Il semble plus souvent admis que la glande mammaire ne soit pas un organe de réserves mais un organe exocrine qui sécrète “ à volonté” sous contrôle hormonal lui-même déclenché par la succion.

BENEFICES de l’ALLAITEMENT MATERNEL

4                       BENEFICES de l’ALLAITEMENT MATERNEL

4.1             BENEFICES POUR L’ENFANT

4.1.1                          LES AVANTAGES DE LA COMPOSITION DU LAIT MATERNEL

Depuis une cinquantaine d’années maintenant, la composition du lait humain a fait l’objet de nombreuses études qui ont démontré tant sa spécificité que son adaptation aux besoins du nouveau-né.

Plusieurs centaines de constituants ont pu être identifiés dans le lait maternel parvenu à maturation.

Sa composition varie non seulement d’une mère à l’autre, mais également chez la même mère, d’un sein à l’autre, d’une tétée à l’autre et même au cours d’une même tétée ainsi qu’au cours de la lactation (1).

Malgré cette variabilité et multiplicité des facteurs influençant le volume et la composition du lait maternel, il a été possible de dégager 3 grandes périodes :

t           Celle du colostrum sécrété pendant la grossesse et environ jusqu’au 5ème jour après la naissance;

t           Celle du lait de transition (environ du 5ème au 15ème jour post partum);

t           Enfin celle du lait dit «mature».

4.1.1.1                 Le colostrum

Le colostrum est un liquide épais de couleur jaunâtre (due au béta-carotène qu’il contient), de forte densité et de faible volume. Les quantités sécrétées sont très variables et vont de 10 à 100 ml/jour avec une moyenne d’environ 30 ml (1), soit également 2 à 20 ml par repas (2). Et même si la mère a allaité un autre enfant pendant sa grossesse, elle produira également ce colostrum juste avant et peu après la nouvelle naissance (1).

Le tableau I résume les différences de composition entre le colostrum et le lait mature.

 

Colostrum

Lait mature

Extrait sec total (g/l)

180

124

Protéines totales (g/l)

85

10

Caséine (g/l)

11

4

a-Lactalbumine (g/l)

3,4

1,8

Lactoferrine (g/l)

17

1,2

IgA (g/l)

13

1,0

IgG (g/l)

0,5

0,06

Lysozyme (mg/l)

140

100

Azote non protéique (g/l)

0,47

0,32

Lactose (g/l)

23

70

Glucose (mg/l)

<20

350

Lipides (g/l)

20

37

Calcium (g/l)

0,31

0,35

Phosphore (g/l)

0,14

0,15

Sodium (g/l)

0,48

0,15

Chlorure (g/l)

0,91

0,43

Potassium (g/l)

0,74

0,57

Fer (g/l)

0,80

0,30

Oligosaccharides (g/l)

24

13

Albumine (g/l)

3,4

0,4

Tableau I : Composition du colostrum et du lait humains (3)

 

Le colostrum est parfaitement adapté aux besoins particuliers du nouveau-né et à son adaptation physiologique  à la vie extra-utérine:

t           En apportant les nutriments à sa croissance «prêts à l’emploi» avec beaucoup d’acides aminés libres, moins de graisses et de caséine ( grosse protéine) que le lait maternel mature, moins de lactose également ( la lactase commence tout juste à être fabriquée). Le colostrum permet également d’épargner les fonctions rénales et hépatiques encore immatures en apportant des gynolactoses ( petites peptides à pouvoir sucrant) non métabolisés par le foie, et en permettant un apport optimal dans de faibles quantités ( épargne de la filtration rénale);

t           En permettant une bonne hydratation sans augmenter la diurèse : le colostrum contient dix fois plus de protéines et deux fois plus des sels minéraux par litre que le lait mature. Il s’agit donc presque d’une «gelée salée» qui retient l’eau dans l’organisme. Le colostrum permet également un bon drainage du méconium par son pouvoir osmotique important;

t           En favorisant la maturation du tube digestif : le colostrum contient un facteur de croissance des cellules épithéliales des muqueuses de l’estomac et des intestins (Epidermal Growth Factor: EGF) (4);

t           En permettant l’implantation d’une flore intestinale saprophyte et en apportant une protection immunologique et pariétale digestive.

Le rôle de la flore bactérienne qui s’installe très rapidement au moment de la naissance ( le tube digestif du nouveau-né est stérile), est fondamental, tant protecteur que nutritionnel. Les bifidobactéries forment une barrière très importante contre les agressions. Elles fermentent le lactose en produisant de l’acide acétique, conduisant à un PH fécal bas du nouveau-né au sein. L’acidité des selles protège contre l’installation d’autres espèces, en particulier pathogènes, en favorisant notamment la multiplication des bifidobactéries (5).

Pour se protéger le tube digestif du nouveau-né dispose également de cellules de défense de la muqueuse: macrophages, mastocytes, polynucléaires, lymphocytes. Ces derniers s’organisent soit en formation ( amygdales, plaque de Peyer, appendice), soit de façon diffuse dans la muqueuse tout au long de l’intestin. Mais les barrières immunitaires digestives sont encore très immatures à la naissance : le nombre de lymphocytes intra-épithéliaux est faible (2%), les IgA sécrétoires sont fabriquées en très faible quantité, les plaques de Peyer sont quasiment développées (zones T normales et zones B en développement) (5) .

Sur le plan immmunitaire, le colostrum se caractérise par sa richesse en cellules de défense (essentiellement des macrophages) et en IgA.

Le colostrum contient en effet entre 5.105 et 5.107 cellules /ml (chiffre qui chute assez rapidement à la fin de la première semaine d’allaitement) (4) avec 35-55% de macrophages 30 à 35% de polynucléaires neutrophiles, et 5 à 10% de lymphocytes. Ces cellules traversent l’epithélium mammaire pour se retrouver vivantes et actives dans le lait : les macrophages ont des propriétés de phagocytose favorisées par les IgA sécrétoires ; ils ont également un rôle de transporteurs : ils contiennent des vésicules riches en IgA, capables d’être larguées dans le contenu de la lumière intestinale, d’autres vésicules contiennent des protéines spécifiques du lait humain telles que la lactoferrine, le lysozyme, le complément et l'Epidermal Growth Factor. Les lymphocytes T du lait ont des propriétés antigéniques qui les différentient de celles du sang circulant, et auraient un rôle dans le transfert passif de cellules immuno-compétantes maternelles au nouveau-né (la réactivité des cellules T maternelles vis à vis de la tuberculine peut être transférée au cours de  l’allaitement (4) )

Les lymphocytes B du lait porteur d’IgA, qui ont des activités anticorps contre un grand nombre d'antigènes bactériens ou viraux (6), participent au cycle lymphoïde entéro-mammaire ce qui fait suite à l’immunisation transplacentaire par IgG. La concentration des IgA dans le colostrum est plus importante que dans le sérum (2 à 4 g/l et jusqu’à 12 g/l) et diminue de 4/5 dès la deuxième semaine post partum (1).


 

Figure 1 - Cycle entéro-mammaire d'après NEWMAN (7)


Le point de départ de ce système entéro-mammaire se situe au niveau des plaques de Peyer de l’intestin maternel : les micro-organismes (antigènes alimentaires ou micro biologiques) traversant l’épithélium digestif maternel, sont  dissociés par les macrophages qui les présentent entiers ou par fragments aux lymphocytes T auxiliaires qui activent alors les lymphocytes B (transformation en plasmocytes). Ces plasmocytes vont migrer, via la circulation lymphatique mésentérique puis la circulation générale, pour se fixer au voisinage des cellules sécrétoires de la glande de mammaire. Ils vont alors excréter des IgA dimériques unies par une protéine J. Les cellules épithéliales mammaires synthétisent un composant sécrétoire qui se lie spécifiquement à la protéine J. L’ensemble IgA et pièce sécrétoire est internalisé par la cellule épithéliale et sécrété dans le lait. Cette pièce sécrétoire semble protéger la molécule d’Ac contre la dégradation par les enzymes digestives de l’estomac et de l’intestin de l’enfant (7).

Si ce mécanisme a été particulièrement étudié au niveau du tube digestif, le système IgA sécrétoire s’étend à toutes les muqueuses en relation avec le monde extérieur. L’appareil respiratoire comporte également des formations lymphoépithéliales remplissant probablement un rôle analogue à celui des plaques de Peyer (8).

Ceci explique les différences observées entre les mères : les stimulations antigéniques varient en fonction de l’environnement et de l’alimentation de la femme, sa réponse immunitaire fournit au nouveau-né une protection adaptée au milieu dans lequel il est destiné à vivre.

Le rôle des IgA est essentiel dans la protection de la muqueuse intestinale vis à vis des micro-organismes. Le mécanisme de protection qu’elles confèrent est mal connu : il est probable qu’elles se lient aux micro-organismes qui ont induit leur production, empêchant ainsi leur fixation sur la muqueuse intestinale de l’enfant, les complexes IgA-bactéries étant alors entraînés dans le flux digestif (4). Les IgA neutralisent également les toxines bactériennes et les facteurs de virulence de germes pathogènes. De plus , les IgA permettent de limiter les phénomènes inflammatoires en supprimant le chimiotactisme des neutrophiles (4).

4.1.1.2                 Le lait mature

Après la phase colostrale, la composition du lait varie progressivement, s’enrichissant en lactose et en lipides tandis que les concentrations en protéine et immunoglobuline s’abaissent. Ces modifications caractérisent le lait de transition qui devient lait mature après 15 jours environ post partum. La littérature produit de très nombreux tableaux rapportant les concentrations des différents composants du lait de la femme comparées à celles du lait de vache ou du lait industriel. Ces chiffres restent très difficiles à analyser pour plusieurs raisons:

t           Sur le plan quantitatif: après la phase colostrale, le volume de lait produit augmente, entraînant une dilution de certains composants mais pas forcément une baisse de la quantité journalière ingérée;

t           Sur le plan qualitatif : les différences entre les différents composants n’apparaissent pas (par exemple les protéines sont spécifiques de l’espèce qui les produit et peuvent varier d’une mère à l’autre au sein d’une même espèce, la bio-disponibilité des différents composants n’est pas forcément identique non plus).

Pour ces raisons, nous ne reproduisons qu’un seul de ces tableaux (Tableau II) qui a l’avantage de représenter les laits industriels plus utilisés en France que le lait de vache. Il sera comparé au tableau III, présentant les apports nutritionnels conseillés pour le nourrisson.


 


Lait de femme mature

Lait de vache demi écrémé

ALD Maternisé*

( en moyenne)

ALD 1er âge

( en moyenne)

ALD 2ème âge

( en moyenne)

Protides (g)

Caséine/P.solubles(%)

1,1

40/60

3,3

80/20

1,65

45/55

1,95

80/20

2,68

20/20

Lipides (g)

Ac.linoléique (mg)

4,5

346

1,7

51

3,6

360

3,3

360

3,2

352

Glucides (g)

Lactose (g)

Dextrine-Meltose (g)

Saccharose (g)

Oligosaccharides (g)

6,8

5,6

0

0

1,2

5

5

0

0

0

7,19

7,19

0

0

0

7,7

5,6

2,1

*

0

8

6,2

1,8

*

0

Energie (kcal)

(kj)

72

300

48

200

68

284

68

284

71

296

Minéraux (mg):

Calcium (mg)

Phospohore (mg)

Sodium (mmol)

Potassium (mmol)

Magnésium (mg)

Fer (mg)

Cuivre (mg)

 

Zinc (mg)

 

35

14

0,74

1,3

3,5

0,03

40

 

0,75

 

125

90

2,2

3,8

13

0,04

0,08

 

0,35

 

50

32

0,82

1,9

5,6

0,6

33,8

 

0,33

 

67

49

1,14

2,19

6,3

0,5

35

 

0,34

 

95

70

1,6

3

1

1,3

Variable de

7 à 40

 

0,35

Vitamines:

A (UI)

D (UI)

E (mg)

C (mg)

B1 (mg)

B2 (mg)

B6 (mg)

B12 (mg)

Ac.folique (mg)

 

203

2,2

0,24

5,2

0,014

0,037

0,018

0,03

0,14

 

46

0,5

0,30

1,1

0,043

0,15

0,051

0,66

0,13

 

205

0

0,8

5,9

0,035

0,077

0,03

0,09

6,4

 

188

0

1

5,7

0,05

0,08

0,03

0,09

5,9

 

200

0

1

2

0,04

0,14

0,04

0,05

4,5

Osmolarité (mOsm/l)

250

260

320

280

290

Tableau II – Composition moyenne comparative du lait de femme, du lait de vache demi écrémé des aliments lactés diététiques (ALD) 1er  et 2ème âge (pour 100 ml) (8)


1-3 mois

3-6 mois

6-9 mois

9-12 mois

1-3 ans

Selon le poids corporel (/kg/j)

Eau

Energie

Protéines

 

 

ml

kcal

g

 

 

150

110

2

 

 

150

100

1,8

 

 

125

95

1,5

 

 

100-110

100

1,4

 

 

100

100

1,2

Apports moyens (/j)

Energie

Protéines

 

Kcal

g

 

450

-

 

600

-

 

700

-

 

850

-

 

1300

16

 

0-6 mois

6-12 mois

> 1 an

Minéraux

Calcium

Phosphore

Magnésium

Fer

Zinc

Iode

Cuivre

Fluor (1)

Sélénium

 

mg

mg

mg

mg

mg

mg

mg

mg

mg

 

400

300

40

8-10

5

40-50

0,4-0,7

0,25

10-15

 

600

500

60

8-10

5

40-50

0,4-0,7

0,25

10-15

 

800

800

80

10

10

70-120

0,7-2

0,5-1

20-30

Vitamines

A (2)

D (3)

 

E (4)

K

C

B1

B2

Niacine (5)

B6

Folates

B12

B5

Biotine

 

ER

mg

UI

a-ET

mg

mg

mg

mg

mg

mg

mg

mg

mg

mg

 

375-400

25

1000

3-4

5-10

30-35

0,3-0,4

0,4-0,5

5-6

0,3-0,6

25-35

0,3-0,5

2-3

10-15

 

375-400

25

1000

3-4

5-10

30-35

0,3-0,4

0,4-0,5

5-6

0,3-0,6

25-35

0,3-0,5

2-3

10-15

 

400-700

10

400

6-7

15-30

40-45

0,7-1

0,8-1,2

9-13

1-1,7

50-100,

0,7-1,4

3-5

20-30

Tableau III – Apports nutritionnels conseillés pour les nourrissons (Comité de nutrition de la Société française de pédiatrie (5) .

Notas:

     (1): Si la concentration de fluor dans l’eau de boisson est inférieure à 0,3 mg/l

     (2): 1 Equivalent Rétinol = 1 mg Rétinol =3,33 UI Vitamine A=6mg b carotène

     (3): 1 UI = 0,025 mg Vitamine D

     (4): 1 Equivalent a-tocophérol = 1 mg d-a-tocophérol = 1,49 UI ; 1 UI=1 mg acétate dl -a-tocophérol

     (5): Une partie de niacine peut être synthétisée à partir du tryptophane ; 1 Equivalent niacine =1 mg Ac. Nicotinique = 60 mg tryptophane

 

Sur le plan quantitatif, le lait humain a la teneur la plus élevée en lactose et la plus basse en protéines (en caséine), ce qui lui donne un aspect opalescent et non blanc opaque comme le lait de vache. Il n’en est pas pour autant moins riche (cf. données des valeurs énergétiques du tableau II) .

D’autre part, les contacts mère-enfant ont une grande importance sur le volume de lait (9) et donc sur la quantité totale de nutriments produits chaque jour.

Plutôt que de dresser une liste biochimique des différents composants de lait, nous avons préféré faire le point sur ce qui fait la spécificité et la supériorité du lait humain sur le lait de vache et dont le nouveau-né peut bénéficier directement pour son développement immunitaire et sa croissance (élaboration des tissus).

4.1.1.2.A        Propriétés immunologiques
4.1.1.2.A.1           Les protéines

Elles sont représentées par les caséines et protéines du lactosérum (protéines solubles). Outre leurs propriétés nutritives, elles ont un rôle immunitaire certain. La composition en acides aminés des protéines du lait humain est également adaptée aux besoins nutritionnels de l’enfant : le lait de femme contient une proportion plus importante de tryptophane, alanine, arginine et cystéine et moindre en méthionine, ainsi corrélée à l’immaturité hépatique de l’enfant (déficit en cystathionase qui permet la transformation de méthionine en cystéine ; ceci confère à la cystéine un caractère essentiel chez le nouveau-né) (1) (4).

Le lait présente également une concentration élevée en taurine qui est nécessaire à la conjugaison des sels biliaires et donc à l’absorption des graisses. La taurine joue également un rôle de neurotransmetteur et de neuromodulateur dans le développement du système nerveux central. Or, le nourrisson est également incapable de synthétiser la taurine (1).


t           Les caséines

Le rapport protéines du lactosérum/caséine élevé du lait humain entraîne la formation d’un coagulum gastrique plus fin, moins grumeleux, qui diminue la durée de la vidange gastrique et facilite la digestion (1).

La caséine k du lait humain participe à l’activité des «facteurs bifidus» protecteurs du lait humain en stimulant la croissance du Bifidobactérium bifidus V. pennsylvanius (4) (démontré pour le lait humain, non pour le lait de vache).

t           Les protéines du lactosérum

Les protéines du lactosérum humain consistent principalement en a-Lactalbumine humaine qui est un constituant important du système enzymatique nécessaire à la synthèse de lactose. La protéine dominante du lactosérum bovin, la b-Lactoglobuline bovine n’a pas d’équivalent dans le lait humain, mais peut être retrouvée dans le lait de femme consommant des protéines de lait de vache et provoquer des réponses antigéniques chez les enfants atopiques (1).

La lactoferrine a un rôle immunologique : dans le lait, elle n’est pas saturée en fer et présente une affinité élevée pour le fer du milieu où elle se trouve. C’est la raison essentielle de l’activité bactériostatique qu’elle présente in vitro par adaptation compétitive vis à vis des bactéries ferro-dépendantes comme E. coli (4). La lactoferrine aurait également un rôle de transport et de régulation de l’absorption du fer au niveau intestinal (la lactoferrine humaine et à bien moindre degré la lactoferrine bovine se fixe sur les récepteurs spécifiques de la bordure en brosse de la muqueuse duodénale humaine et transfère son fer aux enterocytes sans pénétrer dans les cellules) (4) .

Les immunoglobulines et surtout les IgA ont un rôle dans la protection des muqueuses digestives dont nous avons déjà parlé.

Le lysozyme a une action bactéricide au niveau du lait maternel (il agit en synergie  avec les IgA sécrétoires et entraîne une lyse des parois bactériennes) (4). Certains laits de substitution sont enrichis en lysozyme issu du blanc d’œuf de poule dont le spectre d’activité est plus étroit que celui du lysozyme humain (10) .

t           Les nucléotides

Les nucléotides sont des composés intracellulaires dont le lait de femme est très riche en comparaison du lait de vache et des formules qui en sont totalement dépourvues (11). Ils exercent un rôle déterminant dans le développement du tissu lymphoïde associé au tube digestif (6) (11). Ils augmentent l’activité des cellules T Killer et production d’ IL2 (6), ils favorisent la prolifération des bifido-bactéries.

4.1.1.2.A.2          Les glucides

Le lactose est le sucre dominant du lait humain. Sa transformation par les bactéries intestinales en acide lactique et acétique contribue à l’abaissement du PH intestinal et aussi à l’inhibition de la  croissance de certaines bactéries entéropathogènes (4).

Le lait humain se distingue du lait de vache par sa richesse et sa grande variété en oligosaccharides (une centaine environ a pu être identifiée). Ils participent à la croissance de la flore saprophyte («facteur bifidus») et peuvent inhiber l’adhérence de certains germes (Pneumocoques, E. coli).

4.1.1.2.A.3          Les lipides

Certains acides gras C18 et monoglycéride auraient un effet protecteur par altération directe des membranes virales et bactériennes.

4.1.1.2.A.4          Les éléments cellulaires

Ils sont transmis actifs dans le lait humain (nous en avons parlé plus haut) : il s’agit des macrophages, des lymphocytes B (cycle immuno entéro mammaire) et des lymphocytes T, qui pourraient jouer un rôle dans le transfert de l’immunité cellulaire.

4.1.1.2.A.5          Les hormones : ACTH et Cortisol

Il a été démontré que le lait maternel contient également de l’ACTH et du cortisol qui passe la barrière de la muqueuse intestinale pour être retrouvé dans le sérum de l’enfant sans avoir subit les dégradations qui les auraient rendus inactifs. Ce cortisol aurait chez l’enfant un rôle protecteur intestinal en favorisant l’installation d’une flore non pathogène et en limitant les phénomènes inflammatoires (12).

4.1.1.2.A.6          Conclusion

Un des aspects importants de la protection apportée par le lait maternel est son caractère évolutif. La concentration des principaux éléments et des cellules diminue tout au long de l’allaitement, leur relais devant être assuré par une synthèse locale d’immunoglobulines au niveau de l’intestin de l’enfant. D’une manière générale, les moyens de défenses apportés par le lait sont essentiellement passifs  faisant appel à l’inhibition de croissance et au défaut d’adhésion des micro-organismes à l’épithélium intestinal. Ils assurent un environnement favorable pour l’établissement d’une flore intestinale normale, empêchent l’envahissement intestinal par des Ag étrangers dont ils limitent l’absorption ( ils diminuent également ainsi la fréquence des allergies alimentaires en bloquant l’absorption intestinale des Ag alimentaires) (4).

A la protection passive transmise de la mère à son enfant par le lait s’ajouteraient des facteurs favorisants la maturation du système immunitaire de l’enfant et des effets immuno-modulateurs (12) ( certaines études ont montré une réponse vaccinale différente chez des enfants allaités comparés à des enfants nourris au biberon (13) ). L’effet immuno-modulateur de certains composants du lait fera sans doute l’objet de prochaines études.

4.1.1.2.B         Elaboration des tissus
4.1.1.2.B.1            Les lipides

Dans le lait maternel, c’est la fraction lipidique qui est quantitativement la plus variable, avec des extrêmes comprises entre 10 et 50 g/l (4). Les lipides du lait humain sont retrouvés sous la forme de "globule gras", c’est à dire d’agrégats de triglycérides entourés d’une bicouche de phospholipides dans laquelle sont enchâssées des protéines.

t           Acides gras polysaturés (AGPI) et développement cérébral et sensoriel du nourrisson :

De nombreuses études ont attiré l’attention sur le rôle majeur que jouent les métabolites issus de 2 acides gras essentiels (AGE), c’est à dire dépendants totalement d’apports exogènes, que sont l’acide linoléique et l’acide a-linolénique . Ces métabolites sont représentés particulièrement par ceux de la série n-3 : acide eicosapentaénoïque (EPA) et acide docosahexaénoïque (DHA).

Le développement des connaissances en matière de biochimie des membranes et de processus de synthèse des AGPI (études expérimentales mais aussi données qui commencent à être recueillies chez les nourrissons) ont montré que des variations dans les apports alimentaires en AGE ou en AGPI en C20 ou C22 modifient la composition des membranes de tous les tissus (11). Les métabolites de l’acide linoléique et de l’acide a-linolénique sont en effet des constituants essentiels de la bicouche lipidique membranaire des tissus nerveux et sensoriels (rétine).La qualité et la quantité de ces AGPI sont responsables de la fluidité de ces membranes, de la synthèse des prostaglandines à partir de l’acide arachidonique (4); elles interagissent également avec les protéines membranaires qui ont une activité biologique tels que les enzymes, les transporteurs membranaires et les récepteurs hormonaux (14).

La période de croissance fœtale accélérée (de la 28ème à la 40e semaine de gestation chez la femme) et post natale (jusqu’à l’âge de 18 mois chez le nourrisson) est une phase de développement et de maturation des systèmes nerveux et sensoriels particulièrement rapide. Elle correspond à un besoin considérable en AGPI qui ne peut être couvert que par des transferts transplacentaires pendant la grossesse, et des apports alimentaires après la naissance. Même si les informations disponibles sont encore très insuffisantes, il semble bien que la capacité de synthèse in situ des AGPI du cerveau et des organes sensoriels soit très limitée chez l’enfant (14).

De nombreuses études ont montré que des variations d’apports alimentaires entraînant des modifications de la composition des tissus du système nerveux central et de la rétine, pouvaient avoir des répercussions fonctionnelles mesurables sur les capacités cognitives et l’acuité visuelle (études chez le singe et le rat mais également chez l’enfant) (14) (15).

Or le lait humain est riche en acide linoléique et en acide a-linolénique et contient également des concentrations importantes en acide arachidonique, en DHA et EPA (alors que DHA et EPA sont quasi inexistants dans le lait de vache et absents des formules lactées pour nourrissons à terme non supplémentés). Les apports en AGPI par le lait maternel sont généralement suffisants pour couvrir les besoins du nouveau-né à terme.

Par  ailleurs la supplémentation en AGPI des formules lactées pour nourrissons présenterait peut être des risques potentiels : aucune donnée ne permet aujourd’hui d’évaluer ce que doit être un apport optimal en AGPI (les teneurs en acide gras sont trop variables dans le lait de femme pour servir de références et on ne connaît pas les conséquences physiologiques des modifications souvent importantes en acides gras au cours de l’allaitement) (14) .

De nombreuses études sont donc encore nécessaires pour évaluer, en fonction de la période de croissance et du capital génétique qui conditionne les capacités adaptatives du nourrisson , ce que devraient être les apports en AGPI pour assurer un développement optimal de l’enfant.

t           Meilleure digestion et absorption des graisses du lait humain

Les lipides du lait humain sont remarquablement bien absorbés (l’excrétion de graisse dans les selles représente 5 à 10% des graisses du lait de femme ingéré contre 40% avec le lait de vache) (10). Plusieurs éléments favorisent cette bio-disponibilité des lipides du lait maternel :

-      La structure particulière des globules graisseux entourés d’une double couche protéique et phospholipidique (les lipides sont sécrétées sur un mode apocrine dans les cellules sécrétrices mammaires) facilite l’attaque digestive et la mise en micellisation,

-      La présence dans le lait d’une lipase spécifique dite dépendante des sels biliaires (BSSL) qui hydrolyse les triglycérides et qui est présente dans le lait à un taux stable tout au long de la lactation. Elle est résistante au passage gastrique et activée par de faibles quantités de sels biliaires. Elle augmente l’activité de la lipase pancréatique (dont la sécrétion est encore insuffisante chez le nouveau-né à terme).

4.1.1.2.B.2           Les facteurs trophiques (6)

Hormones thyroïdes (T3, T4)

Insuline

Hormones adrénocorticales

Calcitonin-gene-related peptide

Parathyroid hormone related peptide (PTHrP)

Hormones sexuelles (estrogènes, progestérone et dérivés)

Hormones hypothalamohypophysaires

Gonadotrophine releasing hormone (GnRH)

Growth Hormone releasing factor (GRF,GHRF)

Hormone de croissance (GH)

Prolactine

Thyrotropin releasing hormone (TRH)

Thyroid stimulating hormone (TSH)

Peptides régulateurs gastro-intestinaux

Gastrine

Gastric inhibitory peptide (GIP)

Gastrin releasing peptide (GRP)

Neurotensine

Peptide YY

Somatostatine

Substance P

Vasoactive intestinal peptide (VIP)

Facteurs de croissance

Epidermal growth factor (EGF)

Insulin-like growth factor –I (IGF-I)

Insulin-like growth factor –II (IGF-II)

Neural growth factor (NGF)

Transforming growth factor a (TGFa)

Transforming growth factor b (TGFb)

Tableau IV- Hormones et peptides biologiquement actifs détectés dans le lait humain (6)

 

De nombreux facteurs de croissance ont été isolés dans le lait humain (cf. tableau IV). Ils ne sont retrouvés ni dans le lait de vache ni dans les laits de substitution.

Par leurs structures biochimiques, les facteurs trophiques délivrés par le lait maternel peuvent être classés en 3 groupes :

-      les hormones et peptides tropiques,

-      les nucléotides,

-      les polyamines (spermine et spermidine);

t           Les hormones et peptides trophiques du lait.

Un certain nombre d’hormones et de peptides bio actifs comme l’hormone de croissance, l’insuline, l’IGF-I, l’EGF, la prolactine et le releasing factor de l’hormone de croissance (GHRF) interfèrent directement avec le métabolisme du nouveau-né, après absorption intestinale, en favorisant la croissance et la différentiation d’organes et de tissus cibles.

C’est essentiellement l’insuline, l’IGF-I et l’EGF qui ont fait l’objet d’études détaillées. Leur concentration dans le lait peuvent être jusqu’à 10 fois plus élevée que dans le sérum ce qui suggère que ces peptides ne passent pas directement du sang maternel dans le lait mais sont concentrés dans la glande mammaire elle-même. Ces peptides ont des effets mitogéniques et métaboliques qui accélèrent la croissance et la maturation des cellules intestinales (des récepteurs spécifiques de ces peptides ont été mis en évidence pour les cellules intestinales avec une concentration encore plus importante lorsque ces cellules étaient immatures) (12).

En outre l’EGF aurait un rôle cytoprotecteur vis à vis des substances toxiques et particulièrement contre le développement de l’entérocolite ulcéronécrosante (12).

L’EGF jouerait aussi un rôle dans le transport du lactose et celui du calcium (4).

Un nombre impressionnant d’hormones et de peptides présents dans le lait n’ont pas encore fait l’objet d’études quant à l’étendue de leur action physiologique même si leurs bénéfices dans le lait sont pressentis. Ces incertitudes sont responsables de la difficulté à recommander l’addition de certaines hormones ou peptides trophiques dans les formules lactées infantiles;


t           Les nucléotides

Outre leur rôle immunologique dont nous avons déjà parlé, les nucléotides ont des effets trophiques sur la muqueuse intestinale (11) (augmentation de la masse de la muqueuse intestinale, accélération de la croissance cellulaire), mais il ne s’agit encore que d’études expérimentales. Les nucléotides possèdent également des effets bénéfiques sur la fonction et le métabolisme hépatique et seraient également responsables de modifications du profil lipidique (12) (augmentation des taux sanguins d’acides gras polysaturés à longues chaînes, d’acide arachidonique, diminution du VLDL et augmentation des taux de cholestérol HDL). Il semble que ces résultats soient obtenus de manière identique chez les enfants allaités au sein et ceux qui ont été nourris par des formules lactées enrichies en nucléotides (6) (11);

t           Les polyamines

Bien que leur concentration soit dix fois plus élevée dans le lait humain que dans les formules lactées infantiles, l’activité biologique des polyamines sur la croissance cellulaire intestinale, sur la maturation et la différenciation du tractus digestif des nouveau-nés reste encore hypothétique. Des recherches restent encore à faire pour déterminer dans quelle mesure les formules lactées devraient être enrichies de ces substances à une concentration équivalente à celle du lait maternel.

4.1.1.2.C         Facilitation de nombreux processus métaboliques
4.1.1.2.C.1            La mobilité intestinale est modulée par les peptides opioïdes

Les peptides opioïdes, qui dérivent des caséines, auraient un rôle antagoniste dans la motilité intestinale. La motiline, également issue des caséines serait responsable avec les prostaglandines de l’induction de la fonction péristaltique intestinale (4).

4.1.1.2.C.2           Présence enzymes compensant l’immaturité digestive du nouveau-né

Nous avons déjà cité la lipase du lait dépendant des sels biliaires (BSSL) intervenant au niveau du duodénum dans l’hydrolyse des triglycérides.

L’a-amylase joue un rôle dans l’hydrolyse des sucres et compense la synthèse insuffisante chez le nouveau-né de l’amylase pancréatique (4).

De nombreux autres systèmes enzymatiques ont été mis en évidence dans le lait humain : enzymes protéolytiques, phosphatase alcaline (rôle dans le transfert des oligo-éléments), glycuronidases et aussi lysozymes et peroxydase qui ont des fonctions anti-bactériennes (4).

4.1.1.2.C.3           Meilleure bio-disponibilité des minéraux du lait humain

D’une manière générale, la remarquable bio-disponibilité des composants du lait maternel permet d’apporter au nouveau-né les nutriments nécessaires à son développement sans surcharger ses capacités métaboliques encore immatures.

t           L’absorption du calcium du lait humain est estimée à 75% grâce à sa pauvreté en phosphore qui limite les risques de déperdition calcique par précipitation de phosphate de calcium insoluble;

t           La teneur en oligo-éléments indispensables (zinc, fer, cuivre, molybdène, manganèse, fluor, cobalt, iode, sélénium) du lait humain est différente de tous les laits des autres mammifères. La bio-disponibilité du fer, du zinc et du cuivre dans le lait humain est très élevée. Le fer du lait maternel est absorbé dans une proportion qui peut atteindre 70% (contre 10 à 30% pour le lait de vache et les laits infantiles) ce qui permet de couvrir les besoins en fer de l’enfant jusqu’à 6 mois d’allaitement exclusif. Il en est de même pour le zinc dont le rôle est essentiel dans de très nombreux systèmes enzymatiques. Le cuivre intervient, quant à lui, dans la synthèse de l’hème, du collagène, de l’élastine et de certains neurotransmetteurs ainsi que dans le métabolisme énergétique.

Le sélénium a une action anti-oxydative qui protège la membrane cellulaire :le sélénium,co-facteur de la vitamine E, fait actuellement l’objet d’un très grand intérêt en raison de son rôle préventif contre l’athérome, le cancer et les maladies dégénératives du système nerveux. Il participe également au métabolisme des hormones thyroïdiennes. Il a été démontré que le statut du sélénium des enfants nourris au sein est supérieur à celui des enfants nourris aux laits industriels (16).

4.1.1.2.D        Variabilité de la composition du lait maternel

La variation de la composition du lait au fur et à mesure que la lactation s’installe et se poursuit, permet une adaptation extraordinaire aux besoins tout aussi variables de l’enfant. Adaptation que n’offre aucun lait industriel qui ne propose pour l’enfant sain qu’un lait dit «1er âge» puis en lait de suite à partir du 5ème mois.

Outre le stade de lactation, le lait maternel présente également des variations en fonction de l’environnement et de l’alimentation de la mère (nous avons parlé des IgA et du cycle entéro-mammaire).

 Le lait maternel présente encore la particularité de varier au cours de la tétée avec un enrichissement progressif en graisse qui assure une sensation de satiété.

D’une façon générale, c’est d’ailleurs la fraction lipidique du lait humain qui est quantitativement la plus variable. Elle varie d’un jour à l’autre chez un même individu, selon l’heure du jour (la teneur en graisse augmente de 50% du matin au soir chez la femme occidentale), la période de tétée, le stade de la lactation et l’alimentation de la mère (4).

4.1.1.3                 Influences du régime maternel sur la composition du lait et supplémentation

Une large étude l’OMS sur la qualité et la quantité du lait maternel montre qu’en dehors de privations extrêmes, l’allaitement maternel est peu altéré par l’état nutritionnel de la mère (à l’exception de la teneur en vitamines ) (4) .Toutefois :

t           La composition des acides gras est influencée par le type d’alimentation de la mère avec par exemple un enrichissement en acides gras insaturé surtout en acide oleïque si la mère consomme largement des huiles végétales ( études réalisées chez des femmes végétariennes) ou en acides polysaturés si la mère consomme des huiles de poisson (études faites chez des femmes esquimaudes) (4). Mais avant de faire des recommandations diététiques aux mères, il faut bien constater que nous avons encore peu d’informations fiables quant aux bénéfices réelles d’une éventuelle supplémentation : il n’y a pas eu de bénéfices détectables démontrés sur l’acuité visuelle ni sur la croissance de l’enfant (19). De plus, une consommation élevée de poisson ou d’huile de poisson peut avoir des effets négatifs, ils sont en effet souvent contaminées par divers polluants tels que PCBs et méthylmercure (20);

t           Parmi les minéraux, le taux de sélénium dans le lait varie en fonction des apports alimentaires maternels. Les sols français sont pauvres en sélénium mais la diversité des aliments distribués permet des apports suffisants (17);

En dehors du sélénium, la plupart des minéraux présents dans le lait maternel ne sont pas influencés par le régime maternel. En particulier les réserves tissulaires de calcium ne sont entamées que dans des cas extrêmes (1).

De même, les teneurs du lait maternel en fer, zinc et cuivre dépendent peu de l’alimentation de la mère.

t           La teneur du lait en vitamines hydrosolubles varie selon le régime alimentaire de la mère. Les besoins de l’enfant à terme en vitamine C et en vitamines du groupe B sont couverts par l’allaitement maternel si la mère n’est pas carencée.

Concernant les vitamines liposolubles: on a pu observer des cas de rachitisme chez des enfants allaités, nés de mères malnutries ou nés au cours de l’hiver et une supplémentation quotidienne en vitamine D est recommandée par la plupart des auteurs (18). La prévention du risque de syndrome hémorragique nécessite l’administration hebdomadaire d’un complément en vitamine K pendant toute la durée de l’allaitement exclusif.

4.1.1.4                 Conclusion

Outre ces apports nutritifs, le lait maternel contient une grande variété de substances susceptibles de transmettre des messages biochimiques à l’enfant.

Les hormones et facteurs de croissance influencent le developpement de nombreux tissus. Le lait apporte à l’enfant des informations quant à la composition microbiologique de son environnement et contient les éléments qui vont l’aider à se défendre contre des micro-organismes pathogènes. D’autres facteurs inhibent les réactions inflammatoires excessives,diminuant l’altération des tissus et favorisant leur régénération. De nombreuses études ont confirmé les effets bénéfiques de l’allaitement sur la croissance et le développement des propres défenses de l’enfant jusqu’à l’age adulte (12).

Le rôle de nombreux composants reste encore mal élucidés et les fonctions immunomodulatrices de certaines cytokines, des interleukines, de l’interféron ou du TNF (Tumor Necrosis Factor) restent à étudier.

Quoi qu’il en soit, les propriétés immunologiques du lait ont déjà démontré la supériorité de l’allaitement maternel dans la prévention de nombreuses maladies,ce que nous verrons dans les chapitres suivant.

4.1.2                          ALLAITEMENT ET DEVELOPPEMENT SENSORIEL ET COGNITIF

Nous avons parlé précédemment de la présence d’AGPI (cf chapitre 4.1.1.2.B.1) dans le lait maternel et de leur rôle important dans la constitution du système neveux central et de la rétine.

Dans sa thèse en 1998, Cécile GALINOU (1) avait expliqué les bénéfices modérés mais réels de l’allaitement maternel tant sur le développement visuel et mental précoce de l’enfant que sur ses compétences cognitives et ses performances scolaires ultérieures. Mais elle soulignait les biais qui venaient nuancer ces conclusions : si les facteurs nutritionnels ont un rôle important, le développement psychomoteur de l’enfant est lié à de nombreux autres facteurs, notamment environnementaux (qualité de la relation mère-enfant, conditions socio-économiques et culturelles favorables, environnement moins stressant et plus stimulant) et la part respective de tous ces facteurs restait difficile à déterminer.

Nous avons à notre tour retenu 8 articles publiés dans la littérature médicale ces deux dernières années : 4 études démontrent effectivement une relation de cause à effet positive entre allaitement maternel et développement cognitif de l’enfant ( même si l’une de ces études a été controversée), les 4 autres ne démontrent pas de bénéfices significatifs.

Nous n’avons pas retrouvé de nouvelles études concernant les performances visuelles.

Lehtonen et al. (2) ont réalisé des EEG chez 50 nouveaux nés pendant leur première semaine de vie : ces EEG, réalisés pendant les repas de ces enfants (30 bébés étaient nourris au sein, 20 l’étaient au biberon) ont révélé des tracés significativement différents dans les deux groupes avec des amplitudes plus riches au niveau des aires corticales postérieurs chez les enfants au sein. Bien que l’échantillon soit faible, Lehtonen conclut que cette réponse corticale aux soins apportés à l’enfant était probablement le résultat de l’activation de mécanismes neuro-humoral lié à la satiété et la satisfaction en relation avec entre autres les aires hypothalamiques et limbiques.

Lanting et al. (3) ont étudié le développement psycho-moteur de 384 enfants âgés de 3 ans et 6 mois et retrouvé des performances légèrement meilleures chez ceux qui avaient été allaités de façon exclusive par leur mère pendant leurs 6 premières semaines de vie (mais cette différence disparaissait au-delà des 6 premières semaines…).

Richards et al. (4) ont comparé le développement du langage de 511 enfants âgés de 8 ans (aînés de leur fratrie) et avaient retrouvé de meilleurs scores chez ceux qui avaient été allaités mais ne retrouvaient plus ces mêmes différences après ajustement avec d’autres facteurs environnementaux (profession du père, niveau  d’instruction maternelle, etc..) : l’allaitement n’avait alors pas prouvé sa supériorité.

Wigg et al.(5) ont évalué le développement cognitif de 375 enfants au moyen de tests standardisés : le test de Bayley à 2 ans, puis l’index de  Mc Carthy à 4 ans et enfin des mesures du QI (quotient intellectuel) avec l’échelle de Wechsler à 7, 11 et 13 ans. Après ajustement avec des facteurs médicaux, environnementaux et socio-démographiques, aucun bénéfice cognitif de l’allaitement maternel n’a pas pu être mis en évidence.

En revanche, Horword et Fergusson (6) ont retrouvé de bons résultats en faveur de l’allaitement maternel, sur une  étude longue (enfants suivis de la naissance jusqu’à 18 ans) de 1265 enfants, portant sur de nombreux critères : durée précise de l’allaitement (il existait une forte corrélation entre la durée totale de l’allaitement et celle de l’allaitement exclusif), renseignements auprès des professeurs quant aux résultats scolaires des enfants en les comparant avec les résultats moyens normalement attendus à cet âge, mesure des QI sur l’échelle de Wechsler, mais aussi tests par rapport aux connaissances scolaires censées avoir été acquises pour l’âge.

L’examen des résultats montrait une nette corrélation positive entre la durée de l’allaitement et le niveau cognitif de l’enfant. Ces résultats étaient d’autant meilleurs si les enfants avaient été allaités plus de 8 mois avec un moindre risque d’échec scolaire par rapport aux enfants qui n’avaient pas été allaités. Et ces mêmes résultats se confirmaient après correction des biais habituels (âge de la mère, niveau-socio culturel et économique…). Les auteurs évoquaient tout de même la possibilité d’autres biais de nature inconnue… C’est sur ce point (entre autres) que cette étude a été controversée par KRUGMAN et LAW (7) qui ont défendu l’idée que la liste complète des facteurs confondants restait impossible à déterminer.

En 1999, Anderson et al. (8) ont alors publié une méta-analyse des différences constatées entre les enfants allaités et les enfants nourris au lait industriel en ce qui concerne le développement cognitif. Sur les 20 études répondant aux critères de sélection de départ, 11 études prenaient en compte au moins 5 covariables et présentaient leurs résultas avant et après correction. Un avantage de 5,32 points de QI était retrouvé par ces études chez les enfants allaités avant ajustement pour les covariables. Après ajustement, cet avantage était en moyenne de 3,16 points de QI. Cette différence après ajustement était stable et homogène. Les enfants allaités avaient des tests de développement cognitif significativement meilleurs que les enfants nourris au lait industriel entre 6 et 23 mois, la différence constatée étant stable pendant toute cette période. Cette différence était d’autant plus importante lorsque l’enfant était un prématuré.

Par ailleurs, l’analyse des résultats montrait que les tests de développement cognitif étaient encore meilleurs quand la durée de l’allaitement avait été longue.

En 1999 également, Fergusson et Woodward (9) ont publié une nouvelle étude portant sur la relation entre la durée de l’allaitement maternel et le comportement psycho-social de grands adolescents âgés de 15 à 18 ans : si l’allaitement maternel était corrélé à une meilleure entente parents-enfants à l’adolescence, il restait peu probable que l’allaitement maternel soit associé à une diminution du risque d’apparition ultérieure de troubles psychiatriques, de toxicomanie ou de délinquance juvénile. Et les auteurs soulignaient l’importance des biais des facteurs psycho-sociaux.

L’ensemble de ces études montre que l’implication de l’allaitement maternel dans le développement cognitif de l’enfant fait l’objet de beaucoup d’intérêt actuellement et déchaîne parfois les passions, où se mêlent les concepts de «bonne» et «mauvaise» mère (qui allaite ou qui n’allaite pas),  de performances scolaires et de réussite sociale (le bonheur est-il dans le lait ?) !

Quoi qu’il en soit, le lait maternel (mais peut-être pas le fait d’allaiter) n’a pas encore démontré sa supériorité sur le lait artificiel quant au développement cognitif de l’enfant.

4.1.3                          ALLAITEMENT MATERNEL ET ALLERGIES

L’allergie alimentaire et surtout celle due aux protéines de lait de vache est la manifestation d’atopie la plus précoce dans la vie de l’enfant. Elle serait responsable  de près de 8% des manifestations allergiques de l’enfant. Si son évolution spontanée se fait vers la guérison dans plus de 90% des cas  avant trois ans, elle augmente le risque de sensibilisation à d’autres allergènes, et notamment le risque d’asthme ou de rhinite allergiques. De nombreux auteurs ont cherché à savoir si l’allaitement maternel était susceptible de prévenir l’apparition de manifestations allergiques.

Dans sa thèse, Cécile GALINOU (1) avait conclu il y a deux ans que le bénéfice observé au cours de l’allaitement exclusif était du à l’éviction des protéines allergéniques contenues dans le lait artificiel. Mais elle soulignait que d’autres mécanismes de protection propres au lait maternel étaient évoqués : l’effet des facteurs de croissance contenus dans le colostrum sur la maturation pariétale intestinale, le rôle des IgA sécrétoires, l’effet immunomodulateur du lait maternel sur la maturation du système immunitaire de l’enfant et la production d’IgA sécrétoire. Certains facteurs favorisent l’immunogénicité : les antécédents d’atopie, la malnutrition, l’introduction simultanée de plusieurs allergènes dans l’alimentation, la quantité d’allergènes ingérés et probablement l’âge de leur introduction. Les compléments lactés artificiels très fréquemment donnés en France dans les premiers jours de vie de l’enfant semblent bien avoir un effet négatif en favorisant la sensibilisation des enfants prédisposés : cette exposition précoce est suivie d’une période d’exclusion pendant la durée de l’allaitement maternel puis d’une nouvelle exposition brutale et massive au moment du sevrage. Or l’acquisition de la tolérance est fonction de l’âge et probablement de la quantité d’antigène ingérée et il semble que des doses répétées et progressives de protéines antigéniques favorisent la tolérance immunitaire. Il conviendrait sans doute d’éviter les sevrages trop rapides comme ils sont habituellement pratiqués en France.

Par ailleurs, la sensibilisation aux protéines étrangères passant dans le lait maternel est possible mais probablement rare. Les régimes maternels qui limitent l’absorption de protéines allergisantes (lait de vache, œufs) pendant la lactation ont montré un intérêt dans la prévention de l’eczéma chez les enfants prédisposés à «haut risque » mais sont limités par les risques de carence qu’ils peuvent entraîner chez les mères.

Au total, le rôle de l’allaitement maternel dans la prévention de l’allergie restait controversé mais il était admis que pour les enfants prédisposés, l’allaitement maternel exclusif pendant au moins quatre mois associé à une diversification alimentaire tardive et progressive avait bien un effet prophylactique en diminuant réellement l’incidence des manifestations d’allergie en cours de la petite enfance.

Depuis 1998, les articles parus concernent essentiellement la prévention de l’atopie chez les enfants à risque et confirment bien ces résultats.

Jarvinen et al. (10) ont étudié le cas de 17 enfants ayant présenté une allergie aux protéines du lait de vache (PLV) comparé à celui des 10 enfants apparemment sains. Les mères, dans les deux groupes, étaient asymptomatiques. Il s’agissait de mesurer l’apparition de réactions allergiques chez ces enfants allaités après introduction des PLV à doses progressivement croissantes ; les mères ayant été soumises à un régime d’exclusion auparavant, pour ces mêmes protéines. La plupart des enfants qui avaient une allergie aux PLV ont vu effectivement resurgir ces symptômes au moment de la réintroduction des PLV.

Un autre objectif de cette étude était de mesurer la sécrétion de b-lactoglobulines (BLG) dans le lait humain avant et pendant l’épreuve, corrélée à l’apparition des symptômes chez les enfants. La b-lactoglobuline (BLG),  protéine soluble prédominante du lait de vache, est considérée comme la fraction la plus allergisante. Elle est habituellement absente du lait maternel mais a pu être retrouvée dans le lait de femmes consommant des PLV.

Dans cette étude, le taux de la BLG a été retrouvé comparable dans les 2 groupes : l’apparition des symptomes allergiques ne semblait donc pas dépendre  du taux des BLG.

Les auteurs concluent que les réactions d’hypersensibilité aux allergies alimentaires par l’intermédiaire du lait humain sont peut être beaucoup plus fréquentes qu’on ne l’avait pensé auparavant.

Hattevig et al. (11) se sont intéressés aux effets à long terme des régimes d’exclusion maternels pendant la lactation pour éviter la survenue de symptômes atopiques. Ils ont étudié le cas de 65 enfants aux antécédents familiaux de manifestations allergiques et dont les mères ont suivi un régime excluant œufs, lait de vache et poisson (l’arachide n’a pas été testé) pendant les trois premiers mois d’allaitement, comparés à un groupe de 50 enfants dont les mères n’avaient pas suivi de régime.

Un nombre significatif d’enfants a pu être suivi à l’âge de 3 mois jusqu’à l’âge de 10 ans.

Des manifestations atopiques ont été constatées dans les 2 groupes par dosage des IgE spécifiques (pour 7 pneumallergènes et 5 allergènes alimentaires), des IgE totaux et Prick test, sans différence significative et par conséquent les auteurs suggèrent qu’il n’y a pas lieu de recommander de manière générale de régime d’exclusion pendant l’allaitement maternel pour la prophylaxie de l’allergie chez les enfants à risque.

Isolauri et al. (12) ayant constaté que des enfants peuvent présenter des allergies même pendant la durée de l’allaitement maternel exclusif, ont cherché à évaluer si les enfants allergiques devaient tout de même continuer à être nourris au sein ou s’il était plus bénéfique qu’ils soient sevrés.

Cent enfants qui avaient présenté un eczéma atopique pendant  l’allaitement ont ainsi été sélectionnés. Les critères d’observation reposaient sur l’étendue et la sévérité de l’eczéma mais également sur la croissance des enfants et leur état nutritionnel. Les auteurs ont alors remarqué qu’une amélioration des symptômes avait pu être obtenue avec un régime d’exclusion maternel et que cette amélioration était significative après le sevrage, s’accompagnant d’une reprise de la croissance (taille) et des paramètres nutritionnels ( les concentrations en Albumine, urée et zinc corrélées à l’âge de l’enfant étaient améliorée après le sevrage).

Isolauri et al. concluaient alors que si l’allaitement maternel devait être encouragé pour la prévention primaire de l’allergie, dans certains cas (enfants allergiques qui ont une croissance insuffisante) il était préférable que l’allaitement soit arrêté.

Goldman (13) a commenté cet article et souligné que les allergènes alimentaires étaient retrouvés autant dans le lait des mères d’enfants qui ont présenté des signes d’atopie que dans celui de mères d’enfants non atopiques et que la prédisposition génétique de l’enfant a incontestablement une importance considérable.

 Par ailleurs, Manson (14) a souligné l’existence de biais : la réelle exposition aux allergies alimentaires n’est pas toujours bien appréciée par les parents et l’exposition aux pneumallergènes et autres irritants doit  également être prise en compte dans le développement de l’atopie.

D’autre part, le taux des IgE retrouvé chez l’enfant comprend un pourcentage d’IgE d’origine maternelle et ne reflète pas toujours la réalité de l’atopie de l’enfant (15).

D’autres études se sont penchées sur le problème d’une éventuelle transmission par le lait maternel de facteur pouvant entretenir ou favoriser l’atopie.

 Jarvinen et al. (16) ont suggéré un dysfonctionnement des macrophages transmis par le lait des mères dont l’enfant a une allergie aux PLV (probablement une diminution de la présentation de l’Ag ou cellules T dans les muqueuses digestives de l’enfant peuvent aboutir au développement de l’allergie).

Duchen et coll (17) ont également montré que le niveau de certains Acides gras insaturés à longues chaînes contenus dans le lait maternel, comme l’acide a-linolénique, pouvait avoir un effet anti-allergique, et que le taux de ces acides gras était plus faible dans le lait des mères dont les enfants avaient présenté des signes d’atopie dans la première année de vie. Ceci pouvant expliquer en partie les effets contradictoires de l’effet préventif de l’allaitement contre les allergies puisque la composition du lait est effectivement variable d’une femme à l’autre.

Pour revenir à l’étude d’ Isalauri et al. (12), les auteurs ont souligné la quasi impossibilité de réaliser des diètes excluant réellement les allergènes alimentaires. De plus, il est possible que les déséquilibres que ces régimes peuvent occasionner, notamment en ce qui concerne la composition en acides gras de lait maternel, peuvent aussi encore aggraver le risque de sensibilisation de l’enfant.

Les régimes d’exclusion ont également d’autres effets négatifs : ils n’éliminent pas l’hypersensibilité qui s’est déjà développée chez les enfants atopiques, et ils peuvent même être responsables indirectement d’un déséquilibre nutritionnel chez l’enfant et nous nous sommes demandés si ce déséquilibre était à l’origine de la stagnation staturo-pondérale constaté dans l’étude ( ?).

Pour conclure, chez les enfants ayant une prédisposition à l’atopie, l’hypersensibilisation aux allergènes alimentaires par l’intermédiaire du lait maternel s’est bien affirmée. Les résultats des études 1998-1999 sont contradictoires quant à l’efficacité des régimes d’exclusion. Ces diètes peuvent entrainer des carences alimentaires chez la mère, carences qui peuvent encore accroitre les manifestations allergiques de l’enfant par déficit en AGPI.

Si le bénéfice de l’allaitement maternel n’est pas remis en cause  pour la prévention primaire de l’allergie, l’effet protecteur du lait maternel chez les enfants prédisposés n’est pas déterminé.


Nous avons trouvé également deux articles parus en 1998 et 1999 concernant l’effet protecteur de l’allaitement sur les maladies respiratoires ( asthme).

La première étude réalisée par Cushing et al. (18) sur 1202 enfants, confirme que l’allaitement exclusif diminue le risque  d’asthme et que les manifestations respiratoires, quand elles surviennent, durent moins longtemps pendant les 6 premiers mois  de vie.

La seconde est australienne, réalisée par Oddy et al. (13), il s’agit d’une étude prospective sur 2187 enfants suivis de la naissance à la sixième année qui a montré une diminution significative du risque d’asthme chez les enfants allaités exclusivement au sein de la naissance à 4 mois au moins. Après ajustement pour d’autres facteurs de risque (l’environnement tabagique par exemple), l’introduction d’un lait autre que maternel était dans cette cohorte un facteur de risque significatif d’asthme et d’atopie, d’apparition plus précoce de sifflements bronchiques et de diagnostic médical d’asthme. Et ce n’était pas tant la durée de l’allaitement maternel qui était importante, mais surtout le fait qu’il ait été exclusif jusqu’à 4 mois.

4.1.4                          ALLAITEMENT MATERNEL ET INFECTIONS

Dans sa thèse, Cécile GALINOU (1) expose qu'en 1981, un groupe de travail sur l'alimentation et la santé du nourrisson, nommé par le gouvernement américain, a conclut que l'allaitement maternel prévient les infections gastro-intestinales, quel que soit le contexte, et diminue la mortalité infantile dans les pays en voie de développement.

Plusieurs études sont venues confirmer ces effets et ont tenté de démontrer que d'autres infections pouvaient être évitées par la pratique de l'allaitement au sein, y compris dans les pays industrialisés (1). Cependant, une controverse persiste quant à l'importance de l'effet protecteur de l'allaitement dans les pays industrialisés en partie due aux vices méthodologiques (biais de sélection, facteurs de confusion non contrôlés, manque de précision quant à la définition du mode et de la durée de l'allaitement, ....) des premières études (1). Depuis, les études sont plus précises et ont ouvert la voie qui permet de mieux définir les avantages de l'allaitement maternel dans les pays industrialisés.

Aucune étude n'a montré d'effet péjoratif de l'allaitement maternel vis à vis des infections et une seule n'a trouvé aucun effet protecteur (1).

Deux études récentes (20)(21) ont permis grâce à une méthodologie précise de confirmer le rôle protecteur de l'allaitement maternel :

t           Wright et al (21) ont utilisé une nouvelle méthodologie pour apprécier la morbidité infantile avant et après un programme d'allaitement dans une communauté Navajo. Les données recueillies portaient sur la prévalence de l'allaitement, l'incidence moyenne des principales maladies infantiles pendant la première année de vie, et leurs incidences selon que l'enfant était allaité ou nourri au lait industriel.
Après le démarrage du programme de promotion de l'allaitement, la prévalence de l'allaitement exclusif est passée de 16,4% à 54,6% et la prévalence des septicémies, pneumonies, bronchites et gastro-entérites a respectivement baissé de 190%, 32,2%, 71,9% et 14,6%. La prévalence respective de ces maladies dans les groupes d'enfants allaités et nourris au lait industriel restait la même pendant toute la durée de l'étude, ce qui signifie que la baisse de prévalence de ces pathologies était directement due à l'augmentation du taux d'allaitement;

t           Raisler et al. (20) ont quant à eux montré qu'il existe une relation inverse dose-réponse entre l'allaitement maternel et les fréquences des maladies et des visites médicales aux Etats-Unis. En séparant les 7092 nourrissons de leur étude en 5 groupes (1 : nourri exclusivement au sein, 2 : essentiellement au sein, 3 : mixte, 4 : très peu au sein et 5: pas du tout), ils ont trouvé que les enfants du groupe 1 bénéficiaient d'une protection maximale contre les maladies infectieuses les plus courantes (en particulier diarrhées, otites et infections respiratoires) alors que ceux très peu allaités (groupe 4) n'en bénéficiaient pas du tout. Ils ont aussi constaté que l'allaitement maternel protège surtout les premiers nés d'une famille, et moins les bébés ayant des frères et soeurs. Il est possible que ces enfants soient du fait de leurs frères et soeurs, plus exposés aux micro organismes, et, que cette exposition dépasse leur capacité de défenses immunitaires.

4.1.4.1                 Gastro-entétites

Sur ce sujet, Cécile GALINOU (1) a réuni trois études récentes répondant aux principaux critères méthodologiques qui montrent une diminution significative des gastro-entérites chez les enfants allaités. Dans une de ces études, les auteurs concluent que l'allaitement maternel pendant les 13 premières semaines de vie confère, vis à vis des diarrhées une protection durant la première année de vie (taux de diarrhée divisé par 2) et qui persiste au delà de la période d'allaitement. Par contre, les bébés sevrés avant 13 semaines sont protégés pendant la période d'allaitement mais cette protection disparaît ensuite.Les 2 autres études quant à elles, confirment une incidence des diarrhées divisée par 2 pendant toute la période d'allaitement maternel mais sans effet protecteur au sevrage.

Plusieurs facteurs peuvent expliquer l'effet protecteur de l'allaitement maternel sur les infections gastro-intestinales (1) :

t           Nous avons décrit au chapitre précédent (4.1.1) les propriétés immunologiques du lait (en particulier les IgAs et la lactoferrine) et notamment le cycle entéro-mammaire qui protège le nourrisson des antigènes contre lesquels sa mère s'est immunisée;

t           La flore saprophyte à prédominance de lactobacille bifidus et l'abaissement du pH gastro-intestinal induits par l'allaitement inhibent la croissance d'entérobactéries potentiellement pathogènes;

t           Newburg et al (23) viennent de découvrir dans le lait maternel une glycoprotéine associée à une mucine 46kDa : la lactadhérine, qui se lie spécifiquement au rotavirus et inhibe sa réplication. La lactadhérine serait donc un facteur de protection vis à vis des infections à rotavirus, responsable d’ au moins 50% des diarrhées infantiles dans le monde;

t           Enfin, de nombreux composants du lait ont montré in vitro des activités antibactériennes, notamment sur Escherichia coli et Campylobacter jejuni (22)(23).

4.1.4.2                 Otites

Là encore, Cécile GALINOU a trouvé de nombreuse études qui confirment l'effet protecteur de l'allaitement maternel vis à vis des otites. Une prévalence significativement moindre d'otites moyennes (2 fois moins) a été mise en évidence chez les enfants nourris au sein, ainsi qu'une diminution de la durée des épisodes.

L'effet prophylactique semble être corrélé a la durée et à l'exclusivité de l'allaitement et paraît se maintenir au cours de la première année voir même pendant la deuxième année (1)

Les explications qu'elle a retrouvées concernant cet effet protecteur de l'allaitement maternel sur les otites sont :

t           la possibilité d'un effet négatif de l'alimentation au biberon en position allongée qui pourrait favoriser le reflux naso-pharyngé jusqu'à la trompe d'Eustache . Le lait maternel, lui, en tapissant la trompe d'Eustache, protège la muqueuse localement. Ainsi, des facteurs physiques pourraient intervenir dans la prévention des otites, mais il ne faudrait pas pour autant sous estimer le rôle protecteur des agents anti-infectieux du lait maternel. En effet, une diminution des otites chez des enfants porteurs d'une fente palatine et allaités au biberon  avec du lait maternel a été démontrée (1);

t           la présence dans le lait maternel d'immunoglobuline IgAs anti P6 ayant une activité anticorps contre certaines protéines de membranes d'Haemophilus influenzae.  Le taux de ces IgAs dans le lait est inversement corrélé à la fréquence de la colonisation du nasopharynx de l'enfant par Haemophilus influenzae et avec le nombre d'otites aiguës survenant pendant la durée de l'allaitement.

Hokama et al (24) auraient trouvé que la colonisation de l'oreille par Haemophilus influenzae serait inhibée par la présence de lait maternel. Dans leur étude portant sur 162 enfants en bonne santé, l'incidence de la colonisation de l'oreille par Haemophilus influenzae dans le groupe allaitement exclusif, allaitement mixte et allaitement au biberon était respectivement de 0%, 0% et 7%.

4.1.4.3                 Infections respiratoires

L'effet protecteur de l'allaitement maternel sur les infections des voies aériennes est controversé. Certains résultats sont contestés du fait de biais, comme l'absence de prise en compte des facteurs suivants : poids de naissance, terme, tabagisme parental, statut socio-économique familial, présence d'autres enfants, mode de garde ...

Sur les 6 études rassemblées par Cécile GALINOU (1) , 4 études ont montré un effet protecteur alors que 2 n'ont pu conclure dans ce sens. Il semble que l'effet prophylactique s'observe plutôt sur les infections basses et sur les sifflements. L'allaitement mixte paraît apporter une protection intermédiaire. Cécile GALINOU expose aussi certaines études qui auraient montré une protection contre le virus respiratoire syncitial (VRS)(1).

Wilson et al (25) ont montré qu'un allaitement exclusif supérieur ou égal à 15 semaines entraine une diminution du risque de maladie respiratoire basse et de toux au cours des 7 premières années, et que l'introduction précoce d'aliments solides augmente le risque de wheezing  pendant cette même durée.

L'effet protecteur contre les infections respiratoires basses pourrait être lié au cycle broncho-mammaire qui permet la production dans le lait d'IgAs adaptés à l'environnement mère-enfant ainsi qu'à d'autres facteurs immunologiques présents dans le lait maternel (1).

4.1.5                          ALLAITEMENT MATERNEL ET DIABETE ISULINODEPENDANT (DID)

La fréquence du diabète insulinodépendant varie d'un pays à l'autre et dans le temps, avec une augmentation du nombre de cas en Europe au cours des dernières décennies, en particulier pour les diabètes diagnostiqués dans les premières années de vie.

Comme le montre Cécile GALINOU dans sa thèse, l'étiopathogénie du DID de l'enfant est multifactorielle (1) : il s'agit d'un mécanisme immunologique auto-immun entraînant la destruction des cellules b des ilôts de Langerhans chez une personne génétiquement prédisposée, associé à des facteurs environnementaux qui ne sont pas encore complètement élucidés (26).

Le processus déclenchant précède le DID de plusieurs années et certains facteurs environnementaux interviennent probablement très tôt dans la vie de l'enfant, bien avant l'apparition clinique de la maladie (1).

Le rôle de certains virus est évoqué.

L'alimentation est sans doute un autre facteur impliqué dans le déclenchement du DID. Le rôle des protéines du lait de vache est évoqué sur la base de 3 arguments :

t           plusieurs études écologiques ont montré une corrélation positive entre l'incidence du DID et la consommation de lait de vache ou une corrélation inverse entre l'incidence du DID et la prévalence de l'allaitement maternel. Ces différentes études n'établissent toutefois aucun lien de causalité entre ces différents paramètres (1);

t           la suppression des protéines de lait de vache de l'alimentation des souris NOD, modèles de DID autoimmun, prévient dans certains cas l'apparition de la maladie (1);

t           une étude prospective chez des patients au moment du diagnostic a montré que 100% d'entre eux avaient des taux élevés d'anticorps IgG dirigés contre certaines protéines du lait de vache comme la serum-albumine bovine (BSA). Or le peptide ABBOS, segment de la BSA, aurait une grande homologie de structure avec une protéine (ICA 69) exprimée à la surface des cellules b aux cours des infections virales ou des aggressions. L'immunisation contre le peptide ABBOS pourrait déclencher chez les sujets prédisposés des réactions auto-immunes croisées contres les cellules b (26).

Mais, si ces observations ouvrent des perspectives dans l'étude de la physiopathologie du DID, l'accord est loin d'être unanime sur le rôle exact des proteines du lait de vache dans le développement du diabète et sur un éventuel effet protecteur de l'allaitement maternel (1). En effet, les nombreuses études qui ont confirmé l'effet déletère de l'introduction précoce (avant 3 ou 4 mois) de protéines de lait de vache dans l'alimentation de l'enfant, sont des études rétrospectives avec de nombreux biais méthodologiques (26). L'hypothèse, selon laquelle l'effet protecteur de l'allaitement maternel observé dans certaines séries serait lié à l'éviction des protéines du lait de vache pendant les premières semaines de vie ( alors que la maturation incomplète du tractus digestif favorise la pénétration des protéines étrangères et l'immunisation),  est donc aujourd'hui controversée. En effet, une étude prospective récente (27) a essayé de déterminer la relation entre la durée de l'allaitement exclusif, l'introduction de protéines de lait de vache et le développement d'anticorps anti-cellules b  chez 371 enfants prédisposés génétiquement, de leur naissance jusqu'à leur 29 mois. Il n'a été trouvé aucune association significative directe entre l'alimentation précoce de l'enfant et le risque de DID. Cependant, les auteurs émettent l'hypothèse selon laquelle l'allaitement maternel pourrait indirectement conférer une protection en réduisant le risque d'exposition aux infections virales potentiellement diabètogènes qui seraient impliquées dans le développement d'anticorps anti-cellules b.

L'effet protecteur de l'allaitement maternel vis à vis du diabète-insulino-dépendant de l'enfant reste dans l'état actuel des connaissances une hypothèse, et, s'il existe, il est probablement de faible importance.

Toutefois, en attendant que d'autres études prospectives soient menées, l'American Academy of Pediatrics continue de conseiller l'allaitement maternel et la non-exposition aux protéines de lait de vache pendant la première année chez les enfants prédisposés génétiquement au DID (27).

4.1.6                          ALLAITEMENT MATERNEL ET MORT SUBITE DU NOURRISSON

N'ayant pas trouvé de nouvelles études depuis 1998, nous nous sommes permis d'utiliser la conclusion de Cécile GALINOU (1) pour illustrer ce chapitre.

L'effet protecteur de l'allaitement maternel sur la survenue de MSN est évoqué mais il n'est retrouvé de façon inconstante dans les études et reste discuté. Une baisse importante de l'incidence de la MSN est constatée depuis 1990 dans la plupart des pays développés, sans évolution notable de la prévalence de l'allaitement maternel.

Si un lien existe entre allaitement maternel et MSN, il est peu important et sa part de risque attribuable est faible comparée à d'autres facteurs comme la position de sommeil ou le tabagisme passif.

Les relations entre les différents facteurs de risque sont complexes. L'allaitement maternel est souvent corrélé avec des conditions socio-économiques favorables et des taux faibles de tabagisme maternel qui sont des facteurs de protection de la MSN.

Le rôle protecteur de l'allaitement maternel retrouvé dans certaines études pourrait ne reflèter que la liaison entre ce mode d'alimentation et d'autres facteurs socio-culturels, de soins aux nourrissons et d'habitudes de vie.

4.1.7                          ALLAITEMENT MATERNEL ET CANCER

Certains auteurs ont recherché un éventuel effet protecteur de l'allaitement maternel vis à vis des cancers de l'enfant.

Davis et al (28) viennent de publier une synthèse des différentes études antérieures s'intéressant à ce sujet. Ils concluent que les enfants qui n'ont jamais été allaité ou seulement pendant une courte période présentent un risque supérieur (par rapport aux enfants allaités exclusivement pendant plus de 6 mois) de développer un lymphome Hodgkinien. Par contre, ce rôle protecteur de l'allaitement maternel n'est retrouvé ni pour les lymphomes non Hodgkinien, ni pour les leucémies lymphoblastiques aiguës.

Sur ce dernier point, une controverse est soulevée par l'étude cas-témoins récente de Shu et al. (29) qui compare 1744 enfants agés de 1 à 14 ans atteints de leucémie lymphoblastique aiguë à 1879 enfants témoins et 456 enfants agés de 1 à 17 ans atteints de leucémie myéloïde aiguë à 539 enfants témoins. Les auteurs trouvent une diminution du risque de leucémie aiguë de 21% chez les enfants allaités au sein (odds ratio (OR) pour tous les types de leucémies aiguës combinées = 0,79 [0,70-0,91]; OR = 0,77 [0,57-1,03] pour les leucémies myeloïdes aiguës ; OR = 0,80 [0,69-0,93] pour les leucémies lymphoblastiques aiguës). Ce rôle protecteur serait proportionnel à la durée de l'allaitement.

L'effet prophylactique pourrait être lié à la protection apportée par le lait maternel vis à vis des infections précoces de l'enfance, susceptibles d'induire un terrain immunitaire favorable au développement des lymphomes (1). D'autres études sont nécessaires pour confirmer cette hypothèse.

4.1.8                          ALLAITEMENT ET MALADIES DIGESTIVES

4.1.8.1                 Allaitement maternel et enterocolite ulcéronécrosante (ECUN)

Là encore, n'ayant pas trouvé dans la littérature de publications récentes sur ce sujet, nous avons choisi d'exposer la conclusion de Cécile GALINOU (1).

L' enterocolite ulcéronécrosante est une urgence néonatale fréquente qui survient le plus souvent chez le nouveau-né prématuré, de faible poids de naissance; mais aussi chez l'enfant né à terme (5 à 25%). Son pronostic demeure grave, avec décès dans 20 à 40% des cas.

L'étiologie de l'ECUN est mal connue, probablement multifactorielle, et les facteurs incriminés sont retrouvés de la même façon chez le nouveau né et le prématuré. Ils sont au nombre de 3 essentiellement (ischémie-hypoxémie intestinale, alimentation entérale et pullulation bactérienne intestinale), pourraient agir en conjonction sur la barrière intestinale immature du nouveau-né prématuré et être à l'origine du processus de développement de l'ECUN.

L'effet protecteur du lait maternel sur le développement de l'ECUN est évoqué dès 1965 puis confirmé en 1990 par une étude prospective multicentrique randomisée sur 926 nouveau-nés prématurés. Une interaction entre l'âge gestationnel et le mode d'alimentation est retrouvée: pour les enfants nourris au lait humain, la fréquence de l'ECUN diminue de façon continue quand l'âge gestationnel augmente; pour les enfants nourris au lait artificiel, la fréquence de l'ECUN diminue jusqu'à 28 semaines, et reste stationnaire ensuite.

De même entre l'âge du premier repas et le mode d'alimentation : le risque d'ECUN augmente quand l'alimentation entérale est précoce chez les enfants nourris au lait artificiel, alors que cette relation n'est pas retrouvée chez les enfants nourris au lait humain.

L'effet prophylactique vis à vis de l'ECUN de l'alimentation au lait humain des prématurés de moins de 32 semaines, des enfants de poids de naissance inférieur à 1500 g et des enfants présentant des antécédents périnatals d'ischémie-hypoxémie est maintenant communément admis. Après 32 semaines d'âge gestationnel, les enfants recevants du lait humain, même partiellement, développent exceptionnellement une ECUN .

Plusieurs hypothèses peuvent expliquer la protection apportée par le lait humain sur le développement de l'ECUN :

t           L'alimentation au lait maternel permet le développement d'une flore intestinale saprophyte à prédominance de bifidobactéries qui limite la multiplication des entérobactéries;

t           Le lait maternel apporte une défense locale intestinale et contient des facteurs bénéfiques comme les IgA sécrétoires, les macrophages et la lactoferrine;

t           Il contient aussi de nombreux facteurs de croissance dont l'EGF (Epidermal Growth Factor) qui pourrait participer à l'effet immunomodulateur des immunoglobulines humaines (IgA et IgG) et favoriser la maturation du tractus digestif.

4.1.8.2                 Allaitement maternel et maladies inflammatoires de l'intestin

Les maladies inflamatoires chroniques de l'intestin (MICI) sont rares et leur étiopathogénie, associant probablement une succeptibilité génétique et l'action de facteurs environnementaux est mal connue. Un modèle explicatif approchant celui du diabète insulinodépendant a été proposé ; un ou des évènements périnatals, probablement infectieux, intervenant dans une période d'immaturité et de vulnérabilité du sytème immunitaire, sur un individu génétiquement prédisposé, modifient sa réponse immunitaire.

La part des facteurs alimentaires reste controversée. Le rôle de l'allergie aux protéines du lait de vache est évoqué. L'effet protecteur de l'allaitement maternel est montré de façon inconstante dans les études et d'autres recherches seraient nécessaires afin de conclure sur l'existence ou non de ce rôle protecteur, lié à la diminution des épisodes infectieux périnatals et à l'action de certains de ses composants sur la maturation du tractus digestif et du système immunitaire (1).

4.1.8.3                 Allaitement maternel et maladie coeliaque

La maladie coeliaque est une maladie multifactorielle qui fait intervenir des facteurs génétiques, immunologiques et environnementaux. A l'heure actuelle, le gluten est le seul facteur environnemental dont le rôle est démontré. La variabilité de l'âge de début de la maladie et la discordance entre jumeaux monozygotes suggèrent l'existence d'autres facteurs environnementaux. L'allaitement maternel pourrait jouer un rôle important de protection contre d'autres facteurs de précipitation de la maladie et/ou dans le développement d'une réponse appropriée à la gliadine.

Une étude rétrospective récente (30) portant sur 169 cas de maladie coeliaque a analysé la contribution respective de l'allaitement maternel et de l'âge de l'introduction dans l'alimentation du gluten, dans la détermination de l'âge de début des symptomes. Un allaitement maternel poursuivi au moins jusqu'à la fin du 6ème mois et l'introduction tardive du gluten, au moins à partir du 5ème mois, permettraient de prévenir les formes précoces et sévères de la maladie coeliaque en retardant son expression à des âges plus avancés. L'introduction progressive du gluten sous protection de l'allaitement maternel joue également un rôle protecteur.

4.1.9                          AUTRES BENEFICES DE L'ALLAITEMENT MATERNEL

Voici quelques bénéfices supposés de l'allaitement maternel à propos desquels nous n'avons trouvé que quelques études référencées.

Nous les citerons seulement, en attendant que des recherches complémentaires nous aident à  conclure sur ces sujets :

t           Le risque de hernie inguinale diminurait parallèlement à l'augmentation de la durée de l'allaitement exclusif. En effet, certaines hormones présentes dans le lait humain (en particulier la GRH : gonadotrophine-releasing hormone) pourrait faciliter la fermeture du canal inguinal (31);

t           De même, une étude (32) aurait montré que le risque d'arthrite chronique juvénile (ARJ) diminuerait parallèlement à l'augmentation de la durée de l’allaitement exclusif. Comme pour le diabète insulino-dépendant, les auteurs pensent que l'alimentation au lait industriel pourrait favoriser l'ARJ en augmentant le niveau d'exposition à divers facteurs antigéniques alimentaires;

t           Les enfants nourris au biberon aurait un risque nettement plus élevé de pathologies bucco-dentaires (malocclusion, implantation dentaire anormale ...) (33);

t           Heacock et al (34) ont montré que le reflux gastro-oesophagien était moins fréquent chez les enfants allaités, et que les symptomes en étaient moins sévères. En effet, le travail musculaire des structures buccales au sein étant plus important il améliorerait ainsi le tonus musculaire de l'oesophage et de l'estomac. De plus, du fait d'un pH gastrique plus bas et d'une digestion plus rapide en présence de lait maternel, la vidange gastrique est accélérée .

4.1.10                     CONCLUSION

Les connaissances actuelles sur les bénéfices de l'allaitement sur la santé  de l'enfant peuvent se classer en plusieurs catégories:

t           les bénéfices mis en évidence par de nombreux auteurs vis-à-vis de la prévention primaire de l'allergie chez les enfants non génétiquement disposés, des infections courantes de l'enfant : diarrhées, otites, infections respiratoires;

t           par contre, les études concernant le développement cognitif, la mort subite du nourrisson, le diabète insulino-dépendant, les maladies inflammatoires digestives ou les cancers de l'enfant ne permettent pas de conclure à un effet protecteur de l'allaitement maternel, soit parce que le mécanisme physiopathologique de la maladie est mal connue et implique probablement des facteurs non pris en compte, soit parce que le lien est faible et difficile à mettre en évidence.

4.2             BENEFICES POUR LA MERE

Les mères qui choisissent d'allaiter le font généralement pour les bénéfices que l'allaitement maternel confère à la santé de leur enfant. En effet, les bénéfices de l'allaitement au sein sur la santé maternelle sont souvent minimisés ou négligés.

C'est pourquoi, nous avons choisi de faire une synthèse de la recherche médicale concernant les conséquences de l'allaitement au sein sur la santé maternelle.

4.2.1                          LES BENEFICES A COURT TERME

4.2.1.1                 Allaitement et carence martiale

Dès le début du post-partum, l'ocytocine sécrétée à chaque tétée entraine des contractions de l'utérus, ce qui limite le saignement en post-partum et favorise l'involution utérine. Bien que les injections d'ocytocine soient régulièrement administrées de nos jours lors du travail, les mères qui n'allaitent pas ont un risque hémorragique plus élevé, particulièrement dans les 24-48 premières heures (35).

De plus, l'aménorrhée lactationnelle limite, dans les mois qui suivent l'accouchement, les pertes sanguines (36). La réduction des pertes de fer associée à une meilleure absorption intestinale du fer pendant la lactation diminuent les risques de carrence martiale (même si le fer est utilisé pour la production du lait maternel).

4.2.1.2                 Allaitement et régulation des naissances (37)(38)

Il existe un autre effet du retard au retour des règles : c'est l'espacement des grossesses . Il a été montré qu'un intervalle intergestationnel d'au moins deux ans est suffisant pour améliorer la survie des enfants, et pour diminuer la morbidité maternelle. On observe dans beaucoup de pays en voie de développement que l'allaitement maternel aboutit à des meilleurs résultats que les autres méthodes d'espacement des naissances, peut-être parce qu'il ne bouscule pas les croyances religieuses et les habitudes culturelles. L'aménorrhée lactationnelle est une méthode très bien prouvée, avec 98% de réussite les 6 premiers mois. Nous en expliqueront les lignes directrices dans le chapitre " contraception et nouvelle grossesse" (cf chapitre 7.2.1.5).

4.2.1.3                 Allaitement et métabolismes

4.2.1.3.A        Variations pondérales

La grossesse est un facteur connu de prise pondérale. Des études à long terme ont montré que chaque grossesse augmentait de 1 à 2,3 kg le poids moyen d’une femme.

Fréderic GREIL (37) a repris plusieurs études démontrant que l'allaitement aide les femmes à perdre du poids après l'accouchement, mais les résultats restent contradictoires quant à l'importance de son impact et à ce qu'il advient à long terme.

4.2.1.3.B         Allaitement et diabète

Les études récentes analysées par Fréderic GREIL (37) suggèrent que l'allaitement maternel serait bénéfique chez les mères souffrant de diabète insulino-dépendant (DID) et de diabète gestationnel .Pendant la grossesse et l'allaitement, une baisse significative des besoins insuliniques des mères insulino-dépendantes aurait été  mise en évidence.

Le diabète en général ne semble pas être le principal facteur influençant la décision ou non d'allaiter chez les mères atteintes de DID. Il ne semble pas non plus modifier la durée ou la modalité (exclusif ou non) de cet allaitement, malgré une plus grande fréquence de déséquilibres glycémiques (hypoglycémies le plus souvent) (37).

4.2.1.3.C         Allaitement et métabolisme lipidique

Deux études antérieures à 1998, reprises dans la thèse de Frederic GREIL retrouvent un taux de cholesterol total supérieur chez les femmes allaitantes du fait de l'augmentation du HDL (High-Density Lipoprotein) (37).

Chez les femmes atteintes de diabète gestationnel, il n'y aurait pas de variation du profil lipidique pendant la période d'allaitement (37).

4.2.1.4                 Allaitement et sclérose en plaque

La sclérose en plaque (SEP) survient souvent chez les femmes jeunes et l'effet de la grossesse et de l'allaitement est encore mal compris. On assiste souvent à une augmentation de la fréquence des crises ou à l'apparition de la maladie après la grossesse. Là encore, aucune nouvelle étude n'ayant été publiée depuis 1998, nous reprendrons la conclusion de Frederic GREIL: il semblerait que le taux moyen de recrudescence des crises semble maximum lors des 3 premiers mois du post-partum, mais que l'allaitement n'intervienne pas dans cette recrudescence (37).

4.2.1.5                 Les effets psychologiques de l'allaitement

Les effets psychologiques de l'allaitement maternel sont plus difficiles à analyser et à séparer des facteurs confondants.

Cependant, il semblerait que l'allaitement améliore la confiance en soi des mères et facilite leur rapprochement avec leur enfant.

Une étude a montré une relation inverse entre le nombre d'enfants négligés et le taux d'allaitement maternel (39). Souvent, l'allaitement maternel est ressenti par les mères d'enfants prématurés ou hospitalisés comme le seul moyen de maintenir le sentiment de leur utilité vis à vis de l'enfant et ainsi de combattre les sentiments de culpabilité, de dévaloriation qui sont fréquents dans ces situations .

La sexualité des mères allaitantes a été peu étudiée et les résultats sont contradictoires. La relation entre l'allaitement maternel et la sexualité est complexe et difficile à définir car des facteurs communs (culturels, psychologiques et hormonaux) interviennent conjointement. La majorité des études concernant le post-partum retrouve une baisse de l'activité sexuelle en général, pour différentes raisons dont les plus fréquentes sont l'inconfort consécutif à l'épisiotomie, la fatigue, les pertes vaginales, la dyspareunie, la sécheresse génitale, la peur de réveiller l'enfant et une baisse de la libido (37).

4.2.2                          LES EFFETS A MOYEN ET LONG TERME

4.2.2.1                 Allaitement et ostéoporose

La perte de la densité osseuse pendant la grossesse et l'allaitement est bien établie (en particulier dans les parties du squelette comportant une grande proportion d'os trabéculaire). Cependant, on observe un retour à la normale de la densité osseuse après le sevrage. En effet, la lactation semble être associée à des modifications du métabolisme du calcium avec une mobilisation temporaire et une restitution ultérieure des minéraux contenus dans les os. Ces modifications ne dépendent pas des apports alimentaires en calcium, et ne sont pas modifiés par une augmentation de ceux-ci (40). Les mécanismes en jeu sont encore mal connus.

Il apparaît que l'allaitement doit durer plus de 3 mois pour que la déminéralisation se manifeste (41). Pendant les 3 à 6 premiers mois, la densité minérale osseuse baisse de 3 à 5%. Cette baisse significative est équivalente ou supérieure à celle qui interviennent peu de temps après la ménopause. La densité osseuse revient à la normale lorsque l'allaitement se prolonge et après le sevrage, peut-être en relation avec le retour de couches et la reprise des fonctions ovariennes. Même les femmes qui sont de nouveau enceintes pendant la lactation voient leur densité osseuse revenir à la normale. Cette évolution de la minéralisation pendant le post-partum est spécifique de la lactation (40) et est considérée comme un phénomène physiologique et transitoire.

Il semble que le corps humain soit capable de s'adapter à la quantité de calcium présente dans ses apports alimentaires, et d'utiliser le calcium avec autant d'efficacité que l'apport calcique est bas. Deux mécanismes sont susceptibles de permettre à l'organisme d'économiser le calcium : l'augmentation de sa réabsorption au niveau rénal, ce qui limite les pertes urinaires, et l'augmentation de l'absorption intestinale qui permet une meilleure exploitation des apports alimentaires. Seule l'augmentation de la réabsorption rénale a été confirmée, l'augmentation de l’absorption intestinale étant curieusement observée que 2 mois après le sevrage (possibilité d'une action oestrogénique) (42).

La perte osseuse est indépendante des apports alimentaires et est observée même chez des femmes ayant des apports calciques très importants (> 1800mg/J). Une étude récente, portant sur des femmes africaines ayant des apports calciques très bas (environ 280mg/J) a montré que, même chez ces femmes, une supplémentation calcique n'avait aucun impact sur l'évolution de la densité osseuse pendant l'allaitement (43).

Par ailleurs, les études sur l'ostéoporose effectuées sur des femmes agées montrent que l'allaitement n'est pas en soi un facteur de risque : après correction pour les facteurs confondants, il semblerait même que le fait d'avoir allaité induise un net abaissement du risque de fracture du col du fémur(37).

Ceci étant, les différentes études sélectionnées par Frédéric GREIL sur le risque de fracture du col du fémur ou de tassement vertébral sont contradictoires; certaines concluant à une relation inverse, significative entre la durée totale d'allaitement et le risque de complications ostéoporotiques , d'autres non (37).

4.2.2.2                 Allaitement et cancers gynécologiques

Plusieurs études ont tenté d'évaluer la relation entre l'allaitement et les cancers féminins. On pourrait effectivement s'attendre à un effet protecteur de l'allaitement du fait d'une suppression ou d'une diminution des cycles ovulatoires pendant la lactation.

4.2.2.2.A        Cancer du sein

Les influences sur le cancer du sein de l'âge de la mère à la première naissance, la parité, l'âge des premières règles, l'âge de la ménopause ont été bien établies.

En ce qui concerne l'allaitement maternel, les données sont contradictoires, malgré un nombre relativement important d'études.

Afin d'essayer de faire le point sur ce sujet, nous nous baserons sur l'article de M. LABBOCK, publié en Juin 1999 dans Clinics in Perinatology (38). M. LABBOCK a fait une synthèse de la littérature des 10 dernières années concernant la relation entre l'allaitement maternel et le cancer du sein préménopausique.

Sur 20 études, 10 retrouvent un rôle protecteur de l'allaitement maternel. Le niveau de risque relatif varie d'environ 0,54 à 0,85 pour les 3 à 6 premiers mois d'allaitement; de 0,39 à 0,71 de 12 mois à plus de 2 ans d'allaitement; et de 0,35 à plus de plus de 6 ans.

En règle générale, le risque de cancer du sein préménopausique est retrouvé inversement proportionnel à la durée totale de l'allaitement maternel.

Sur les 10 autres études, aucun rôle protecteur significatif n'a été conclu. L'auteur y voit 2 raisons : dans plusieurs études, les périodes d'allaitement étaient très courtes; dans d'autres, la taille des échantillons trop petite pour séparer les cas de cancers préménopausiques, des cancers postménopausiques .

Dans la plus grande majorité de ces 10 dernières études, le risque relatif présenté est malgré tout inférieur à 1 et tend à montrer une augmentation de la protection avec la durée totale de l'allaitement.

L'auteur conclut qu'aucune protection vis à vis du cancer du sein postménopausique n'a été démontrée mais qu'il semblerait que la durée totale de la lactation et le risque de cancer du sein préménopausique soient significativement et inversement corrélés. De la même façon, le risque diminuerait régulièrement avec le nombre de bébés allaités. Par contre aucune relation n'a été retrouvée avec la prescription de médicaments destinés à bloquer la lactation après l'accouchement.

Ce rôle protecteur pourrait être en partie expliqué par l'aménorrhée lactationnelle prolongée associée.

4.2.2.2.B         Cancer de l'endomètre

Peu d'études récentes ont exploré la relation entre allaitement et cancer de l'endomètre.

Le risque de cancer endomètrial augmente avec la durée d'exposition aux oestrogènes endogènes et exogènes, tout particulièrement lorsque leur impact n'est pas modulé par la présence de progestérone. En post-partum, les taux d'oestrogènes et de progestérone sont plus bas lorsque la femme allaite. On pourrait ainsi s'attendre à un effet protecteur au moins à court terme.

Frédéric GREIL a référencé une étude cas-témoin publiée en 1995 sur 6 pays, y compris des pays en voie de développement. Les auteurs ont tenté d'analyser l'influence de la durée de l'allaitement sur le risque de cancer de l'endomètre en comparant 136 cas à 933 témoins. Ils ont conclu à l'existence d'un effet protecteur significatif proportionnel à la durée d'allaitement (mais pour une durée totale d'au moins un an) mais qui ne persisterait que quelques années après l'arrêt de tout allaitement. Il n'existerait plus après 55 ans, âge à partir duquel ce cancer devient plus fréquent.(37)

4.2.2.2.C         Cancer de l'ovaire

Il existe 2 théories sur la genèse des cancers de l'ovaire.

L'une suggère qu'elle est en partie la conséquence d'un excès de production de gonadotrophines, peut-être elle-même le résultat d'une déplétion précoce en follicules ovariens.

L'autre théorie suggère que l'ovulation elle-même ou que des mécanismes traumatiques provoqués par l'ovulation sont en cause. La grossesse et la contraception orale, en supprimant l'ovulation, constitueraient une protection.

On conçoit que l'allaitement pourrait également intervenir dans chacune des deux théories en diminuant ou supprimant l'ovulation ou l'excès de gonadotrophines (37).

M. LABBOCK conclue, dans son article synthèse des études parues dans la littérature, qu'il existerait une réduction d'environ 20% des cancers de l'ovaire chez les femmes ayant allaité au moins 2 mois (38). Par contre, l'effet dose-réponse n'aurait pas été retrouvé.

4.2.2.3                 Allaitement et polyarthrite rhumatoïde

La polyarthrite rhumatoïde (PR) est actuellement la seule pathologie où l'allaitement maternel pourrait être un facteur aggravant . Mais là encore, les quelques études qui ont été publiées ont des résultats contradictoires (37).

4.2.3                          CONCLUSION

Les connaissances actuelles sur les conséquences de l'allaitement sur la santé maternelle peuvent se classer en plusieurs catégories (37) :

t           bénéfices certains concernant la prévention des carences martiales post-partum, le contrôle des naissances (ces deux premiers arguments ayant surtout un impact dans les pays en voie de développement), la suite des diabètes gestationnels;

t           bénéfices probables mais à priori limités à la période lactationnelle (en l'absence d'études à long terme) concernant la perte pondérale et le métabolisme lipidique;

t           bénéfices controversés malgré un nombre relativement important d'études (aux méthodologies souvent contestables) concernant la prévention des cancers gynécologiques et de l'ostéoporose;

t           absence de responsabilité de l'allaitement sur la recrudescence des crises de S.E.P lors du post-partum;

t           doute sur le rôle de l'allaitement maternel dans l'évolution de la polyarthrite rhumatoïde.

4.3             BENEFICES FINANCIERS

L'aspect économique de l'allaitement maternel est rarement évoqué et ne fait l'objet que de peu d'articles. Pourtant, le choix de l'allaitement maternel engendre des économies à la fois pour la famille, mais aussi pour la sécurité sociale et pour la société. Si cet aspect économique est loin d'être négligeable et mérite bien sûr que l'on s'y intéresse ici, en France, il revêt un caractère tout à fait vital dans les pays du tiers monde dont les économies sont fragiles et pour lesquels l'achat de lait artificiel alourdit significativement la dette extérieure (44).

Voici ci-dessous une liste non exhaustive des principaux bénéfices de l'allaitement maternel :

t           Pour la famille :

-      économies liées au coût des substituts de lait maternel, de biberons, d'eau minérale, ....

-      économies des soins médicaux par une diminution des visites chez le médecin ou des hospitalisations pour un enfant malade, d'achats de médicaments.

-      économies liées au non achat d'une contraception maternelle.

-      économies liées à la santé maternelle et à la diminution de l'absentéisme maternel au travail pour maladie infantile (45);

t           Pour les employeurs :

-      économies liées à la baisse de l'absentéisme maternel pour maladie infantile (45);

t           Pour la Sécurité Sociale et la société :

-      économies de soins de santé par prévention de maladies aiguës et chroniques.

-      économies en devises pour l'achat et la distribution de substituts de lait maternel.

-      économies en évitant les dommages écologiques liés à la production, la distribution et la vente des laits artificiels et de leurs emballages.

Certaines études en France et par le monde ont essayé de chiffrer approximativement ces économies.

En France, une étude a été menée par P. Bitoun en 1994 (44). Après avoir détaillé point par point les différentes économies réalisées (si les mères françaises allaitaient 4 à 6 mois exclusivement selon les recommandations de l'O.M.S.), l'auteur arrive aux conclusions suivantes :

-      l'économie réalisée par la famille et par enfant serait de 12048 FF soit 21% du budget annuel d'un salarié au S.M.I.C. de l'époque,

-      l'économie réalisée par la Sécurité Sociale serait de 1,116 Milliards soit 0,202% du budget annuel de 1994 (Maladie = 553 Milliards).

Pour chaque augmentation de 5% du nombre de bébés allaités, une économie de 17 Millions de francs sur les dépenses de santé serait faite.

Les données chiffrées obtenues dans différents pays du monde sont les suivantes :

t           aux U.S.A., les maladies attribuées à l'alimentation coûtent 291 millions de dollars par an pour les diarrhées infantiles, 225 millions de dollars pour le virus syncytial respiratoire (VRS), 660 millions de dollars pour les otites et 10 à 125 millions de dollars pour le diabète insulino-dépendant (46);

t           en Iran, l'allaitement maternel exclusif a augmenté de 10% en 1991 à 53% en 1996. Durant cette période, le coût des substituts de lait maternel importés a diminué de 50 millions de dollars (47);

t           en Inde, si l'allaitement maternel ne prévenait qu'un seul épisode de diarrhée par enfant et par an, l'argent économisé excèderait le budget national pour la santé infantile. L'aménorrhée due à la lactation est de loin la meilleure méthode contraceptive du pays, sa valeur dans le programme national de planification familial est égale à environ la moitié du budget total (48);

t           à Hawaï, en 1993, 62 jours d'alimentation au lait industriel coûtait 119,14 dollars contre 50 Dollars pour l'allaitement par une mère dont le régime alimentaire avait été augmenté de 21%. Les auteurs concluent donc que 2 enfants peuvent être allaités pour le prix nécessaire à nourrir un enfant au lait industriel (49).

La dernière étude publiée (50) a calculé le surcoût estimé des soins liés au non allaitement et concernant la fréquence des recours aux services de santé pour 3 pathologies (otites, pathologies respiratoires basses et troubles gastro-intestinaux). Ce surcoût est estimé entre 1890 Francs et 2850 Francs par année et par enfant nourri exclusivement au lait industriel.

En ce qui concerne les économies pour la famille, il convient d'insister sur l'importance étonnante de ces chiffres. Il semble que l'abandon de l'allaitement maternel soit un facteur important d'appauvrissement des familles en grêvant leur budget de manière très significative par l'abandon d'une ressource naturelle de grande valeur. Ceci est d'autant plus important que de nombreuses études en France comme ailleurs montrent que les femmes qui allaitent se recrutent de plus en plus parmi les femmes dont le niveau d'éducation (et celui de leur compagnon) est plus élevé. Ce sont donc bien les familles qui lisent le moins, dont le niveau scolaire est le plus bas qui ne bénéficient pas de l'information sur l'avantage de l'allaitement maternel pour la santé de la mère et de l'enfant qui sont encore leurrées par le "modernisme" du biberon. Les professionnels de santé ne sont pas toujours conscients du rôle important qu'ils peuvent jouer dans la circulation et la propagation de ces informations.

Le drame est que ce sont aussi les familles qui abandonnent le plus massivement l'allaitement maternel qui sont le plus frappées par la crise économique et pour qui les frais engendrés par le coût du lait artificiel, des soins médicaux et de pharmacie deviendront très vite insupportables .

Sur le plan macroéconomique et celui de la Sécurité Sociale, nous avons voulu montrer ici la valeur économique de l'allaitement maternel sous ses aspects majeurs de prévention en nous limitant à quelques exemples concrets, non controversés et faciles à chiffrer.

Nous avons voulu éviter de parler des aspects de prévention en terme de mortalité infantile, difficiles à chiffrer au plan économique.

Nous ne prétendons pas fournir ici des chiffres précis mais au moins des ordres de grandeur qui nous l'espérons entraîneront des réflexions et des prises en compte de cet aspect économique de l'allaitement maternel si longtemps passé sous silence. Toutes ces données ont déjà été prises en compte dans de nombreux pays (Suède, Philipines, Etats-Unis, Nouvelle Guinée, ...) dont les politiques de santé reflètent la priorité de l'encouragement et du soutien des mères allaitantes et qui ont intégré dans leurs projets de santé publique le caractère fondamental au plan sanitaire et économique de la lactation. On peut se poser la question de savoir pourquoi ce sujet est si rarement abordé chez nous ? (44)

PRISE EN CHARGE DE L’ALLAITEMENT MATERNEL CHEZ LA MERE ET SON ENFANT PAR LE MEDECIN GENERALISTE

5                       PRISE EN CHARGE DE L’ALLAITEMENT MATERNEL CHEZ LA MERE ET SON ENFANT PAR LE MEDECIN GENERALISTE

D’après l’enquête locale de Saint Martin d’Hères citée dans l’introduction , 55% des mères qui alimentaient leur bébé exclusivement au biberon, avaient stoppé l’allaitement au sein dans le premier mois et principalement (40 %) dans les deux premières semaines après la naissance.

Les jeunes mères disaient avoir arrêté l’allaitement au sein essentiellement car :

t           dans 49% des cas, elles pensaient ne pas avoir assez de lait;

t           dans 26% des cas, elles se plaignaient du manque de repères, des contraintes ou de la fatigue;

t           dans 14% des cas, elles avaient l’impression que le bébé avait du mal à téter;

t           dans 12% des cas, elles souffraient de complications locales (crevasses, engorgements, lymphangites).

Dans ce chapitre, nous souhaiterions montrer aux médecins généralistes que beaucoup de ces sevrages précoces auraient probablement pu être évités par une meilleure prise en charge de l’allaitement.

5.1             AIDER LA FEMME A CHOISIR ET A SE PREPARER A L’ALLAITEMENT MATERNEL

5.1.1                          AIDER LA FEMME A CHOISIR

5.1.1.1                 Permettre à la femme de bénéficier d’informations

Pour nos aïeules lointaines, le choix de l’allaitement se posait à peine. Un nouveau-né devait recevoir du lait de femme, celui de sa mère ou celui d’une nourrice.

Actuellement en France, l’allaitement maternel n’étant plus indispensable à la survie de nos enfants (1), les mères ont le choix, :

-      de donner à un enfant ce qu’il y a de meilleur pour lui,

-      pour la mère, de vivre dans son corps une expérience unique,

-      pour un couple, de vivre le plus pleinement possible une merveilleuse relation avec le nouveau-né.

L’acte d’allaiter est un acte culturel qui nécessite un apprentissage et un encouragement permanent dans une société où ce n’est plus une habitude. Les parents ont besoin d’informations, d’écoute et d’attention pour décider d’allaiter et ensuite pour mener leur projet à terme. Ainsi, les parents bien informés sont capables de choisir ce qui convient le mieux à leur enfant selon leur environnement propre. Ce choix est basé sur un équilibre entre désir  et volonté d’allaiter.

La difficulté est plutôt dans notre société de consommation, de proposer une relation directe entre la mère et l’enfant, sans l’intermédiaire d’un objet.

C’est dans cette optique, que nous pensons que le médecin généraliste a un rôle à jouer (1) (2). Sans intervenir directement sur le choix de la mère, il doit pouvoir lui donner une information sérieuse sur les avantages de l’allaitement maternel (avantages pour la mère et pour l’enfant) ainsi que sur la physiologie de l’allaitement pour l’aider dans sa décision.

Ensuite, et surtout, son rôle est de permettre à celles qui décident d’allaiter de réaliser leur projet d’allaitement par un accompagnement dans la confiance et la valorisation de leurs compétences, la réussite de l’allaitement dépendant surtout de l’état émotionnel de la mère (3).

Comme dans tous les domaines qui touchent à l’affectivité, l’objectivité n’existe pas, et les professionnels comme les autres, fonctionnent selon leurs sentiments et ont tendance à projeter sur les “patients ” dont ils ont la charge leurs opinions et leurs vécus individuels. Il est important d’en avoir conscience et d’avoir la volonté de laisser à chaque femme toute sa liberté de décider et de vivre à sa manière sa relation avec son enfant (4).

Notre rôle n’est donc pas de modifier le taux d’allaitement, celui-ci étant fonction du projet personnel de chaque femme, mais de l’aider à réussir son projet.

En effet, l’abandon précoce de l’allaitement (au cours des 2 premières semaines dans 40 % des cas) ne résulte généralement pas d’une décision à priori et est donc considéré par les mères comme un échec (2).

5.1.1.2                 Prendre en compte la place du père

Le choix maternel d’allaiter ou non est profondément affecté par l’entourage, le compagnon jouant un rôle de premier plan puisqu’il serait influent dans 49% des cas (5).

En dépit de l’importance du rôle joué par les pères dans le choix et le déroulement de l’allaitement, ils ne sont généralement pas inclus dans les programmes de l’allaitement (6). De nombreux pères assistent au suivi de leur compagne pendant la grossesse. Cela représente pour les professionnels de santé concernés, une opportunité à saisir pour informer le père sur l’allaitement, en même temps que la mère.

Autrefois, les femmes allaitantes étaient traditionnellement soutenues par d’autres femmes, leur mère par exemple. Dans notre société, ce soutien  étant rarement assuré, des associations de mères sont apparues pour pallier à ce manque. Et c’est aux pères à assumer à la fois un soutien émotionnel et matériel. Ils ne sont pas nécessairement préparés à ce rôle et se sentent souvent incompétents en la matière. Beaucoup de sentiments négatifs pourraient être évités aux pères s’ils avaient conscience du rôle important qu'ils peuvent jouer non seulement vis à vis de leur nourrisson, mais aussi de leur compagne (5).

Comment peut-on aider les pères à vivre au quotidien cet allaitement qui perturbe leur repères, afin que cette phase se passe le mieux possible pour le bien être de l’enfant, sans que les pères se sentent menacés ou remis en question dans leur fonction masculine ou paternelle (7) ?

t           Par rapport à son bébé, chaque père agit alors selon sa personnalité : certains élaborent une relation corporelle précoce en favorisant le toucher, le porter, les câlins, les caresses, les massages, les soins d’hygiène (bains, changes qui ne sont pas forcément réservés à la mère). D’autres, préfèrent simplement observer leur bébé : le regarder respirer, bouger, dormir, manger, répondre à son regard, apprécier son éveil, son calme ou alors participer à des activités diverses avec lui : promenades, jeux, musique …;

t            Pour ce qui est de la relation alimentaire à l’enfant, si biberon il doit y avoir, nommons le “biberon de soulagement ” et non “biberon de complément”. Car si la mère suffit toujours à son bébé, elle a aussi le droit d’exprimer ses limites ; alors le biberon a sa place pour la soulager et non pour la concurrencer. Le père peut aussi jouer un rôle alimentaire au moment de la diversification de l’alimentation;

t           Pour ce qui est du rapport au corps de la femme allaitante, il faut admettre qu’il y ait des questions, sans vouloir apporter de réponses toutes faites et laisser les couples libres en se contentant de faire tomber les tabous (7). Car, quelle que soit leur réaction, les hommes semblent associer l’allaitement à la sexualité, comme si ce corps à corps entre un bébé et sa mère venait renforcer ou s’opposer à celui du couple parental ; en particulier ces dernières décennies qui sont marquées par un courant de libération sexuelle exprimée en partie par une érotisation accrue du sein (4).

Un allaitement épanoui est celui qui associe le père à sa décision et où celui-ci trouve sa place. Une place qui n’est pas toujours facile à prendre, car le père n’a généralement reçu aucune transmission familiale, traditionnelle ou culturelle autour du bébé, même si l’allaitement peut le confronter à des sentiments divers : bonheur et admiration d’un côté, jalousie de l’autre (3).

Voici quelques témoignages de pères, que nous avons trouvés intéressants, car ils résument en partie, les différents sentiments, parfois contradictoires, qu’ils peuvent éprouver en regardant leurs femmes allaiter : « l’enfant était mien ; le sein aussi en quelques sortes ; et j’étais fier; fier de mon épouse qui nourrissait et faisait grossir notre bébé. »« c’est un spectacle dégradant, qui assimile la femme à un vulgaire mammifère », « une femme qui donne son sein, donne la vie ; elle offre un peu d’elle même ; c’est magnifique ! je pourrais passer des heures à regarder cette scène » , « pendant l’allaitement, nous n’avons pour ainsi dire pas de sexualité ; ma femme n’y tient pas , et moi non plus …tout ce lait qui coule, ça me gène . En plus, je me sens inutile… je voudrais participer, partager un peu cette intimité, mais de fait, c’est impossible. », « je pense que dans l’allaitement un homme à un rôle à jouer qui lui est propre et qui reste viril. Les femmes nourrissent mais on peut les aider. Quand elles allaitent, on sent qu’elles ont un sentiment de plénitude, mais je suis convaincu aussi qu’elles ont besoin de sécurité et de protection. » (4)(7)

5.1.1.3                 Que répondre à…

5.1.1.3.A        L’allaitement abîme les seins: FAUX

(1)(8)

Pendant la grossesse, les seins augmentent de volume (mammogénèse) puisque la glande mammaire se développe sous le contrôle hormonal. Si la mère prend beaucoup de poids pendant cette période, le tissu graisseux peut également augmenter, ce qui accentue l’augmentation de volume des seins. C’est la variation de volume des seins pendant la grossesse qui sera responsable des altérations morphologiques et cutanées du sein (vergetures, ptose) après l’accouchement. Mais c’est le risque de toute maternité, indépendamment du choix de l’allaitement.

En réalité, le risque esthétique pour les seins pendant l’allaitement, est essentiellement lié aux variations de volume rapides, brutales (engorgements mammaires, arrêts brusques de la lactation) . Si l’allaitement est bien conduit, le risque esthétique est très faible et sûrement moins important qu’en cas de blocage de la lactation à la naissance.

5.1.1.3.B         “Ma mère n’a pas eu de lait, je n’en aurai pas”: FAUX

(1)(8)

La capacité à allaiter n’est pas héréditaire. Ce qui est certain, c’est qu’une femme qui, pendant toute son enfance, a été impressionnée par des histoires d’échecs d’allaitement, de manque de lait de sa mère, aura plus de difficultés pour faire confiance à son corps  , à ses seins. Mais si elle désire profondément allaiter, si elle est à l’aise dans son corps, elle y arrivera sans problème.

5.1.1.3.C         “Mes seins sont trop petits”: FAUX

(1)(8)

La glande mammaire a sensiblement le même volume chez toutes les femmes. C’est la proportion de tissu conjonctivo-graisseux de soutien qui varie, expliquant les différences de taille des seins d’une femme à l’autre. Le volume des seins n’a donc aucun effet sur la capacité à allaiter.

5.1.1.3.D        «Une femme très jeune ne peut pas avoir beaucoup de lait » : FAUX

(1)(8)

La glande mammaire est prête dès la puberté, une très jeune fille peut donc avoir une lactation normale, même si généralement, c’est plus difficile.

Au contraire, le tissu glandulaire diminue avec l’âge, et les femmes qui tentent un premier allaitement au-delà de quarante ans ont parfois un peu plus de mal à établir une lactation abondante.

5.1.1.3.E         «Je n’ai pas de bouts de seins»: FAUX

(1)(9)(10)(11)

C’est le bébé qui forme les bouts des seins en tétant. Il est extrêmement rare qu’une femme ne puisse pas allaiter à cause de mamelons mal formés. (cf chapitre :5.1.2.2.C)

5.1.1.3.F         «L’allaitement, c’est fatiguant»: FAUX

(1)(35)

C’est toute la maternité qui fatigue : les derniers mois de la grossesse sont lourds à porter, la naissance est un moment d’effort gigantesque, les premières semaines avec un nouveau-né sont parfois bien difficiles. En même temps, le corps subit de profondes modifications hormonales auxquelles il doit s’habituer et cela aussi donne la sensation de fatigue (en particulier, modifications hormonales de la prolactine qui induisent des perceptions de relaxation, de détente).

Il n’est pas possible de retrouver, allaitant ou non, un corps et un tonus d’avant la grossesse dans les jours qui suivent une naissance, il faudra souvent plusieurs mois (entre 3 et 6 en moyenne), et l’allaitement est un des facteurs positifs de remise en forme rapide car s’inscrivant dans le processus naturel de suites de couches, les modifications hormonales s’effectueront sans rupture brutale (contrairement au blocage de la lactation), donc dans les conditions optimales.

La fatigue est un élément difficile à dissocier de certains facteurs qui peuvent être aggravants (l’age, le nombre d’enfants à charge, le travail..) ce qui explique qu’elle  pourra être vécu différemment selon les femmes .

5.1.1.3.G        «Mon lait n’est pas assez nourrissant, ou pas bon»? FAUX

(1)(35)

Le lait maternel est parfaitement adapté aux besoins du bébé : il évolue dans sa composition au cours d’une tétée et également au cours du temps, pour s’adapter à la croissance de l’enfant. Il n’y a jamais de mauvais lait, de lait trop pauvre, insuffisant pour l’enfant. En effet, seule la quantité de lait varie chez une mère dénutrie, la qualité étant inchangée. Quand l’enfant ne grossit pas, c’est qu’il ne prend pas assez de lait et non parce que le lait n’est pas bon.

5.1.2                          AIDER LA FEMME A SE PREPARER

L’allaitement maternel pouvant être considéré comme l’acte le plus simple et le plus naturel du monde, il peut sembler étonnant de parler de préparation. Il y a pourtant plusieurs données à prévoir (1) :

t           Se préparer à allaiter, c’est d’abord préparer la venue du bébé au sein de la famille ;

t           Se préparer à allaiter, c’est aussi préparer son corps : apprendre à se détendre, à se reposer, à être bien dans son corps : à vivre dans un corps heureux sans se fixer de contraintes.

5.1.2.1                 Aider la femme à préparer la venue du bébé au sein de la famille

Préparer la place de l’enfant à naître, choisir le rythme de vie familiale, l’installation, qui favoriseront  au mieux la tranquille relation qui se créera jour après jour entre la mère et son enfant, leur mutuel apprentissage. Quel rôle le père a-t-il envie de jouer auprès de ce petit? Quel temps de caresses, de tendresse, d’émerveillement devant sa femme et son enfant pourra-t-il vivre? Comment préparer les enfants déjà nés à l’allaitement du bébé pour qu’ils puissent y participer sans crainte, ne pas être jaloux, et au contraire redécouvrir comment leurs parents, leur mère, ont su les aimer et les nourrir eux aussi ?

Ce sont là de vraies questions, auxquelles il est bon de réfléchir avant la naissance, afin de préparer la place du nouveau-né au sein de la famille. Il ne s’agit pas seulement d’un enfant qui naît mais c’est aussi la naissance d’une famille qui se joue (1).

5.1.2.2                 Aider la femme à préparer son corps, préparer ses seins

5.1.2.2.A        Préparer son corps

Dans l’allaitement, la mère n’offre pas seulement à son enfant le bout de son sein, mais tout son corps dans un échange total, sans réticence. Un corps à corps de chaleur et de tendresse, rendu optimum si la mère apprend à se détendre, à vivre dans un corps heureux et à avoir confiance en son corps et en ses facultés (1). Considérer les seins comme des organes remplissant une fonction, peut être déroutant au début, puis découvrir, après la naissance du bébé, que ce processus fonctionne peut s’avérer une expérience magnifique, une de celles qui permettent à la femme de mieux apprécier son corps (9)

5.1.2.2.B         Préparer ses seins

Il n’y a pas si longtemps, les professionnels de santé suggéraient aux femmes enceintes toutes sortes de moyens pour «endurcir », «épaissir » leurs mamelons avant l’arrivée du bébé. De nos jours, les experts s’entendent pour dire que la plupart des cas de mamelons douloureux sont le résultat d’une mauvaise position du bébé au sein au cours des tétées ou d’un problème de succion, ou les deux (1)(9)(10)(12). Contrairement à certaines parties du corps qui ont la capacité de s’épaissir suite à un frottement répété (talon, genou…) il n ‘existe pas d’hyper kératinisation au niveau du revêtement cutané aréolaire (10)(33).

Ainsi, la plupart des femmes n’ont pas besoin de préparer leurs mamelons à l’allaitement, la seule nécessité étant une hygiène correcte (une douche corporelle quotidienne) sans trop savonner les mamelons en fin de grossesse pour ne pas dessécher la peau et décaper la lubrification physiologique (Glandes de Montgomery) (1)(9) . Par contre, ces glandes peuvent être moins développées, et certaines femmes peuvent avoir une peau naturellement sèche, expliquant alors un certain degré de sécheresse cutanée, responsable d’une hypersensibilité et fragilité mamelonaire. Pour favoriser l’élasticité du mamelon, on peut alors conseiller à ces femmes d’étirer régulièrement le mamelon en le graissant un peu avec soit une graisse à base de vaseline : Castor Equiâ, Bepanthèneâ …( graisse dérivée du pétrole), soit une graisse à base de lanoline (graisse animale), soit le plus simple peut être et le moins coûteux avec de l’huile d’amande douce ou de l’huile d’olive (graisse végétale)… (1)(10).

A noter un petit détail pratique qui a son importance : on peut conseiller l’achat d’un soutien gorge bien ajusté (risque d’engorgement si trop serré), à bretelles larges, muni de bonnets qui s’ouvrent suffisamment pour ne pas gêner la prise de l’aréole tout en soutenant le sein pendant la tétée (1) (9)

5.1.2.2.C         Forme et longueur des mamelons

t           La forme et la longueur des mamelons n’ont aucune importance pour la réussite de l’allaitement. En effet, après l’accouchement et sous l’influence de l’ocytocine, les mamelons se mettent en érection (par tension musculaire et non par état congestif d’origine vasculaire). Ensuite c’est la bouche du bébé qui va mouler le mamelon, et si celui-ci prend une large partie de l’aréole dans sa bouche, il formera en quelques jours les mamelons . Il est donc important de veiller à ce que la mère et l’enfant adoptent une «bonne » position dès les premières mises au sein, que l’aréole reste souple pour que le bébé puisse la saisir à pleine bouche et que le bébé rassuré, paisible, ouvre grand la bouche et baisse sa langue (10) (11);

t           Les normes de variation de longueur d’un mamelon sont :

-      au repos de : -0,5 cm à 1,5 cm

-      et en érection de : -0,25 cm à 3 cm.

Donc même un mamelon plat ou invaginé sera fonctionnel du moment qu’il s’allongera après stimulation. Cela est même plus facile pour le bébé qui peut téter plus largement l’aréole (10);

t           Les seuls mamelons qui peuvent rendre la prise du sein plus difficile pour le bébé sont les mamelons qui se rétractent, qui se creusent au moment de la stimulation. La plicature des canaux lactifères de ces mamelons alors rétractés bloque l’écoulement du lait. Il s’agit d’un cas assez rare et unilatéral, du le plus souvent à une cicatrise fibreuse en arrière du mamelon, qui ne peut alors s’allonger. Il faudra sectionner chirurgicalement ces petites adhérences. C’est un geste simple à prévoir, si possible au moins un mois avant la naissance (1).

t           Parfois, le mamelon est libre, sans adhérences fibreuses, mais peu réactif, endormi. Des manipulations douces et modérées (étirements bien dans l’axe de l’aréole, roulement entre le pouce et l’index…) peuvent permettre une mise en route pendant la grossesse de ce qui se fera naturellement ensuite lors de la tétée.(1)(9)

La Leche League conseille aux femmes ayant des mamelons ombiliqués de porter des coquilles recueille-lait («boucliers ») les derniers mois de la grossesse afin que le moule en plastique appuyant sur l’aréole fasse saillir le mamelon (1)(9). Rien ne prouve leur efficacité aujourd’hui, et le même résultat semble être obtenu en découpant un petit trou à la pointe du soutien gorge, afin de laisser sortir juste le bout du mamelon (1)(11)(12).

Le Dr Mc Douglas (1)(11) a inventé la «niplette » : il s’agit d’un petit capuchon en plastique, de la taille d’un dé à coudre, dans lequel on peut faire le vide avec une seringue. Placé sur le mamelon, l’air est aspiré par la seringue. Ceci crée un allongement du mamelon qui vient prendre la forme du moule. D’après le fabricant (11), en portant la niplette pendant les six premiers mois de la grossesse quotidiennement, on pourrait ainsi corriger le mamelon plat ou rétracté avant l’accouchement .

Nous déconseillons son utilisation car en plus de son prix exorbitant et de son inconfort, son  efficacité nous semble nulle car elle confond une forme passagère passive (aspiration du mamelon) avec une fonction active ( érection du mamelon).

5.2             QUE DIRE A UNE FUTURE MERE AVANT SON DEPART A LA MATERNITE ?

5.2.1                          LA PREMIERE TETEE

Un bébé qui arrive au monde a des compétences pour téter mais c’est une expérience nouvelle à vivre. Il a besoin de temps pour cet apprentissage (10).

5.2.1.1                 La tétée précoce : un apprentissage actif

Dans les conditions d’un accouchement normal, le rôle de l’équipe médicale sera de permettre à la mère et son bébé de se découvrir, de se reconnaître et de commencer la relation d’allaitement. La première rencontre se fera en salle de naissance où l’on essayera de protéger cette relation immédiate entre la mère et son bébé (13).

Durant cette phase d’apprivoisement, les hésitations du bébé à téter le sein pourront inciter le personnel à intervenir. Attention, le contact et/ou l’odeur d’une main étrangère qui vient s’interposer pour forcer le nouveau-né à prendre le sein constituent pour lui une expérience désagréable. Ce souvenir pourra être la cause de refus ultérieur du sein.

Tout seul et si on lui en laisse le temps, il rampera vers le sein, c’est le « réflexe de fouissement » : plus qu’un réflexe, c’est une extraordinaire façon d’être du bébé qui, peau contre peau contre sa mère, est capable de se déplacer en se dirigeant grâce à son odorat, de tourner sa tête en tout sens et de trouver tout seul le mamelon, de l’attraper avec la bouche et de téter vigoureusement. Il a besoin d’être libre, de trouver tout seul. Après, il saura recommencer, il saura téter. Toute manipulation de la sphère ORL du bébé avant qu’il ait trouvé le sein risque de perturber par la suite son geste de tétée (1).

C’est pendant les deux premières heures qui suivent l’accouchement que le nouveau-né se trouve dans un état très particulier de vigilance et d’éveil, propice à ses apprentissages et à leur mémorisation (1)(8)(10)(12)(13). En effet, lors de l’expulsion, la compression de la tête du bébé dans la filière génitale entraîne la sécrétion de catécholamines responsable d’une capacité d’éveil calme exceptionnel pendant les deux premières heures qui suivent l’accouchement (10).

Cependant, et c’est important de le dire pour rassurer les mères, même après un accouchement eutocique, si le bébé ne cherche pas à téter immédiatement ou si la mère et l’enfant ont été séparés juste après l’accouchement, un nouvel essai d’apprentissage actif pourra être envisagé au cours d’une période d’éveil. Il n’est pas nécessaire, et c’est même néfaste, en attendant, de donner un biberon.

5.2.1.2                 Avantages médicaux de la tétée précoce

5.2.1.2.A        Pour l’enfant
5.2.1.2.A.1          L’évolution dans le temps du réflexe de succion (1)

Comme nous venons de le voir, à la naissance et pendant les premières heures, le nouveau-né sait téter et trouve tout seul le mamelon. Après la sixième heure, le « réflexe de fouissement » diminue progressivement pour ne réapparaître vraiment efficace qu’après la quarante huitième heure. Entre les deux, et surtout entre la douzième et la quarante huitième heure, les mises au sein seront souvent plus difficiles et donc éprouvantes pour la mère et l’enfant car le nouveau-né ne sera plus dans cette période d’éveil calme propice à cet apprentissage actif. La tétée précoce est un des facteurs qui aide au bon démarrage de l’allaitement ; il ne faut pas pour autant inquiéter les mères si elle n’a pas pu avoir lieu mais leur expliquer cette évolution dans le temps du réflexe de succion afin qu’elles puissent comprendre le comportement de leur bébé et que les remises au sein s’effectuent dans des conditions optimales.

5.2.1.2.A.2        Le colostrum: aliment parfaitement adapté aux besoins du nouveau-né (1) (9) (10) (13)

Nous avons vu précédemment (chapitre 4.1.1) que le colostrum, de par sa composition, est l’aliment le plus adapté aux besoins du nouveau-né. Après l’accouchement, ce colostrum suffit parfaitement à couvrir les besoins du nouveau- né. En effet, des études ont montré que la mère sécrète de 25 à 56 ml de colostrum le premier jour, et de 113 à 185 ml le second jour. La quantité de lait sécrétée pourra atteindre 500 ml à J5. La capacité de l’estomac du nouveau-né est très faible : 6 ml le premier jour, 12 ml le second jour, pour un bébé de 3 kg…ce qui laisse réfléchir sur nos pratiques de biberons ! La sécrétion de colostrum est donc parfaitement adaptée aux capacités digestives du nouveau-né : une à deux cuillères à café de colostrum 8 à 12 fois par jour, cela représente le volume nécessaire et suffisant pour nourrir et hydrater le nouveau-né, et ça, on ne le dit jamais assez (9).

5.2.1.2.B         Pour la mère

Dès que l’enfant trouve le sein et se met à téter, la succion du mamelon déclenche chez la mère, par un phénomène réflexe, une importante activité hypothalamo- hypophysaire et la mise en route de la sécrétion des 2 principales hormones de la lactation.

5.2.1.2.B.1           La mise au sein précoce favorise la montée laiteuse (1)(8)(15)

La prolactine, qui est l’hormone qui fait sécréter le lait, va donc mettre en route tout le processus de la montée laiteuse. Ainsi, pour certains auteurs (cf chapitre 3.2.1.2.A), la première tétée permet le démarrage de la lactation qui sera ensuite entretenue par des tétées fréquentes.

5.2.1.2.B.2         La mise au sein précoce favorise la délivrance (1)(8)

L’ocytocine est l’hormone de l’excrétion qui en provoquant la contraction des acini permettra au lait de couler pour satisfaire l’appel de l’enfant.

De plus, l’ocytocine fait contracter aussi l’utérus, et une tétée très précoce favorisera l’élimination spontanée du placenta.

Les mises au sein précoces ont donc, grâce à l’ocytocine, un double rôle préventif réel pour la mère :

t           prévention des hémorragies de la délivrance;

t           prévention des engorgements mammaires.

5.2.2                          LES TROIS « REGLES D’OR »

Comment vivre les débuts de l’allaitement dans les meilleures conditions et en évitant les difficultés les plus fréquentes ? Il semblerait qu’il y ait sur la pratique de l’allaitement maternel au cours des premières semaines, un fort consensus professionnel, dans la logique de la physiologie de la lactation. Ces conseils, que nous avons choisi de nommer les 3 «règles d’or », pourraient favoriser un bon démarrage de la lactation (14). Ensuite, au bout d’un temps variable selon les auteurs (de 6 à 16 semaines), la lactation semble être moins directement dépendante du taux de la prolactine. Il n’y a alors plus de physiologie hormonale de la lactation, mais le lait continue d’être produit, les seins sont en autonomie de fonctionnement (1)(10).

5.2.2.1                 Première règle : l’allaitement à la demande

(1)(9)(10)(12)(13)(14)

L’allaitement obéit à la loi de l’offre et de la demande et le plus vraisemblablement à la demande de l’enfant régulant l’offre (12).

L’allaitement à la demande est la base d’un allaitement réussi. C’est le seul moyen de respecter totalement la physiologie de la lactation, d’éviter les difficultés (prévenir les engorgements) et de répondre réellement aux besoins de l’enfant par une sécrétion lactée suffisante (1)(13)(14).

Répondre à cette demande de façon adéquate aidera l’enfant à trouver son propre rythme de sommeil et de faim et à s’adapter doucement à son nouveau mode actif d’alimentation (1)(13). Pendant toute la vie intra-utérine, il était nourri passivement par l’intermédiaire du cordon ombilical et du placenta et cette alimentation, à partir du sang de sa mère, était constante. Après l’accouchement, il va falloir qu’il se nourrisse activement : il lui faudra alors plusieurs semaines pour faire la différence entre être réveillé et avoir faim, s’endormir et être rassasié. Il confond les deux signaux, son entourage aussi. La mère devra, elle aussi, apprendre à reconnaître et à satisfaire les besoins de son enfant, à comprendre les appels de faim (pleurs, réflexe de fouissement) et ceux d’une autre origine.

Il n’est pas nécessaire de réveiller un nouveau-né à terme, de poids normal et en bonne santé (1) (13). C’est lui qui fixera le nombre et les horaires de ses tétées en fonction de ses périodes de vigilances. Le nombre des tétées quotidiennes est très variable d’un enfant à l’autre, et pour le même enfant, d’un jour à l’autre.

Certaines études ont montré que les tétées sont souvent peu fréquentes le premier jour puis que le nombre augmente rapidement entre la troisième et le septième jour (6 ou 7 tétées par 24 heures en moyenne) et décroît ensuite (1) (15).

Certaines mères tentent de réduire le nombre des tétées croyant qu’il est indispensable et possible d’imposer à leur bébé de plus longs intervalles entre les tétées parce qu’elles appréhendent de voir se prolonger le schéma des premières semaines sur plusieurs mois. Il faut rassurer les mères sur le fait qu’à la fois la fréquence et la durée des tétées ont tendance à diminuer avec le temps (12).

Il n’existe donc aucune règle quant à la durée ou le nombre de tétées ; certains bébés pourront réclamer toutes les deux heures, d’autres toutes les quatre à six heures, les mères ne devront pas s’inquiéter si leur enfant paraît ne pas être « typique » (1)(12).

5.2.2.2                 Deuxième règle : ne pas imposer de durée stricte pour les tétées mais être bien positionnée

Pendant de nombreuses années, on a couramment cru qu’il fallait limiter le temps de succion dans les premiers jours pour éviter les problèmes de mamelons douloureux. De récentes études montrent que l’irritation des mamelons ne dépend pas de la durée des tétées (12) mais est due à une mauvaise position du bébé au sein dans 85% des cas ou à des problèmes de succion dans 15% des cas (14).

De plus, conseiller à une mère de limiter le temps de succion peut être néfaste pour deux raisons :

t           La plus grande quantité de lait sera prise durant les premières minutes de la tétée (lait peu calorique, désaltérant), mais la composition du lait se modifiant au cours de la tétée, le lait riche en matières grasses sera pris en fin de tétée produisant en partie la sensation de satiété. Interrompre trop tôt la tétée aurait pour conséquence de diminuer la ration calorique de l’enfant, même si, sur un plan quantitatif, cela semble convenable (12)(16).

Dans cette situation, le bébé ne peut pas prendre suffisamment de poids malgré les tétées fréquentes et une quantité de lait apparemment suffisante. L’idéal serait donc de laisser le bébé téter le premier sein aussi longtemps qu’il le souhaite et d’attendre qu’il le lâche de lui-même, la mère pourra ensuite lui proposer le second sein qu’il prendra ou ne prendra pas, en fonction de ses besoins. En commençant avec l’autre sein à la tétée suivante, il n’y aura pas de déséquilibre dans la production du lait et pas de phénomènes d’engorgement(1)(9);

t           La durée du flux d’éjection est de maximum 30 minutes et correspond à trois ou quatre pics de sécrétion d’ocytocine. Pour entretenir la lactation, il faut que le bébé tête jusqu’à la fin du flux plusieurs fois par jour et certains bébés ont besoin de 20 à 30 minutes pour parvenir à la fin de ce flux (12).

Ensuite, vers la fin du premier mois, une fois la lactation bien démarrée, la mère peut décider librement du temps qu’elle peut et veut passer avec l’enfant au moment des tétées pour essayer de les réguler (1).

Comme nous l’avons vu, la position est un point essentiel sur lequel nous aimerions insister (1)(10)(12).

t           position de la mère qui doit être installée confortablement afin d’éviter la survenue de contractures dorsales douloureuses.

Une bonne position pour la mère est une position qui permet :

-      d’éviter les points de douleur (périnée, cicatrice de césarienne, sciatique…),

-      d’éviter la tension des épaules et de la nuque (poids du bébé ne reposant pas sur les bras), en utilisant des coussins par exemple, pour soutenir le bébé.

-      de pouvoir se détendre et somnoler.

La position allongée peut être pratique, car elle permet à la mère de se relaxer, tout en évitant les risques de contractures musculaires;

t           bonne position pour le bébé au sein qui lui permet d’avoir :

-      le corps face à celui de sa mère, nombril posé contre elle, bien soutenu pour qu'il ne glisse pas,

-      les axes têtes/corps et sein/bouche respectés (sein dans l’axe des canaux lactifères donc au niveau de l’aréole),

-      le menton collé au sein.

En y réfléchissant, de multiples positions correspondent à ces critères (sur 360°), selon les positions de la mère (cf. Fiche pratique n°1).


Il faudra aussi veiller à la position de la bouche du bébé (cf figure 1) :

-      bouche grande ouverte dans l’axe du mamelon, prenant largement le mamelon, une bonne partie de l’aréole et toute la partie inférieure du sein,

-      langue sous l’aréole,

-      lèvre inférieure et supérieure retroussées afin de faire le vide.

A différencier du bébé qui suce le mamelon façon tétine : éloigné de l’aréole, il prend le mamelon du « bout des lèvres », en serrant les gencives.


Figure 1: Position de la bouche du bébé d’après M. Thirion (1)

 


Pour bien faire ouvrir la bouche du bébé, on peut stimuler le coin des lèvres, caresser les lèvres ou tapoter la main mais ne pas tenir la nuque, ou la tête (car entraîne un mouvement d’hyper extension de la tête). (10)(12)

On conseillera à la mère d’éviter, si possible, de placer ses doigts en ciseaux pour présenter le sein au bébé . Ceci ramène le tissu glandulaire en arrière et empêche le bébé d’avoir les sinus lactifères dans  la bouche. (10)(12)

Les narines étant situées sous un promontoire (le nez) qui dégage naturellement sous elles un sillon d’air, la mère n’a pas besoin de dégager le nez du bébé, au risque de créer des zones de tiraillement (risque de crevasse) ou de compression (risque d’engorgement localisé). (1)

Dernier point de détail trop souvent oublié : ce qui motive le bébé dans sa recherche et lui fait réussir son mouvement de langue après avoir ouvert grand la bouche ainsi que la coordination de sa déglutition, c’est avant tout l’odeur de l’aréole, celle que diffusent les tubercules de Montgomery. (1)

Si la maman a une hygiène corporelle correcte, il n’est besoin d’aucun soin spécifique pour les seins, soins qui risqueraient de gêner le bébé dans son cheminement.

5.2.2.3                 Troisième règle : éviter les biberons de complément

Les biberons de complément donnés à la légère sont le point de départ d’un engrenage tout à fait contraire à la réussite du démarrage de l'allaitement. Il est important d’éviter dans la mesure du possible ces biberons de complément pendant l’allaitement, même et surtout pendant les premiers jours, quand les mères ont l’impression de ne pas avoir de lait car ils peuvent entraîner :

t           une confusion sein/tétine chez le bébé;

t           une baisse de la lactation chez la mère.

Ils devraient être donnés sur prescription médicale en cas de besoin.

5.2.2.3.A        Confusion sein/tétine

(1)(13)(14)(16)

Comme nous l’avons vu précédemment pour téter, le bébé va utiliser un gesteprécis spécifique, génétiquement programmé.

Téter c’est (13) :

positionner la langue en gouttière sous l’aréole,

effectuer avec la langue un mouvement péristaltique,

déglutir (déglutition infantile) quand la langue est sortie.

C’est donc coordonner très finement la succion, la déglutition et la respiration;

Pour se nourrir au biberon, le bébé ne peut pas utiliser sa technique innée de tétée. Il doit faire l’apprentissage d’un geste de succion totalement nouveau.


Boire au biberon, c’est (13) :

-      pincer la tétine verticalement entre les gencives,

-      aspirer,

-      déglutir (déglutition adulte) en collant la langue au palais.

Ces deux techniques semblent difficilement compatibles. Donner un complément au biberon risquerait de troubler le comportement de la majorité des nouveau-nés et de leur faire courir le risque de perdre leur réflexe de tétée et par là de ne plus provoquer le signal nécessaire aux flux d’éjection de lait.

C’est ce qui est consensuellement appelé la confusion sein/tétine et qui peut entraîner un bébé insatisfait qui finit par préférer le biberon (14);

L’usage de sucettes, de protège-mamelons en silicone provoquerait le même problème;

Si, pendant les premiers jours ou après une tétée, l’enfant semble pleurer de faim ou si sa courbe de poids descend anormalement, il vaudrait mieux lui apporter un peu de lait à la cuillère ou à la tasse ou au compte gouttes ou par n’importe quel moyen autre que la tétine d’un biberon, afin de préserver au mieux sa qualité de succion. La "ration" est à augmenter de 30% pour compenser les pertes de lait inhérentes à ces techniques (lait qui coule hors de la bouche de l'enfant).

5.2.2.3.B         Baisse de la lactation

(1)(10)(13)

L’utilisation de biberons de complément entraîne une baisse de la lactation par :

-      diminution quantitative de la stimulation aréolaire, le bébé tétant moins souvent,

-      diminution qualitative de la stimulation, du fait de la confusion sein/tétine ; le bébé aurait des difficultés pour stimuler correctement le réflexe d’éjection,

-      par impact psychologique négatif, la mère pouvant se juger « insuffisante » à nourrir son bébé.

Dans cette période du post-partum si fragile émotionnellement, la perte de confiance en soi peut inconsciemment entraîner une diminution de la lactation.

5.3             LA CONSULTATION DE L’ENFANT AU SEIN PAR LE MeDECIN GeNeRALISTE

5.3.1                          COMMENT S’ASSURER QUE L’ENFANT AU SEIN EST SUFFISAMMENT NOURRI

Dans un allaitement à la demande, il est inutile de chercher à savoir quelle quantité de lait le bébé prend ; il est inutile de le peser avant et après la tétée, il suffit de regarder l’enfant, d’examiner son comportement pour voir s’il est suffisamment nourri. (1)

Il existe des indicateurs d’absorption suffisante de lait maternel pendant les premières semaines post-partum qui sont :

1             perception du réflexe d’éjection dans les seins et rythme de la tétée,

2            déglutition audible durant l’allaitement,

3            sein plus souple après la tétée,

4            comportement du nouveau-né,

5            fréquence des urines,

6            fréquence des selles,

7            surveillance du poids par le médecin et non par la mère.

5.3.1.1                 Perception du réflexe d’éjection dans les seins

(1)(9)(10)

Les signes de flux se manifestent chez la mère par :

-      des sensations dans les seins : picotements, chaleur, tension, douleur… mais certaines femmes ne ressentent rien,

-      des effets distaux : contractions utérines (mais aussi vésicales et intestinales) en post-partum,

-      des signes associés : le mamelon opposé se met en érection et l’autre sein coule,

-      la maman a soif, elle a chaud et transpire (capture du glucose sanguin) puis se sent apaisée, détendue (par effet conjugué de l’ocytocine et de la prolactine).

5.3.1.2                 Déglutition audible durant l’allaitement et rythme de la tétée

(1)(9)(10)

Dès que le bébé a pris le sein, il commence à téter. Les premiers mouvements rapides stimulent le réflexe d’éjection. Après que le lait se soit mis à couler, le rythme de succion devient lent et régulier. Ce changement dans le rythme de succion indique avec certitude que le réflexe a eu lieu. La déglutition devient alors sonore, brève, caractéristique d’un liquide qui arrive en jets au fond de la gorge. Grâce à cette déglutition audible, la maman peut différencier, durant la tétée, les épisodes de succion nutritive des épisodes de succion non nutritive pendant lesquels l’enfant reste au sein simplement pour son plaisir, sans avaler beaucoup de lait. Comme dit la pédiatre française Edwige Antier : « un bébé quitte le sein quand il a fait le plein de lait et le plein de maman » (9).

Lorsqu’un allaitement se passe bien, le bébé tête avidement à peu près sans s’arrêter. C’est ainsi que, pendant les premiers jours, on peut contrôler la qualité de la tétée et la quantité de lait dans les seins de la mère. Le bébé tête sans s’arrêter, déglutit régulièrement en moyenne 3 ou 4 mouvements de succion pour une déglutition. Plus le lait est abondant et plus les mouvements de déglutition sont rapprochés. Au contraire, si le bébé tête goulûment et ne déglutit que 3 ou 4 fois par minute, il ne trouve probablement peu de lait(1).

5.3.1.3                 Sein plus souple après la tétée

Le sein ne semble pas être un réservoir plein de lait en début de tétée qui se vide ensuite. C’est le taux sanguin des hormones de lactation qui conditionne la congestion des seins, ainsi, le sein sera plus souple, moins tendu en fin de tétée car l'augmentation de la filtration du sérum  permet de diminuer les acini permet de diminuer les phénomènes congestifs. C’est ce qui explique aussi qu’en fin d’après-midi, le taux de prolactine étant plus bas, les mères ont l’impression de manquer de lait car leurs seins sont souples. En fait, ils sont seulement moins congestionnés. Quand la lactation est bien mise en route, les seins redeviennent souples et moins volumineux ce qui signifie qu’ils s’adaptent à leur fonction (et non que la sécrétion lactée est en train de diminuer) (9)(10).

5.3.1.4                 Comportement du nouveau-né

Il est facile de reconnaître un bébé en bonne santé et bien nourri.

Il est tout rose, les lèvres bien colorées, une peau ferme. Il dort calmement. Quand il se réveille, il est tonique, ouvre grand les yeux. Il hurle vigoureusement si on le dérange mais se calme très vite quand on le caresse, quand on lui parle doucement. Il semble satisfait entre les tétées (1).

5.3.1.5                 Fréquence des urines

C’est un bon indicateur, plus un bébé boit de lait, plus il a d’eau à éliminer après avoir absorbé ses tétées. En sens inverse, un bébé qui mouille peu ses couches, économise l’eau, donc a priori, en reçoit peu dans son alimentation. Des urines claires et fréquentes (5 à 6 fois par jour) témoignent d’un bon équilibre hydrique (13). Avec les couches modernes qui paraissent sèches même mouillées, il faut savoir suggérer à la mère de gaspiller une couche neuve en y versant 60 à 70 cc d’eau, en fonction du poids du bébé pour qu’elle se rende compte du poids que la couche doit faire 5 à 6 fois par jour (3).

Toutefois, certains bébés peuvent avoir une prise de poids faible et des couches bien mouillées. Cela peut se voir dans le cas où on limite arbitrairement le temps passé au sein par le bébé ; ce dernier arrive à être suffisamment hydraté grâce au lait de début de tétée mais il n’arrive pas à obtenir suffisamment de calories (insuffisance en lait de fin de tétée, riche en matières grasses) et il prendra peu de poids.

5.3.1.6                 Fréquence des selles

Après les selles méconiales des premières 48 heures et 24 heures de selles de « transition », les enfants allaités exclusivement ont, pendant la première semaine de vie, une selle après chaque tétée (17). Ces selles sont jaune d’or, d’odeur aigrelette, grumeleuses, assez liquides et parfois totalement liquides (1). Des selles vertes et aqueuses sont signalées comme pouvant correspondre à un déséquilibre des apports en lactose par rapport aux apports en graisses du lait (1)(17). Ensuite, pendant le reste du premier mois, les bébés allaités ont de 2 à 6 selles molles ou liquides et abondantes par 24 heures (3)(17). Moins de selles peut signifier un apport insuffisant en lait et en particulier en lait gras de fin de tétée.

Par contre, en moyenne après 4 à 6 semaines, un enfant exclusivement allaité peut avoir des selles rares (une seule selle tous les 3, 4 jours voire moins) sans que cela soit inquiétant à condition qu’il grossisse correctement et que lorsqu’elle survient, la selle soit molle et très volumineuse (3).

En fait, il existe une grande disparité de la fréquence des selles suivant les enfants et c’est plutôt un changement brutal de fréquence ou d’aspect qui peut être alarmant (13). En effet, il faut expliquer aux mères la possibilité d’une diminution physiologique de la fréquence des selles ne correspondant pas à une constipation chez l’enfant allaité de plus de 4 à 6 semaines (17). On ne devrait parler de constipation que devant des signes pathologiques vrais : selles très dures, impossible à éliminer, abdomen ballonné, tendu, douloureux (1).

De même, les selles d’un enfant exclusivement allaité sont molles voire même liquides et il ne saurait être question de parler de diarrhée, même devant six à huit selles liquides par 24 heures, tant que la courbe de poids est normalement ascendante (1).

5.3.1.7                 Surveillance du poids par le médecin et non par la mère

C’est le dernier élément pour surveiller l’alimentation d’un bébé : une courbe de poids ne peut s’interpréter que dans la durée, sur l’allure générale de la courbe ( au bout d’une semaine par exemple) donc sur la prise de poids moyenne (1).

En effet, il faut prendre en compte les limites de fiabilité des balances et les variations de poids enregistrées d’un jour à l’autre (émission d’une selle ou d’urine, tétées…) qui rendent difficile l’estimation de la prise de poids réelle. Donc, si l’on tient à peser l’enfant, ne jamais le faire avant et après la tétée mais sur la même balance et à peu près à la même heure chaque jour (12).

La pesée quotidienne effectuée par la mère peut la perturber et l'angoisser et de ce fait avoir un effet négatif sur la lactation. En effet, cette situation peut introduire un doute dans l’esprit de la mère sur sa capacité à nourrir son bébé et ainsi affecter sa production de lait (1)(12).

Dans leur adaptation à la vie aérienne, tous les bébés ou presque perdent du poids les premiers jours. Cette chute, plus ou moins brutale, traduit deux réalités :

-      l’élimination du méconium (150 à 200 grammes),

-      et la perte d’eau par évaporation.

En règle générale, on considère que le bébé doit avoir repris son poids de naissance à l’âge de 10 jours indiquant que la perte de poids de la période néonatale est terminée. Ensuite, pendant la première quinzaine, le bébé prend en moyenne vingt grammes par jour (1)(12).

Les courbes de poids ont été établies il y a quelques années d’après celles des enfants nourris au lait de substitution. Il y a une continuelle remise en question de ces courbes standards pour les enfants nourris exclusivement au sein (12)(18).

Au départ, dans les 2, 3 premiers mois, le bébé au sein a une croissance pondérale rapide, prenant du poids plus rapidement qu’un bébé nourri au biberon. Puis le gain de poids se ralentit dans le quatrième mois pour être ensuite inférieur à celui d’un bébé nourri au biberon entre six et douze mois. Certains ont autrefois interprété ces différences dans le sens d’un défaut de croissance pour l’enfant au sein, mettant en cause le lait maternel qui aurait été mal adapté. On considère aujourd’hui que ce type de courbe pour un enfant au sein correspond à la norme biologique. Quant à la taille et au périmètre crânien, aucune différence n'a été relevée entre les enfants allaités au sein ou au biberon.

5.3.2                          ALIMENTATION ET SUPPLEMENTATION DE LA MERE ET DE L’ENFANT AU SEIN

5.3.2.1                 Régime alimentaire de la mère et supplémentation

5.3.2.1.A        La femme qui allaite doit-elle manger «pour deux» ?

Une large étude de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) sur la qualité et la quantité de lait maternel montre qu’en dehors des privations extrêmes, l’allaitement maternel est peu altéré par l’état nutritionnel de la mère (à l’exception de la teneur en vitamines) (19). En effet, le métabolisme fonctionne avec un meilleur rendement pendant la grossesse et l ‘allaitement, ce qui permet à des mères dont l’alimentation est peu satisfaisante d’avoir une sécrétion lactée suffisante.

Il est apparu ces dernières années que le calcul théorique du surplus calorique nécessaire à une femme allaitante n’était pas confirmé par la pratique (12).

Il ne s’agit donc pas de manger pour deux, mais de manger à sa faim, une alimentation variée et équilibrée, riches en protéines, laitages, fruits et légumes frais (1)(9)(12). Il n’y a aucune contre indication absolue, tous les aliments peuvent être consommés avec modération, ainsi que ceux qui donnent une saveur un peu forte au lait pendant quelques heures. Cela constitue la continuité après la grossesse, le fœtus étant déjà habitué aux goûts variés du liquide amniotique (1)(12).

Cependant, certains aliments ingérés par la mère peuvent sensibiliser certains enfants. Si on suspecte un aliment que la mère a ingéré, d’avoir provoqué une réaction allergique chez le bébé, la mère doit l’éviter pendant deux semaines puis en reprendre. Si le bébé ne le supporte toujours pas, la mère doit le supprimer de son régime alimentaire et demander des conseils complémentaires pour son alimentation (20).

Le café, le thé et l’alcool passent dans le lait. Leur consommation est possible si elle est modérée et ponctuelle en particulier juste après une tétée.

De même, il est préférable d’éviter la cigarette. Si cela n’est vraiment pas possible, il est préférable de fumer après les tétées (le taux de  nicotine est maximum pendant la première heure), en dehors de la présence du bébé (1)(12).

5.3.2.1.B         La femme qui allaite doit-elle boire davantage ?

Des études récentes ont montré que ni une augmentation (21)(45), ni une diminution (21) de la ration hydrique de la femme allaitante n’ont d’influence sur la lactation. Certains pensent même qu’un apport liquidien excessif pourrait être néfaste, en interférant avec le contrôle hormonal de la diurèse.

C’est la soif qui va réguler de façon efficace la quantité de liquide ingérée par la mère, comme chez les autres mammifères. Ainsi, doit on cesser d’encourager les mères à se forcer à boire. On peut toutefois leur rappeler que des urines foncées à forte odeur doivent inciter à boire davantage (12).

5.3.2.1.C         La femme qui allaite a-t-elle besoin d’une supplémentation ?

A partir du moment où la femme allaitante a une alimentation variée et équilibrée, elle n’a besoin d’aucune supplémentation (1)(12). Si par contre, on craint une carence chez une mère du fait d’une alimentation de qualité médiocre, il est possible de lui prescrire des suppléments vitaminiques et/ou minéraux (9).

5.3.2.2                 Supplémentation de l’enfant au sein

5.3.2.2.A        Supplémentation en vitamine K

La concentration de vitamine K dans le lait de la mère  est assez faible (1 à 4 mg/l) (25), elle dépend de son alimentation pendant les derniers mois de la grossesse (23). Ainsi, un nouveau-né de quinze jours qui absorbe 500 ml de lait  de mère par jour reçoit  de 0,5 à 2 mg/jour de vitamine K. Les besoins quotidiens évalués à un peu plus de 1 mg/kg/jour ne sont donc pas assurés correctement, ce qui expose au risque de maladie hémorragique le nouveau-né, surtout s’il existe une pathologie cholestatique ,digestive ou en cas de traitement antibiotique prolongé.

Voici résumé ci-dessous, les 3 types de maladie hémorragique du nouveau né classés en fonction du paramètre temps (23) :

-      Maladie hémorragique précoce (entre H0 et H24) : forme grave (cephalhématome, hémorragie intracrânienne, intradigestive et intrathoracique), secondaire à un traitement chez la mère par AVK, antibiothérapie prolongée, antituberculeux, phénobarbital, aspirine. La prise en charge des grossesses à risque permet d’éviter cette pathologie,

-      Maladie hémorragique entre J1 et J7 : l’administration systématique de vitamine K à la naissance a rendu historique cette forme clinique classique,

-      Maladie hémorragique tardive (J8 et 12 mois) : malgré l’administration systématique de vitamine K à la naissance, la symptomatologie hémorragique peut apparaître au niveau cutané, digestif mais surtout intracrânien. Cette forme clinique peut être idiopathique, mais est le plus souvent favorisée par des pathologies intercurrentes : cholestase, antibiothérapie prolongée, traitement par AVK, diarrhée importante ou allaitement au sein exclusif sans supplémentation régulière.

Si la prophylaxie par supplémentation en vitamine K au nouveau-né allaité au sein n’est pas faite, le nombre d’accident hémorragique, avec séquelles neurologiques en particulier, augmente.

C’est ce qui a été reporté dans une région de Grande Bretagne où, suite à la controverse sur l’association vitamine K / augmentation du risque de cancer dans l’enfance, les nouveaux-nés alimentés au sein qui n’avaient pas eu de supplémentation par la vitamine K avaient présenté un taux élevé de maladie hémorragique (1 cas pour 1200) (22). Il n’existe à priori pas d’association entre l’administration intramusculaire de vitamine K et l’accroissement du risque de cancer dans l’enfance (24) mais il est difficile de conclure sur ce sujet, les dernières études étant contradictoires (22).

Quoiqu’il en soit, voici les recommandations concernant la supplémentation en vitamine K (23) :

-      Supplémentation le dernier mois de grossesse par 20 mg de vitamine K par jour per os si la mère est sous traitement antiépileptique (hormis le valproate de sodium),

-      Supplémentation à la naissance : pour le nouveau-né sans pathologie évidente, 2 mg per os après aspiration buccopharyngée ( à renouveler éventuellement vingt-quatre ou quarante –huit heures plus tard) ou une seule injection de 1 mg par voie intramusculaire lorsque la voie orale est impossible,

-      Supplémentation au cours des premiers mois : aucune supplémentation chez le nourrisson allaité artificiellement ; supplémentation de 2 à 5 mg per os par semaine pendant toute la durée de l’allaitement maternel exclusif.

Supplémentation à prévoir au cas par cas pour une pathologie hépatique ou digestive chronique, ou en cas de traitement antibiotique prolongé.

Théoriquement, la prise de 5 mg de vitamine K par jour par la mère allaitante pourrait éviter la supplémentation orale chez le nouveau-né au sein tout en le protégeant du risque de maladie hémorragique (22).

5.3.2.2.B         Supplémentation en vitamine D

(1)(26)

Comme les enfants nourris au lait artificiel, les enfants nourris au sein doivent être supplémentés en vitamine D, au risque d’être carencés. Pendant les 6-8 premières semaines de vie, leur statut en vitamine D est dépendant de celui qu’il avait à leur naissance, c’est à dire de celui de leur mère. Ensuite, en l’absence de supplémentation, il sera surtout corrélé à leur exposition solaire, plutôt qu’au taux maternel provenant de l’alimentation (foies et huiles de poisson essentiellement).

Ainsi, la « Food and Nutritional Board Commission on Life Sciences »  recommande pour les enfants allaités au sein la supplémentation journalière par des doses de 200 à 300 UI par jour de vitamine D, et des doses supérieures à 300 UI/jour pour les enfants peu exposés au soleil ou dont les mères ont une faible consommation en vitamine D.

5.3.3                          DIFFICULTES VENANT DE L’ENFANT

5.3.3.1                 L’enfant qui refuse le sein

La difficulté la plus angoissante pour la mère, c’est l’échec de la mise au sein. C’est à dire un nouveau-né qui pleure, manifestement affamé, et qui pourtant refuse le sein. Soit il refuse totalement de téter, soit il n’arrive pas à attraper correctement le mamelon, soit encore il tête quelques secondes, se rejette en arrière en hurlant, retête, crie à nouveau. Il est alors inutile d’essayer de convaincre le bébé de téter par la persuasion, et encore moins bien sûr par la contrainte.

Comment faire ? :

t           D’abord, nous l’avons déjà vu, ne jamais mettre sur le sein de la mère de produit d’hygiène à odeur forte qui gène le bébé dans sa reconnaissance du sein. Un lavage corporel quotidien est suffisant (1)(16);

t           Ne jamais tenir la tête du bébé fermement car son premier réflexe sera de se rejeter en arrière pour libérer son cou, sa tête. Laisser l’enfant maître de ses mouvements, en lui soutenant légèrement la tête (1)(10);

t           S’il n’a pas envie de téter, le laisser contre sa mère, sans chercher à poursuivre la tétée, le laisser s’apaiser. Il mangera mieux quand il sera plus calme;

t           Rassurer la mère en la persuadant que ce n’est pas grave et qu’il faudrait mieux éviter de donner un biberon de complément.

5.3.3.2                 L’enfant qui tête mal

C’est fréquent pendant les tous premiers jours, surtout pour les enfants prématurés à 37 ou 38 semaines, les enfants un peu hypotoniques.

Si l’examen neurologique est correct, il va apprendre rapidement à bien téter. On peut conseiller à la mère de faire couler une goutte de lait au début de chaque tétée et de laisser son bébé longuement sentir le mamelon .

L’enfant plus grand peut téter moins bien par périodes, parce qu’il a moins faim, parce qu’il est malade, parce qu’il est fatigué. Même si apparemment il ne mange presque pas, tant que sa courbe de poids est correcte, il n’y a pas lieu de s’inquiéter, puisque qu’il prend en général, 90% de sa ration dans les 4 premières minutes de la tétée (1).

5.3.3.3                 L’enfant qui ne prend pas assez de poids: stagnation staturo-pondérale et prise de poids lente

5.3.3.3.A        Définition

(1)(10)(27)

On considère que la prise de poids lente constitue la croissance normale d’un certain pourcentage de bébés, dépendant de facteurs généralement génétiques (ethniques, familiaux) alors que la stagnation staturo-pondérale représente la situation anormale d’un bébé ne recevant pas un apport nutritionnel suffisant pour couvrir ses besoins (27)

En pratique, il faudra s’intéresser à trois situations préoccupantes :

t           Un bébé qui perd toujours du poids après 10 jours de vie;

t           Un bébé qui n’a pas repris son poids de naissance à 3 semaines;

t           Un bébé dont la courbe de poids est très inférieure à la norme (-2 DS) ou qui s'abaisse, se casse brutalement.

L’examen clinique, l’évaluation de l’état de l’enfant et de la pratique de l’allaitement permettront de différencier une prise de poids lente d’une stagnation staturo-pondérale (cf fiche pratique n°2) et en particulier, il sera nécessaire d’analyser (1) (27) :

-      la fréquence des selles et des urines,

-      le comportement de l’enfant : bébé apathique, qui dort beaucoup, ou pleurs geignards, après les tétées chez un bébé qui n’arrive pas à s’endormir.


En pratique, le médecin généraliste sera confronté à 3 situations (17)(27) :

t           Il n’y a pas de «réel » problème  de prise  de poids, le bébé prend plus au moins 500 g/mois ce qui est dans la norme. Il sera toutefois nécessaire d’évaluer soigneusement la situation, ne serait-ce que pour rassurer pleinement la mère;

t           La prise de poids est « limitée » : entre 300 g et 500 g/mois, il n’est pas nécessaire de donner de complément en première intention. Au départ, des mesures visant à corriger un éventuel problème au niveau de la pratique de l’allaitement seront instituées parallèlement à un suivi étroit et régulier de la situation;

t           Prise de poids insuffisante ou perte de poids après avoir évaluer la situation clinique (risque de malnutrition et de déshydratation), on conseillera à la mère de lui donner des compléments, parallèlement à la mise en place de mesures indispensables au niveau de l’allaitement et/ou des soins en cas de maladie.

 

Comment compléter ?

-      Si possible avec le lait maternel que la mère tire après chaque tétée (sans limiter la durée de la tétée) et qu ‘elle donne avec un autre moyen que le biberon (tasse, seringue, goutte à goutte, cuillère..);

-      Sinon, avec un lait industriel, après les tétées, si possible, là encore, autrement qu’au biberon .

On conseillera aussi à la mère de peser son bébé 1 à 3 fois par semaine (même heure, même balance) et de tenir un « journal de bord » ( tétées, selles, couches, comportement du bébé…)

Une telle situation est généralement un stress majeur pour la mère qui peut la vivre comme un échec. Elle aura souvent besoin d’écoute, de conseils pour retrouver sa confiance en soi. Surtout, il faudra surveiller régulièrement l’enfant jusqu’à la résolution du problème.

5.3.3.3.B         Les causes

(1)(27)

Après avoir éliminer les causes principales de prise de poids lente (une sécrétion lactée insuffisante, un problème de succion), si le problème persiste, il faudra rechercher une pathologie associée de l’enfant (cf. fiche pratique n°3).

t           Chez la mère, la principale cause est une sécrétion lactée insuffisante :

-      Soit par conduite d‘allaitement inadéquate : mise au sein retardée, mauvaise position et/ou crevasses, confusion sein tétine après utilisation de biberon de complément ou protège mamelon, déséquilibre lait début de tétée/ fin de tétée, engorgement important, tétées courtes ou espacées…,

-      soit parce qu’elle subit une diminution transitoire consécutive à des facteurs émotionnels, physiques ou physiologiques diminuant le réflexe d’éjection : stress, fatigue, age, douleur, anxiété, incompréhension des besoins du bébé…

Très rarement, la composition du lait peut être inadéquate pour couvrir les besoins du bébé :

-      Par malnutrition majeure et en particulier si régime déséquilibré et carencé (régime végétalien strict),

-      Par involution de la glande mammaire (engorgement chronique, tétées trop espacées, mastites fréquentes…) : outre l’hypogalactie, cette circonstance induit une hypernatrémie du lait, source de déshydratation et d’hypoglycémie chez l’enfant;

t           Chez l’enfant, le plus souvent il s’agit de problèmes de succion , parfois d’un enfant somnolent, un peu hypotonique qui dort toute la journée et se réveille rarement pour se nourrir, ou aussi d’une tétée rendue douloureuse par un muguet.

Plus rarement, il peut s’agir:

-      de troubles neurologiques: Prématurité, post maturité, RCIU, paralysie linguale et/ou palatine, hypotonie, hypertonie, anoxie, hypoxie, trisomie, anomalies génétiques…,

-      d’anomalies structurales: fentes labiales, frein de la langue trop court, macroglossie…,

-      d'un apport lacté suffisant mais mal assimilé:

§         vomissements, diarrhées : sténose du pylore, infection, troubles métaboliques, allergies, médicaments…,

§         malabsorption : mucoviscidose, maladies métaboliques, hypo ou hyperthyroïdie .

-      de besoins énergétiques élevés: maladies infectieuses (nécessitant un bilan minimum : NFS , CRP , ECBU), bébé hypertonique, hyperactif (rechercher thé, café, médicaments chez la mère), prématurés, maladies cardiaques…,

-      d'une carence affective,

-      chez le bébé de plus de 3 mois: restriction arbitraire du nombre de tétées ou apport alimentaire de moindre valeur nutritionnelle, maladie de l’enfant aiguë, nouvelle grossesse, besoin d’apport supplémentaire pour le bébé de plus de 6 mois...

5.3.3.4                 L’enfant qui pleure beaucoup

Un bébé pleure pour de nombreuses raisons.

5.3.3.4.A        Périodes de croissance

Les enfants traversent des périodes de croissance (souvent vers 3,6 semaines, 3,6 mois) pendant lesquelles, leurs besoins alimentaires augmentant, ils réclameront le sein plus souvent. Si la mère est prévenue et allaite à la demande, ces tétées très fréquentes pendant un ou deux jours vont stimuler sa sécrétion lactée en réponse aux besoins accrus de l’enfant (3).

5.3.3.4.B         La soif

La toute première raison des pleurs  répétés d’un bébé, si  ce n’est pas la faim, c’est la soif. Nos bébés français sont en général trop couverts et ils ont besoin de boire pour lutter contre la chaleur et éviter ainsi la déshydratation.

5.3.3.4.C         Rythme d’éveil

Si ce n’est pas la faim, ni la soif, que se passe-t-il ?

Une cause très fréquente et mal connue des pleurs d’un bébé est le rythme d’éveil.

Quand un bébé dort peu, il a beaucoup de temps pour pleurer car il est incapable, dans les premières semaines de vie de passer de longs moments d’éveil calme et attentif.

5.3.3.4.C.1         Quatre états de vigilance du nouveau-né (10)(13) :

t           Le sommeil lent (environ 20 minutes): l’enfant dort profondément, son corps est immobile, sans mimique avec un tonus musculaire important;

t           Le sommeil agité ou paradoxal ( de 20 à 40 minutes): ce sommeil agité est souvent confondu avec une période de réveil car l’enfant présente de nombreuses mimiques faciales, des mouvements oculaires, quelques mouvements du corps, des pleurs…;

t           Eveil calme ou éveil attentif (quelques minutes par jour). L’enfant est attentif, calme, les yeux grands ouverts. Très limitées en début de vie: 3 à 5 minutes 2 à 3 fois par jour, ces périodes vont en s’allongeant: 30 mn à la fin du premier mois;

t           Eveil agité avec ou sans pleurs: enfant peu attentif, insensible à son environnement. C’est le stade d’éveil le plus fréquent dans les premières semaines, les pleurs de cette période sont souvent confondus avec des pleurs de faim et de coliques. C’est en particulier le cas le soir de 17 à 22 heures pendant cette période souvent difficile à vivre pour les parents, car très anxiogène. Pendant cette longue phase d’éveil agité, où l’enfant prépare progressivement ses premiers endormissements en sommeil lent, sommeil lent qui devient plus profond ; les parents ont le temps de se poser mille questions: a-t-il faim ? N’ai-je plus de lait ? Souffre-t-il ? A-t-il des coliques ?

5.3.3.4.C.2        Rythmes de sommeil/veille/faim (10)(13)

Le sommeil est composé de cycles de 50 à 60 minutes : endormissement en sommeil agité ® sommeil calme ® sommeil agité…

Les cycles de sommeil sont entrecoupés de périodes d’éveil (calme et agité) pendant lesquelles le nouveau-né peut manifester sa faim. En effet, on ne se réveille pas «parce qu’on a faim», mais on ressent la faim parce qu’on est réveillé.

Peu à peu l’enfant créera ses habitudes. Plusieurs semaines lui seront nécessaires pour s’adapter, enchaîner de plus en plus de cycles de sommeil, et dormir des nuits complètes en ayant satisfait ses besoins (le plus souvent, vers 3 mois).

5.3.3.5                 L’enfant qui régurgite

Presque tous les nouveau-nés régurgitent un peu après les tétées, soit juste après, soit au moment où ils se réveillent pour un nouveau repas, ces petites régurgitations même répétées ont une signification banale. Après la tétée, le bébé peut avoir besoin d’éliminer l’air qu’il a ingéré pendant la tétée. Pour cela, l’idéal est de l’installer le ventre appuyé contre l’épaule droite de sa mère (donc un peu penché à droite) et en avant. En lui tapotant doucement le dos, l’enfant peut ainsi évacuer un petit renvoi, mais s’il dort calmement, on peut le recoucher sur le dos, afin que s’il régurgite un peu, il ne s’étouffe pas.

Le problème est alors différent si les régurgitations sont très importantes, fréquentes, à distance de la tétée et que la courbe de poids n’est pas satisfaisante.

5.4             COMPLICATIONS LOCALES

Pendant la période de l’allaitement, les seins ont une intense activité fonctionnelle sous contrôle hormonal. Ils sont également soumis au cours des tétées successives à certaines contraintes. Cela conduit à une fragilité des seins, à l’origine des troubles bénins mais qui, s’ils ne sont pas convenablement pris en charge, peuvent avoir des conséquences angoissantes et douloureuses et conduire à l’échec de l’allaitement. Dans la majorité des cas, ces troubles surviennent dans la semaine suivant l’accouchement. Deux difficultés importantes par leur fréquence, les crevasses et les engorgements seront à l’origine de complications plus graves, lymphangite et abcès du sein. Toutes ces complications peuvent s’intriquer, être cause ou conséquence de l’une ou de l’autre. Ainsi, un sein douloureux peut être à l’origine d’un engorgement par perturbation du bon déroulement de la tétée, un engorgement la cause de crevasses par gène technique à la mise au sein. Une crevasse est une porte d’entrée infectieuse, un sein engorgé enflammé présente un risque de surinfection (28).

5.4.1                          LES INCIDENTS DE LA MISE EN ROUTE DE L’ALLAITEMENT

5.4.1.1                 Les mamelons douloureux sans lésions apparentes

Certaines études (29) font état d’une prévalence des problèmes de mamelon douloureux allant jusqu’à 96%, et certains auteurs considèrent même ce problème comme normal au démarrage de l’allaitement.